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«Le festival ne doit pas exclure les autres communautés berbérophones» Rachid Bellil. Anthropologue
Publié dans El Watan le 29 - 12 - 2010


- Rachid Bellil, lors de votre conférence sur les changements qui se sont opérés dans la tradition musicale du Gourara, vous avez tenu à dénoncer l'exclusion de certaines régions berbérophones du Festival national de la chanson et de la musique amazighes… Oui. Tout d'abord, je dois vous dire que c'est la première fois que j'assiste à ce Festival de la chanson et de la musique amazighes. Dès l'ouverture du festival, j'ai remarqué que l'on parlait de la musique kabyle, targuie, chaouie et mozabite et que l'on n'évoque pas du tout ce qui se passe dans le Gourara et dans le Chenoua. On peut comprendre que le Gourara soit un peu loin, mais il aurait très bien pu participer à ce festival, mais il s'agit souvent de populations marginales. Il est vrai que du point de vue numérique, les Chaouis et les Kabyles forment près de 70% des berbérophones d'Algérie, mais la culture amazighe doit être prise en charge, reconnue et soutenue dans toute sa diversité, au niveau d'un festival qui se veut national. Un festival national est le lieu idéal où s'expriment les groupes issus des différentes régions. Amputer ce festival des Zénètes du Gourara et des Chenouis du Chenoua, pour ne prendre que ces deux cas, je trouve que cela diminue la portée du festival. Espérons que c'est un oubli qui sera corrigé et rattrapé lors des prochaines éditions. Les artistes et les musiciens de ces régions méritent quand même d'être associés à un festival national. - Vous avez été l'un des premiers chercheurs et anthropologues à travailler sur le patrimoine immatériel, notamment au Gourara, quelle appréciation faites-vous aujourd'hui des efforts de sauvegarde de ce patrimoine ? Alors, petite précision : je ne suis pas du tout premier. Plusieurs générations m'ont précédé, mais à l'époque, on ne parlait pas de patrimoine immatériel. On évoquait plutôt les traditions orales et la poésie. Boulifa, par exemple, était l'un des précurseurs. Des gens comme Feraoun, et son recueil de Si M'hand, Mammeri, Jean et Taos Amrouche, Malek Ouary, etc. Simplement, actuellement, toutes ses recherches sont inscrites dans ce qu'on appelle le patrimoine humanitaire immatériel que chapeaute l'Unesco. Le travail de collecte et de recueil aussi bien de la musique, de la poésie que des contes a été entamé depuis des années. En ce qui me concerne, étant l'un des élèves de Mammeri, c'est en rentant au CRAPH que j'ai été sensibilisé à ce travail de recueil de la tradition orale. Dans notre pays, un peu plus qu'ailleurs en Afrique, le patrimoine oral était en voie de quasi disparition, du moins certains aspects. Donc, il y a un travail d'urgence à faire. C'est ce qu'on appelle l'anthropologie d'urgence à faire avec des étudiants qui doivent être formés à ce travail de codification, d'enregistrement des traditions orales. Malgré cela et depuis quelque temps, le ministère de la Culture a engagé un programme d'inventaire du patrimoine culturel immatériel. C'est une grande opération qui touche l'ensemble du territoire national et qui consiste à inventorier tout ce qui fait partie du patrimoine immatériel ; musique, littérature orale, les rites anciens, l'art culinaire et tous les savoir-faire, toutes les choses qu'il faut recueillir avant qu'elles ne disparaissent. C'est le Centre national de recherche en anthropologie et en préhistoire qui est chargé de ce travail, qu'il ne va pas faire tout seul mais avec toutes les institutions de recherche en Algérie. C'est une opération qui va s'étaler sur plusieurs générations qu'il convient de démarrer rapidement car il y a véritablement urgence à sauver ce patrimoine.

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