Les dirigeants de Sonatrach ont usé et abusé durant la décennie écoulée des marchés de gré à gré au vu de trois affaires aujourd'hui aux mains de la justice. Alors que l'attention était rivée sur le verdict en deuxième instance concernant les cinq cadres dirigeants de la STH (filiale transport de Sonatrach) la nouvelle de l'incarcération du président de l'activité Aval de la compagnie, PDG de Tassili Airlines et ex-PDG par intérim du groupe, Abdelhafid Feghouli, et de trois autres cadres, tombe comme un couperet. La justice semble rattraper les contrats de gré à gré passés à la faveur de la R15 de Chakib Khelil. Ainsi, après l'inculpation des quatre vice-présidents du groupe chargés des activités Aval, Amont et Transport par canalisation, ainsi que le PDG, Mohamed Meziane, à Alger, pour avoir «violé» la réglementation des marchés publics, puis celle de cinq cadres de la filiale STH pour les mêmes griefs, voilà que Abdelhafid Feghouli (président de l'activité Aval) et un de ses collaborateurs (directeur des études) ainsi que les directeurs généraux de la filiale (de Sonatrach) Cogiz et de Safir se retrouvent sous mandat de dépôt et l'ex-PDG du groupe, Mohamed Meziane, sous contrôle judiciaire pour avoir enfreint la réglementation en passant des marchés de gré à gré. Les trois affaires se ressemblent. Elles concernent la procédure des marchés de gré à gré dont les dirigeants de Sonatrach ont usé et abusé durant la décennie écoulée. En fait, elle a été instaurée et encouragée par la circulaire appelée dans le jargon du secteur des hydrocarbures «la R15», signée en 2004 par l'ex-ministre de l'Energie, Chakib Khelil. Cette directive permettait aux responsables des structures du groupe de passer outre les dispositions du code des marchés publics, mais sous des conditions bien définies. Ce qui a amené beaucoup d'entre eux à abuser de leurs pouvoirs. En moins de cinq ans, près de 2000 contrats de gré à gré ont été passés et bon nombre n'ont pas respecté la procédure en vigueur. Aujourd'hui, il est clair que la justice ne reconnaît que le code des marchés et rejette toutes les dispositions de cette directive, devenue le seul cadre qui régit les marchés au sein du groupe Sonatrach. Or, les juges ne la reconnaissent pas et l'estiment en violation avec le code des marchés. Ce qui explique les lourdes condamnations à l'encontre des cadres dirigeants de la filiale STH et les inculpations dont ont fait l'objet les responsables, non seulement l'ex-PDG, mais également les vice-présidents des activités Aval, Amont, TRC, ainsi que les directeur généraux des filiales Cogiz et Safir, une société dans laquelle Sonatrach est porteuse de parts. Mais tous ces cadres dirigeants étaient-ils sommés de respecter la directive de leur ministre ou avaient-ils le choix de refuser de s'en tenir aux dispositions du code des marchés publics ? A la lumière des décisions de la justice, les magistrats ne reconnaissent pas la circulaire de Chakib Khelil. Pourtant, ce dernier était le ministre de tutelle, qui avait le dernier mot pour tous les contrats. En signant une telle directive, il était le premier responsable de la dérive dans le secteur. Peut-on croire que tous les marchés de gré à gré signés dans le cadre de cette directive risquent d'être déterrés et remis en cause ? La question reste posée…