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Les coptes face au régime Moubarak Ils subissent la discrimination du pouvoir
Publié dans El Watan le 29 - 12 - 2010


Lors de son traditionnel message de Noël, le 25 décembre, le pape Benoît XVI a évoqué «la douleur et les épreuves des communautés chrétiennes en Irak et dans tout le Moyen-Orient». Il a dénoncé les mouvements fanatiques qui «les harcèlent des rives du Nil aux villes irakiennes». Le Caire (Egypte). De notre envoyé spécial Mais qu'en est-il réellement de leur situation en Egypte où vivent 12 millions de chrétiens coptes, la plus importante communauté chrétienne dans le monde musulman ? Sont-ils persécutés ? Ou bien vivent-ils en communion avec les musulmans ? Dans les rues du Caire où les églises côtoient les mosquées, il est difficile de distinguer le chrétien du musulman. Sauf ces femmes qui se baladent avec une croix autour du cou sans que personne ne leur jette un regard menaçant – chose impossible à Alger – et d'autres avec leur foulard. «Nous n'avons aucun problème avec nos frères musulmans, nous sommes tous des enfants d'un même pays. Nous vivons dans le respect mutuel. Nous vivons, travaillons et divertissons tous ensemble et chaque Egyptien vit et pratique sa religion en toute liberté. Le problème ne s'est jamais posé au niveau de la société», nous assure Nancy, gérante d'une pharmacie sur le boulevard du 26 Juillet, au centre du Caire. Pourtant, les affrontements entre coptes et forces de l'ordre, le 25 novembre dernier, dans le district de Gizeh, autour de la restauration d'une église et l'échec des candidats chrétiens à conquérir des sièges au Parlement, remettent au goût du jour et posent une nouvelle fois la question de la place qu'occupe cette minorité religieuse dans ce pays, le plus peuplé du monde arabe. Si certains parlent de «persécution», dans la vie de tous les jours, les chrétiens coptes eux-mêmes récusent ce terme car il ne correspond pas à la réalité. Saints mais pas saufs ! C'est ce qu'affirme George Ishak, une des figures politiques égyptiennes de confession chrétienne : «Le terme persécution n'existe pas dans le dictionnaire égyptien. Musulmans et chrétiens respirent le même oxygène, mangent le même pain et vivent dans des maisons communes. La coexistence entre enfants de la communauté nationale n'existe dans aucun endroit au monde comme c'est le cas en Egypte. Mais c'est le régime qui fabrique des conflits entre les deux communautés pour détourner le regard des Egyptiens de leurs préoccupations réelles», a analysé ce membre fondateur du mouvement d'opposition Kifaya. Il a souligné, par ailleurs, «des formes de discrimination entre les Egyptiens lorsqu'il s'agit de nomination à des postes de responsabilité sensibles, à la construction des lieux de culte». Aux abords du Nil, tout le monde est convaincu que les chrétiens n'ont pas de problème avec leur concitoyens de confession musulmane, mais plutôt avec un régime politique qui excelle dans les techniques de division entre les deux communautés aux fins d'occuper l'opinion publique nationale à des batailles d'arrière-garde. «Depuis l'arrivée de Anouar Sadate, le pouvoir joue avec la religion. Il a abusé dans l'utilisation de la religion dans son rapport à la société pour mieux la contrôler et avoir ainsi le monopole de la religion. Mais on a eu l'effet contraire, avec l'islamisation de la politique, avec la montée des Frères musulmans d'un côté et le renforcement de l'église orthodoxe de l'autre, qui est en passe de devenir un Etat dans un Etat», a analysé le directeur du Centre des recherches arabes et africaines du Caire, Hilmy Sharawy. Quand des musulmans défendent les Chrétiens M. Sharawy, qui fut bras droit de l'ancien président Gamal Abdenasser, dénonce le fait que des coptes ne soient pas considérés par le pouvoir comme étant des citoyens à part entière : «Il est inadmissible que l'on continue de les discriminer à cause de leur religion. Ils recèlent des compétences importantes dans tous les domaines, l'éducation, la médecine, le commerce, l'administration, la recherche…, mais aucun copte n'occupe un poste de recteur d'université ni de mouhafez (wali) ; pareil au sein de l'armée. Le régime les prive des postes de responsabilité, et ce, malgré leurs compétences», a regretté M. Sharawy. C'est une loi non écrite, le pouvoir de Sadate l'a érigée en mode de gouvernance et Hosni Moubarak perpétue la tradition. Le journaliste Ahmed Badr, qui suit les questions coptes pour le quotidien