La première conférence internationale de médecine naturelle, organisée à l'université de Mostaganem par le Dr Nordine Djebli, du 7 au 9 décembre, a été l'occasion pour plus de 80 participants de présenter leurs travaux de recherche, et surtout leurs difficultés à s'intégrer au marché juteux du médicament. C'est d'ailleurs lors d'une intéressante conférence plénière du Dr Hamdi Pacha de Constantine que les participants ont été invités à réfléchir à une stratégie de pénétration des substances extraites des plantes dans la pharmacopée. Après avoir rappelé qu'à travers le monde, le recours aux plantes est devenu une obligation pour plus de 5 milliards d'habitants, alors que seuls 600 millions — ceux du monde dit occidental — ont accès aux médicaments chimiques ou synthétiques, le conférencier s'est attelé à démontrer qu'en Algérie il existe désormais un embryon de recherche capable de hisser la phytopharmacie nationale à un niveau appréciable. Il soulignera avec force que le recours à la médecine par les plantes ferait gagner beaucoup d'argent à la communauté nationale, tout en valorisant les ressources locales humaines et végétales. Pour le directeur du laboratoire de pharmacotoxicologie, l'Algérie doit impérativement s'appliquer à introduire, dans sa réglementation, des procédures allégées afin de permettre un enrichissement de la nomenclature par des substances simples ou élaborées synthétisées à partir des plantes médicinales. Se faisant très critique tant à l'égard des pouvoirs publics que des chercheurs, il soulignera le manque de rigueur chez ses collègues qui ne font que de la phytochimie, tout en se prévalant de la médecine naturelle. Il leur manque des étapes essentielles afin de pouvoir parler de médecine par les plantes, car ces chercheurs manquent de l'apport des cliniciens, des galénistes — chargés de l'élaboration des substances pharmaceutiques —, des toxicologues et autres épidémiologistes. A l'encontre du ministère de la Santé, il sera très explicite en exigeant l'allègement des procédures d'AMM — autorisation de mise sur le marché —, sans laquelle aucune substance à usage médical, humain ou animal ne peut être commercialisée, ainsi que l'application de cette AMM pour toutes les substances d'origine naturelle utilisées par l'homme. Dans ce contexte, l'expert mettra en exergue le recours effréné à l'importation de plantes sans aucun contrôle, autre que celui réservé aux fruits exotiques. Les risques pour la santé humaine sont énormes dira-t-il, car nul ne sait ce que les cosmétiques et autre pommades de jouvence contiennent comme substances. De nombreux chercheurs se disent aptes à produire localement –sous forme générique, donc moins coûteuses- les nombreuses pommades tombées dans le domaine public et l'Algérie continue d' en importer. Une ressource fragile et méconnue Selon un spécialiste, l'Algérie possèderait plus de 500 espèces végétales pouvant avoir un intérêt pharmaceutique. Toutefois, leur usage inconsidéré peut entraîner des risques chez l'usager. Un autre intervenant soulignera la variabilité des concentrations en molécule active selon le stade physiologique de la plante et selon la partie du végétal (feuilles, racines, fleurs, écorces) ainsi que les effets cumulatifs inhérents à l'utilisation concomitante de 2 espèces. Le Dr Djeddi de l'université de Annaba parlera également de la faible concentration des principes actifs, ce qui oblige à récolter inconsidérément une espèce rare. Pour la chercheuse, il serait plus judicieux de produire une molécule de synthèse afin de préserver nos ressources dont la rareté est, sans doute, l'aspect le plus sensible. Il faut rappeler que de nombreuses espèces endémiques algériennes sont protégées (voir tableau en infra). Face à cet écueil, de nombreux agronomes présents dans la salle de conférences se sont sentis interpellés, car dans les pays émergents, la culture des plantes médicinales est une réalité. En Inde ou en Chine qui sont nos principaux fournisseurs, les plantes médicinales font partie intégrante du paysage agricole et de nombreuses facultés de médecine ou d'agronomie dispensent des formations spécifiques. Une autre lacune qui n'aura pas échappé à la perspicacité du Pr Hamdi Pacha qui réclame à cor et à cri l'intégration de la médecine naturelle dans les cursus de médecine et de pharmacie, l'unique alternative à ses yeux pour inciter les praticiens à une prescription de phytomédicaments. Dans le sillage de cette conférence, l'université de Ouargla a organisé, du 14 au 15 décembre 2010, le 2e Séminaire international sur les plantes médicinales, le SIPM'2010.