Le conseil communal a décidé de détourner la salle Kemouni de sa vocation pour la transformer en complexe de services l Les élus estiment que le cinéma ne respecte pas les mœurs de la société. Lors du conseil communal tenu mercredi en présence du wali, les élus de l'APC de Batna ont pris une décision pour le moins décevante, concernant le dossier culturel. Le conseil a, non seulement passé sous silence le cas des salles de cinéma fermées depuis deux décennies, mais en plus il a décidé de détourner la salle Kemouni de sa vocation pour la transformer en complexe de services. Une activité jugée lucrative et plus intéressante. La décision du conseil communal est semblable à celle des APC FIS, de triste mémoire. Le motif est d'autant plus gravissime, qu'il invoque (sous-cape), la morale d'une certaine société, qui ne tolérerait pas la fréquentation des salles obscures. En présence du journaliste d'El Watan, ayant assuré la couverture du conseil, des élus FLN ont justifié la décision par l'inadéquation du cinéma avec les mœurs de la société locale. Batna serait-elle à ce point indifférente à de telles violences commises à l'égard de son patrimoine culturel et son aspiration à l'universel ? Nous avons posé la question à des personnalités de divers horizons et, à contresens, la condamnation est unanime, en attendant une opposition réelle. Le président de l'association Aurès culture, Mohamed Merdaci, déplorant cette décision, affiche son engagement pour la réouverture des salles de cinéma dans la capitale des Aurès. «Parce que cette tradition existait à Batna, et nous y allions en famille», nous a-t-il déclaré. Le dramaturge Khaled Bouali considère, quant à lui, que cette décision relève de l'inconscience. Affichant son opposition, celui-ci estime que «les infrastructures réservées à la culture doivent le rester parce que d'abord elles sont rares et puis c'est regrettable d'utiliser les moyens de la culture pour détruire la culture». De son côté Khelil Benboulaïd, notable de la ville, juge que «les forces vives de Batna devraient être associées lorsqu'il s'agit de décisions pour la promotion de la ville». Pour lui, il est inadmissible de remettre en question la vocation d'un équipement lourd sans une étude préalable. Mieux, il attire l'attention sur l'absence totale d'infrastructure à vocation culturelle dans le quartier Kemouni et toute la zone environnante. Un équipement en moins fera davantage mal aux populations. Au moment où partout dans le monde, y compris à Naplouse la Palestinienne, le cinéma draine plus que jamais les foules, à Batna on tourne le dos au 7ème art. C'est aussi au moment où le ministère de la Culture tente d'insuffler une dynamique nouvelle pour relancer le cinéma en rouvrant les salles, qu'ici, les représentants du peuple ont décidé d'enterrer définitivement l'espoir des cinéphiles. Ahmed Benbouzid, directeur de la culture, lui aussi opposé à cette option, estime toutefois que si le transfert est temporaire, il n' y aurait pas de mal en attendant que la salle en question soit versée dans le portefeuille patrimonial du ministère de la Culture. Une petite note d'espoir : la cinémathèque, ex-Le Colisée, est d'ores et déjà passée entre les mains de la culture alors que la salle Le Régent devrait l'être bientôt en attendant la fin de la procédure. Espérons que les nouveaux propriétaires, désormais préposés à l'éveil de la fréquentation des salles obscures, tiendront leurs promesses et feront mieux que les communes, ennemies du cinéma.