cairote Dostour, met l'accent sur «les obstacles» qui se dressent devant les coptes dans la pratique de leur religion. «La discrimination à l'égard des coptes commence par la constitution de pays dans son article 2 qui dit que l'Islam est la religion de l'Etat et toutes les lois tirent leur substance de la charia. Depuis le président Sadate, non seulement la construction des églises est interdite, mais aussi la moindre restauration et réparation ne peut se faire sans l'autorisation des services de sécurité.» Ce qui est intéressant en Egypte, ce sont les musulmans qui prennent la défense des chrétiens. «Le pouvoir prive le pays des compétences chrétiennes et Dieu sait qu'elles sont nombreuses et dans tous les domaines», a estimé le politologue Hassan Nafaâ. Même si la paix règne souvent entre les deux communautés, parfois il arrive que des conflits éclatent entre chrétiens et musulmans. «Les mariages mixtes provoquent souvent des rixes et les extrémistes des deux camps mobilisent leurs troupes. L'église copte supporte mal qu'une chrétienne épouse un musulman, car elle se convertit à l'Islam. Il y a eu des cas où l'église a séquestré des femmes qui ont épousé des musulmans, ce qui provoque des affrontements entre les familles des deux conjoints», indique le journaliste Ahmed Badr. Au sein de la communauté copte d'Egypte, l'église orthodoxe apparaît comme un ciment qui donne de la cohésion aux Egyptiens de confession chrétienne. Elle exerce une influence telle que certains observateurs cairotes l'assimilent à un Etat dans un Etat. «Face à une discrimination du pouvoir, l'église orthodoxe a pu regrouper autour d'elle un maximum de chrétiens dans l'espoir de sauvegarder une culture aussi vieille que l'Egypte. Souvent l'Eglise sous l'actuel patriarche Shenouda III ne respecte pas les lois de la République», a estimé Hilmy Sharawy. Paradoxalement, le patriarche Shenouda III, né 1923 à Assiout (Sud), à la tête de l'Eglise depuis 1972, affiche un soutien inconditionnel au régime Moubarak. Il est même favorable à la succession de son fils Gamal. Entre lui et le nouveau maître de la mosquée d'El Azhar, cheikh El Tayeb, il y a une entente parfaite. Réputé pour sa radicalité, le patriarche a interdit depuis longtemps à ses fidèles le pèlerinage à la ville sainte, Jérusalem, «parce qu'elle est sous occupation israélienne». Il est aussi un farouche opposant à la normalisation avec l'Etat d'Israël. Les musulmans parlent de ses positions avec fierté. Le poids de l'église orthodoxe Le rôle presque hégémonique de l'église orthodoxe se fait aux dépens de la participation des chrétiens à la vie politique nationale. «Rares sont les coptes qui investissent le terrain politique, même si nous avons des figures importantes qui sont soit au sein du régime ou dans l'opposition», a estimé le politologue Hassan Nafaâ. Les dernières législatives ont donné raison au politologue. Seuls les candidats qui se sont présentés sous la bannière du Parti national démocratique (PND) du président Moubarak ont pu obtenir un siège au Parlement. Le ministre des Finances, Youssef Boutrous Ghali, fils de l'ancien secrétaire général de l'ONU, est l'un des rares candidats à avoir gagné aux législatives. Historiquement, les coptes militent au sein du Wafd, un parti laïc qui a pour mot d'ordre «la religion est pour Dieu et la patrie pour tous». Le drapeau du parti est un croissant avec une croix sur un fond vert. La candidate malheureuse, Mouna Mkeram Abid, qui s'est présentée sous la casquette du Wafd, avait dénoncé «le PND d'avoir éliminé tous les candidats coptes qui ne se sont pas présentés sous ses couleurs». «Une manœuvre du pouvoir qui fait tout pour montrer un électorat musulman hostile aux candidats coptes», estime la candidate. Ensuite, le raïs intervient et nomme sept coptes parmi les dix au Parlement. La Constitution égyptienne donne au Président le pouvoir de nommer dix députés au Parlement. Après avoir orchestré la marginalisation des coptes dans tous les domaines de la vie, Moubarak apparaît, aux yeux de l'opinion publique nationale et internationale, comme le protecteur de la minorité chrétienne ! Grosse manipulation qui ne trompe plus personne en Egypte. Aux abords du fleuve éternel comme dans tout le territoire égyptien, où chrétiens et musulmans se côtoient, il est vraiment difficile de parier sur une «guerre des religions», pour peu que la dictature du Caire n'invente des conflits pour des raisons de survie.

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