Timimoun la magique change de visage chaque fin d'année. Un monde fou y fait d'ailleurs son pèlerinage à l'occasion de la tenue du festival culturel de l'Ahellil dont cette année c'était la quatrième édition. La semaine dernière, s'était tenu ce rendez-vous de chant séculaire avec la participation d'une vingtaine de troupes locales. Des troupes venues de différentes régions du Gourara, en plus, des groupes d'El Baroud, d'El Hadra (chant spirituel) et de Karkabou, ont animé durant quatre jours ; les soirées lyriques et exotiques. En parallèle à ces soirées, se sont tenues diverses activités liées notamment à l'animation d'un séminaire sur ce genre lyrique ''Ahellil'', classé patrimoine immatériel universel en 2005 par l'UNESCO, des expositions d'arts plastiques et d'artisanat traditionnel. Ahellil littéralement gens de la nuit, ce sont des Zénètes mystiques qui glorifient Dieu, lors de cérémonies qui touchent parfois au paganisme de la nuit et jusqu'à l'aube. Les Zénètes du Gourara, cette population, fière et sage de Timimoun enracinée dans une terre ocre, qui avale difficilement l'eau. L'Ahellil, plus précisément localisé dans la zone berbérophone du Gourara, est régulièrement exécuté lors de fêtes religieuses ou de pèlerinage, mais également à l'occasion de réjouissances profanes tels les mariages ou les foires locales. Etroitement lié au mode de vie des Zénètes, dont l'essentiel des activités est associé à l'agriculture oasienne, l'Ahellil symbolise la cohésion du groupe dans un environnement difficile ; et véhicule les valeurs et l'histoire des Zénètes dans une langue aujourd'hui menacée de disparition. C'est grâce à l'écrivain et anthropologue Mouloud Mammeri, auteur de quatre romans dont La colline oubliée, porté à l'écran en 1996 par Abderahamane Bouguermouh, que ces rites ancestraux berbères ont été découverts, lors d'un voyage qu'il a effectué à Timimoun, la ville aux cents oasis. L'auteur de La traversée, a senti de l'or à travers ce patrimoine encore méconnu dans le pays. Il décida alors en tant qu'anthropologue de lui consacrer " une page scientifique". Un travail rigoureux et artistique, qui sauvera de l'oubli ce rituel païen, que l'Organisation onusienne décidera de porter sur la liste des chefs-d'œuvre du patrimoine mondial immatériel. Après les premiers travaux de l'auteur du " Sommeil du juste", d'autres après lui, à l'image du journaliste Saïd Bouterfa, du sociologue Rachid Bellil, se consacreront à approfondir cette étude amorcée par Da L'Mouloud Nath Maâmar. Le sociologue est allé plus loin en découvrant que l'Ahellil n'était pas seulement un rite, mais un langage poétique traduisant des contes, des devinettes du peuple du Gourara. Tout ce qu'il a comme tradition orale.