Un groupe constitué d'une vingtaine de pieds-noirs natifs d'El Kala se promène dans la ville et ses alentours depuis une semaine. Venus spécialement pour la fête des morts, ils revisitent les endroits qui leur rappellent leur enfance, leur adolescence et beaucoup d'autres souvenirs. « Il n'y en a que des bons, car les mauvais s'effacent dans la mémoire du cœur », nous dit Mimi, une adorable et sympathique personne de 79 ans qu'on s'arrache dans les rues de la ville, qui pour un café, qui pour une longue embrassade, qui pour une bavette à la calloise, c'est-à-dire forte en couleurs, en rires et en exclamations bruyantes. Et pas seulement avec les « vieux ». Même les jeunes connaissent de nom les anciens de La Calle : instituteur, footballeur, garde-forestier, artisan, marin, corailleur, restés dans la mémoire collective pour leur gentillesse ou leur bravoure. Ils entrent dans les maisons de leur enfance où ils sont accueillis avec beaucoup de chaleur. « Ce qu'il y a de plus extraordinaire c'est l'accueil partout où on passe », nous dit Albert, un autre senior qui revient pour la seconde fois. Un autre pèlerinage plein d'émotion où des amis d'enfance, de jeux, d'espiègleries, qui ont partagé le même banc à l'école communale ou au CEG, se sont retrouvés après plus de 40 ans de séparation. « Voir La Calle et mourir », nous dit Yvette, qui, avec son mari, sont à l'origine de ces retrouvailles. « Il fallait que je revienne embrasser mon amie d'enfance qui a eu 11 enfants. » Ils sont partis, il y a bien longtemps, ils ont vu d'autres contrées sous des cieux plus cléments que les nôtres, mais, pour eux, « El Kala est le plus bel endroit au monde et vous ne savez pas la chance que vous avez à y vivre », nous assènent-ils si on fait la moue devant leur étonnement. « La ville a considérablement grandi, c'est normal, mais il reste le plus important, ce qu'il faut préserver à tout prix pour l'avenir, le mariage heureux entre la mer et la forêt qui garde son cachet sauvage unique en son genre. » IIs ne sont pas venus les mains vides. Le NRBEK, club d'El Kala créé en 1935, a bénéficié de trois superbes jeux de tenues. L'hôpital de la ville, qui, avons-nous appris, a été construit la toute première fois grâce à un don de l'Italie qui cherchait à consolider la forte communauté italienne de l'époque en butte aux rivalités avec la France, a reçu, pour sa part, un climatiseur spécial pour le bloc opératoire. Le pèlerinage de mai dernier à eu un fort retentissement dans la communauté des pieds-noirs d'El Kala. L'accueil réservé à ce premier groupe a fait tomber les derniers remparts de l'appréhension. « Même le consulat de Marseille et Air Algérie ont fait des efforts considérables pour nous faciliter les choses aux plus âgées d'entre nous. Attendez-vous à un rush pour mai prochain. Incha Allah. » Un seul point noir au tableau que les anciens d'El Kala nous ont fait observer en prenant d'infinies précautions pour ne pas nous vexer : la saleté et les ordures partout qui défigurent le plus beau pays du monde.