Bien que le débat sur la consommation des ménages fait défaut, l'indice de l'évolution des prix des produits de large consommation est venu effacer la progression infime enregistrée depuis quelques semaines sur l'échelle salariale. «La dernière enquête statistique sur la consommation et la structure de dépenses des ménages remonte à l'an 2000», nous dit Bazizi Youcef, directeur des statistiques sociales et des revenus au niveau de l'Office national des statistiques (ONS), contacté hier par nos soins. Cette révélation est annonciatrice du peu d'intérêt que l'on accorde à cette dualité salaire-dépenses. La consommation des ménages en Algérie a toujours été relativement plus faible comparativement aux taux recensés dans les pays voisins, le Maroc et la Tunisie en l'occurrence. Depuis 1989, date de son plus haut niveau jamais égalé – de l'ordre de 61,80% – les composantes de cet indice n'ont cessé de reculer, atteignant le niveau le plus «médiocre» en 2007 : 31,27%. Ce chiffre témoigne d'une baisse importante du pouvoir d'achat des Algériens. Ces derniers sont plus pessimistes également concernant leur niveau de vie, influencé directement par leur pouvoir d'achat et leurs habitudes alimentaires. Au milieu des années 1980, le niveau de consommation par tête en Algérie était bien plus supérieur à ceux du Maroc, de Tunisie, d'Egypte et d'Iran, si l'on se réfère à de précédentes statistiques de la Banque mondiale. Mais en 2007, l'Algérie a été lamentablement déclassée par ces pays. Se basant sur d'autres statistiques émanant de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les dépenses alimentaires des Algériens représentent 52% de leurs dépenses globales. Pour le groupe «viandes rouges, blanches et poisson», considéré comme un indicateur de développement, la consommation par tête en Algérie était de l'ordre de 29,54 kg/an en 1990, tandis qu'au Maroc la proportion était de 31,94 kg/an, de 34,05 kg/an en Tunisie et de 30,14 kg/an en Egypte. Quinze ans plus tard, en 2005, la FAO nous apprend, dans l'une de ses livraisons statistiques, que cette consommation fondamentale a stagné en Algérie, tandis qu'elle a atteint 38,45 kg/an par habitant au Maroc, 45,20 kg/an pour les Tunisiens et 42,57 kg/an pour les Egyptiens. Dans le même rapport diffusé par la FAO en 2009, il est indiqué que la consommation des légumes en Algérie est évaluée à 113,07 kg/an/habitant, alors qu'au Maroc la consommation de ce produit de base est de 146,38 kg, 176,40 kg chez le Tunisien et 189,22 kg chez l'Egyptien. La consommation de fruits par tête en Algérie a été de l'ordre de 63,40 kg en 2005, plus faible en comparaison avec le Maroc (47,20 kg), la Tunisie (82,40 kg) et l'Egypte (98,30 kg). Quant à la consommation de lait et dérivés, le niveau recensé par la FAO en Algérie est le double par rapport au Maroc et à l'Egypte. Quant au régime alimentaire des Algériens, une autre information statistique de la FAO fait ressortir une consommation très élevée de protéines, de calories et de lipides par les Algérie. Bien qu'elle soit classée 44e sur 184 pays, l'Algérie se distingue par une moyenne de 3095 calories/personne/jour entre 2003 et 2005. Des dernières enquêtes menées par l'Office national des statistiques sur la consommation des ménages (celles de 1988 et de 2008), il est relevé d'importantes inégalités territoriales (entre zones rurales et urbaines) et d'autres écarts entre les différentes strates de revenus. C'est ce que relève l'économiste et chercheur du Cread de l'université d'Oran, Ahmed Bouyacoub, dans une étude intitulée «Répartition du revenu et catégories sociales». «Dans les zones urbaines, par rapport aux dépenses alimentaires, les 10% de ménages les plus riches du pays consomment 30% de la consommation urbaine globale. Les 10% de ménages les plus pauvres n'en consomment que 3%», explique M. Bouyacoub. En dépit de ces chiffres édifiants, le gouvernement, lui, garde le moral, contrairement aux ménages.