La deuxième journée du Festival international du film arabe (FIFAO) a été marquée par la projection de deux longs métrages en compétation, « Aqarib Al Saa » (Les aiguilles de la montre) du qatari Khalifa Al Muraïkhi et « Horass Al Samt »(les gardiens du silence) du syrien Samir Dikra. Oran De notre envoyé spécial Il n'est pas toujours facile d'adapter un roman-fleuve au cinéma. Le syrien Samir Dikra a tenté de le faire avec « Le roman impossible : Mosaïque damascène » de Ghada Al Samman en réalisant « Horass El Samt » (Les gardiens du silence), projeté vendredi soir à la salle Maghreb, à Oran, à la faveur du quatrième Festival international du film arabe (FIFAO). L'exercice n'a pas été facile ni totalement réussi. « Le roman est bâti sur cinq tentatives de narration. La construction du film est différente du texte. Ce n'est pas du drama télévisuel qui est facile à composer et à comprendre », expliqué Samir Dikra, lors du débat qui a suivi la projection soulignant la nécessité d'être patient avec ce genre de films. La fiction s'étale sur 145 minutes avec une densité qui peut ennuyer et perdre le fil de la trame. L'histoire, qui ressemble à une saga russe, raconte les tourments de Zanoubia ou Zeïne qui perd sa mère Hind. Elle vit aux côtés de son père l'avocat Amjad et de sa grand-mère. Elle ne connait rien du secret de la mort de sa mère jusqu'au jour où Juliette, une femme cultivée, ex-amante de son père, lui apprend que Hind a été tuée et qu'elle était une écrivaine de talent. Depuis Zeine, qui a toujours vécu avec le rêve d'une mère carressante et protectrice et un père aimant et chaleureux, n'a plus cessé de se poser des questions sur les raison de la mort de sa mère. Petite, elle pensait que Hind a été prise par un aigle parce qu'on lui a raconté qu'une fille du quartier, accusée à tort d'avoir perdu sa virginité, s'est envolée comme un pigeon après avoir a été basculée dans le vide par son père. Un père furieux de voir « la honte » s'abattre sur la famille. Zeïne, à l'intelligence vive, est harcelée, au collège, par tous les courants politique qui traversaient à l'époque la Syrie, les nationalistes arabes, les progressites, les fondamentalistes. Tous voulaient la recruter au travail militant. Cela est symbolisé par un cours de chorégraphie sur un Boléro de Ravel durant lequel les danseuses activistes s'approchaient de la jeune fille. Zeïne était toute heureuse de participer à une manifestation pro-Nasser après la nationalisation du Canal Suez en Egypte. Elle a dû surmonter sa peur pour apprendre le pilotage d'avion grâce à un instructeur allemand. Comme quoi la femme orientale n'est pas destinée qu'à vivre dans les cuisines et les hammams. Une copine de Zeïne, qui porte le hidjab, danse sur une musique rock. Elle vit sa jeunesse comme les autres filles. « C'est une manière d'expliquer aux autres que nous ne sommes pas ce que vous pensez. On peut vivre avec nos traditions et nos différences », a expliqué Samir Dikra. Zeïne a fini par comprendre l'histoire de sa mère, l'implication hypocrite de son oncle dans son drame. Un oncle qui ne voulait pas que Hind soit auscultée par un homme en raison d'un accouchement difficile. Pour se venger, Zeina a surpassé les silences et les interdits pour retrouver le manuscrit de sa mère, soigneusement caché par son père, il le publier. Son père, qui voulait qu'elle s'éloigne de la littérature, n'a pas caché sa fierté de la voir écrire et publier ses premières nouvelles. Assis dans sa chambre avec sa grande mère, Zeine a écouté avec intérêt parler Amdjad, sous un chant mélancolique de Oum Kalthoum. Sous les portraits de présidents et de souverrains, le père a évoqué la situation du monde arabe faites de défaites et de trahisons. Il a repris une célèbre phrase d'El Kawakibi : « L'oppression et l'ingonrance sont les causes principale de la déterioration de la situation des arabes et des musulmans ». Ghada Al Samman s'est inspirée de sa propre vie, puisqu'elle a perdu sa mère lorsqu'elle était petite et a subi le conservatisme de Damas a ses débuts, pour écrie le roman qui a donné matière à Samir Dikra. L'auteure de « Le départ de vieux ports » s'est toujours élevée contre les archaïsmes qui ligotent la femme arabe et a toiujours dénoncé « le décalage » entre la pensée et l'action qui caractérise l'homme arabe. Samir Dikra a défendu le recours aux effets spéciaux (graphics), qui sont largement à parfaire, dans le film. « C'est la première fois qu'on utilise cette technique dans le cinéma syrien. Je reconnais que la qualité n'est pas bonne. Mais, je prépare une autre version du film avec plus de maîtrise des graphics et de la durée du film », a-t-il dit. Interrogé sur les problèmes traités dans un film dont l'histoire se déroule dans le Damas des années 1940-1950, le cinéaste a estimé que les choses n'ont, parfois, pas évoluer. « Pensez-vous que le femma peut conduire un véhicule en Arabie Saoudite ? N'existe pas des difficultés pour la femme arabe de travailler. J'ai fait ce qui j'ai pu. Si tous ces problèmes avaient été réglés, je n'aurai pas fait le film. Il faut sortir de l'hyprocrisie qui est en nous, regarder l'autre dans les yeux il lui dire ce qu'on pense réellement », a ajouté le cinéaste. Samir Dikra, pour rappel, est auteur de deux films à succès, « Chroniques de l'année prochaine » et de «L'incident du demi mètre ». A noter que « Aqarib Al Saa » (Les aiguilles de la montre) du qatari Khalifa Al Muraïkhi a été également projeté. Nous y reviendrons.