Chaque année à la veille de la célébration des fêtes religieuses de l'Aïd El Fitr et, dans quelques jours, de l'Achoura, le ministère des Affaires religieuses invite solennellement les donateurs à verser leur obole au Fonds national de la zakat. Les ressources récoltées dans le cadre de cette opération ou tout au long de l'année sont très en deçà des apports attendus, que ce soit en argent ou sous d'autres formes prévues par les textes coraniques. En mai dernier, au Forum d'El Moudjahid, le ministre des Affaires religieuses a révélé que le Fonds national de la zakat avait récolté 3,5 milliards de dinars ; une chimère comparée au potentiel de «contribuables» éligibles au versement de la zakat au nombre desquels de nombreuses personnes aisées parmi les commerçants, les professions libérales, les chefs d'entreprise, les propriétaires terriens, et toutes les autres catégories socio-professionnelles qui ont des sources de revenus appréciables et dont la contribution n'apparaît pas dans les états financiers enregistrés et déclarés par le Fonds national de la zakat. De deux choses l'une : ou bien tous les Algériens musulmans pratiquants ne paient pas l'impôt islamique obligatoire de la zakat, ou bien alors seule une partie (infime ?) de la zakat des Algériens concernés par cette opération est captée par le Fonds national de la zakat. De nombreux donateurs préfèrent distribuer, par leurs propres soins, leur zakat à des bénéficiaires de leur choix, au profit de nécessiteux connus et identifiés ou à travers des contributions directes à des actions caritatives, sans passer par le circuit officiel du Fonds national de la zakat. Ou bien encore, dernière hypothèse : l'Algérie est un pays où la majorité de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, ce qui la rend par conséquent non assujettie au versement de la zakat. Une certitude toutefois : quand on pose la question, dans notre entourage familial ou professionnel, pour savoir quels sont les circuits les plus usuels utilisés pour l'acquittement de la zakat, neuf Algériens sur dix avouent spontanément opter pour la solution du don de proximité. Le recours à ce procédé personnalisé est justifié par le fait qu'il garantit la traçabilité de l'opération. On a tous des parents, des voisins, des nécessiteux, de tout âge, recueillis par des centres d'accueil, des associations, lesquels ont un besoin pressant de l'aide de la collectivité nationale. Il n'est pas rare, au niveau de la vox populi, d'entendre des commentaires foncièrement critiques sur l'utilisation de l'argent récolté par le Fonds national de la zakat, dont le ministère des Affaires religieuses prend soin pourtant, périodiquement, de rendre publique l'affectation de cette ressource pour éviter toute supputation sur la destination de cette manne. La suspicion est de mise. Plus clairement, on ne fait pas confiance à cette structure qui subit ainsi les conséquences de l'érosion de la confiance des citoyens dans les institutions et les structures de l'Etat résultant de la délégitimation du pouvoir. Le ministre des Affaires religieuses aura beau multiplier les appels à la générosité des Algériens en s'improvisant en agent officiel de démarchage de la zakat et promettre une gestion plus transparente de cet argent en mettant en place une entreprise publique à caractère commercial chargée de la collecte de ces fonds, son prêche ne risque pas d'avoir l'écho souhaité tant que le pouvoir n'aura pas soldé sa dette de déficit de légitimité.