Pour beaucoup d'entre eux, c'est le premier périple de retour depuis 40 ans. Séjournant actuellement à Oran dans le cadre des visites culturelles et touristiques, 300 pieds-noirs en provenance de Marseille, d'Aix-en-provence et de sa région ont effectué, hier, une visite à la chapelle du fort de Santa Cruz où une messe a été dite par l'archevêque d'Oran. Dans une ambiance pathétique, les pieds-noirs ont, dans un silence religieux, écouté l'oraison lue par le représentant de l'église à Oran. Des couples de pieds-noirs ont ainsi pu renouer avec leurs us et coutumes d'il y a quarante ans lorsqu'ils se rendaient dans ce sanctuaire pour assister à la messe dominicale. Joseph et Pierrette Marcelino, un couple de septuagénaires, évoquent avec passion leurs réminiscences remontant aux années 1950. “Chaque dimanche, on venait assister à la messe et après, on faisait la fête de la Madeleine. Tous les présents étaient tenus de ramener avec eux des madeleines préparées à la maison. La fête pouvait durer jusqu'au soir. On chantait et on dansait autour d'une madeleine géante que l'on partageait ensuite entre tous les convives après la fin de la fête. Mais tout ceci remonte à loin aujourd'hui”, soupire le vieux couple ému jusqu'aux larmes. “Cela fait de longues années que nous projetons de venir en pèlerinage à Oran. Nous guettions le moment propice pour nous recueillir sur les sépultures de nos parents et visiter nos quartiers. C'est un pan entier de notre vie que nous revisitons durant ces trois jours”. D'autres couples, silencieux ou imprégnés par l'émotion, contemplent Oran du haut du Murdjadjo que surplombe magnifiquement la chapelle de la Vierge-Marie. Beaucoup d'entre eux arrivent même à localiser leur quartier qui les a vus naître et grandir. Dans la matinée d'hier, les pieds-noirs ont directement renoué avec leur quartier respectif et leur “tchatche” légendaire. Une façon pour eux de donner la réplique à Oran “l'espagnole” et se rappeler au bon souvenir de la Scalera envahie par la friture des poissons et du port de pêche... C'est dans cet endroit magique de la ville que les pieds-noirs ont dégusté du poisson et les coquilles St-Jacques façon “St-Sauveur”. Plusieurs pêcheurs se sont spontanément mêlés aux touristes, ravis par tant de chaleur et de naturel émanant de ces “pescadores” qui taquinent aussi l'espagnol “saupoudré de français”, comme on dit si bien dans le quartier de la Marina. Les entrepôts San Benito, l'ancien quartier de la Perle et l'antique église de St-Louis ont reçu la visite des pieds-noirs sous les ovations des riverains. Certains pieds-noirs contenaient difficilement leur émotion tant l'accueil des Oranais fut touchant. Puis visites guidées à St-Eugène, Sid L'houari, St-Antoine, Miramar et St-Pierre foulés par les pieds-noirs après une absence de plus de quatre décennies. “C'est un véritable voyage dans la mémoire que nous entreprenons aujourd'hui. C'est un peu le juste retour sur les lieux de notre enfance et de notre adolescence”, laisse échapper ce couple d'octogénaires venu de St-Raphaël. Juste après “ce bain de jouvence dans le passé”, des pieds-noirs n'ont pas hésité à aller visiter leurs anciennes maisons. Les Severino, un couple d'octogénaires originaires de Marseille, ont pris en photo leur logement de la rue Cavaignac. Les actuels occupants ont tout naturellement offert le café au couple qui ne savait plus quoi dire... C'est dans cette ambiance singulière que les pieds-noirs se sont recueillis sur les sépultures de leurs parents et de leurs grands-parents, avant de se rendre à la cathédrale de Jeanne-d'Arc. Enfin, il est à rappeler que d'autres groupes de pieds-noirs venus de Cannes, de Nice, de Lyon et de la région bordelaise ont déjà effectué des visites à Oran. B. G.