Les gens sont excédés par les énormes difficultés quotidiennes, auxquelles ils ne trouvent aucun répondant auprès des autorités locales, et ce en dépit de maintes pétitions. A environ 60 km à l'est de Biskra et au nord de la RN83, qui permet de rejoindre par Sidi Okba, Khenchela, Tébessa et la Tunisie à travers un immense territoire, que l'on pourrait croire inhabité tant il présente toutes les caractéristiques d'un no man's land, se trouve une zone agropastorale appelée Hamra. Enclavée dans un triangle formé par les communes de Aïn Naga, Garta et Meziraâ, cette zone n'est même pas portée sur la carte géographique. Pourtant, des dizaines de familles d'agriculteurs y habitent depuis des générations. Elles occupent de petites fermes ou des maisons rurales distantes de plusieurs kilomètres l'une de l'autre. Elles vivent uniquement de l'élevage et du travail de la terre, qui y est des plus fertiles, car irriguée par les eaux ocres descendant des piémonts des Aurès. «Même si on ne roule pas sur l'or, ici à force de labeur, on arrive à joindre les deux bouts», dira B. Messaoud, un agriculteur, exploitant depuis 1987 une parcelle d'une cinquantaine d'hectares. Accueillant et généreux comme savent l'être les ruraux, il est fier de montrer ses troupeaux, ses vergers, ses 3 000 palmiers dattiers produisant 80 kg par unité et par an, de Deglet Nour, Ghers et Mechdegla, ainsi que ses arbres fruitiers (dont des oliviers), au nombre de 10 000. A ces arbres, il faut ajouter quelques autres de différentes espèces. Pour parer au déficit en ressources hydriques, il a érigé sur l'oued Bouyabes, un barrage artisanal d'une capacité de 170 000 m3, soit, dit-il, « une quantité suffisante pour 2 mois d'irrigation». A rebours de ce tableau idyllique, il faut dire que la vie n'est pas une sinécure dans ces contrées, où le sentiment d'isolement est total. Malgré une certaine aisance financière, les gens sont érodés par les difficultés quotidiennes, surtout par le manque de répondant des autorités locales, auxquelles ils ont plusieurs fois adressé des pétitions, en vain. Ces lettres évoquent le besoin pressant d'aménagement de routes, voire de simples chemins vicinaux, dont l'absence grève sérieusement leurs efforts pour l'amélioration de leur vie et celle de leurs enfants, qu'ils tiennent à scolariser. La voie du désenclavement Tout en reconnaissant que le soutien de l'Etat lui a permis, à l'instar de nombreux autres fellahs de la région, de développer son exploitation par des subventions des services agricoles, lesquels l'ont aidé à planter 200 djebbars (jeunes palmiers), et lui ont octroyé une aide de 50 % de la valeur d'un entrepôt frigorifique de 8 MDA (millions), notre interlocuteur pense que le renouveau des zones rurales passe par l'élaboration d'un plan de désenclavement des terres à vocation agricole. Porte-parole de 200 agriculteurs, il dira: «La réalisation de routes sécurisera les longs trajets que nos enfants doivent parcourir pour rejoindre leurs écoles, amènera le courant électrique, de la main-d'œuvre, qui nous fait cruellement défaut, et permettra aussi de préserver nos véhicules.» L'aménagement des routes, en lieu et place des pistes sommaires qui s'estompent à la moindre averse, est une priorité vitale pour eux. «Il nous arrive de rester isolés pendant des jours», déclarent ces agriculteurs, dont beaucoup pensent à gagner la ville la plus proche pour s'y reconvertir en commerçants ou artisans. Autre cause qui préoccupe ces gens: la prolifération des sangliers qui infestent la région. «Une battue a été organisée il y a quelques mois à Garta, à 7 km de là, mais il semble que ce soit insuffisant pour s'en débarrasser; ils détruisent les récoltes et terrorisent femmes et enfants», ont-ils fait savoir. «Nous voulons nos fusils et la possibilité d'ouvrir la chasse, en coordination avec les autorités concernées avant le printemps afin de réduire leur nombre», proposent-ils. Mais, le plus urgent pour le moment sont les routes carrossables.