Le forum que le quotidien El Moudjahid a l'habitude d'organiser chaque semaine n'a pas été tenu hier. Il devait accueillir un point de presse animé par Guillaume Denoix de Saint Marc, président de l'Association française des victimes du terrorisme, invité par le Collectif Algérie de la Fédération internationale des associations des victimes du terrorisme. La rencontre d'El Moudjahid avait pour objectif avoué le soutien des frères Mohamed, deux victimes du terrorisme et patriotes mis en examen en France depuis 7 ans. Mais les représentantes des associations nationales des familles victimes du terrorisme en ont voulu autrement. Mené par Rabha Tounsi et des membres de l'autre aile des familles des victimes du terrorisme, celle de Mme Flici, un groupe d'une dizaine de femmes a empêché tout simplement le déroulement de la rencontre initiée par Saïda Benhabyles, présidente du Mouvement féminin de solidarité avec la femme rurale. Sous le regard médusé de l'invité de cette dernière, Guillaume Denoix de Saint Marc, et de la mère des frères Mohamed de Relizane, mis en examen en France et à qui les autorités consulaires françaises refusent de délivrer un visa pour rendre visite à ses enfants, Rabha Tounsi criera à gorge déployée que «Benhabyles n'a rien à voir avec les familles victimes du terrorisme». Ses arguments : «Elle n'est pas victime du terrorisme et elle veut instrumentaliser la détresse des familles pour faire de la politique.» «Nous lui dénions ce droit, elle veut faire du business sur notre dos», soutiennent les quelques familles présentes dans la salle, visiblement très remontées contre Saïda Benhabyles. Cette dernière était même prête à changer l'intitulé de la conférence, mais c'était sans compter sur la détermination de Rabha Tounsi et son groupe d'empêcher la tenue du forum. Les échanges verbaux entre les deux parties ont failli même déboucher sur un pugilat général. Des échanges violents et vulgaires qui n'honorent en rien la mémoire des victimes du terrorisme, qui méritent en tout cas une meilleure représentativité et un meilleur hommage. Une mère de victime du terrorisme ne sait même pas comment elle s'est retrouvée au milieu de cette débandade. «On nous a appelés hier pour nous demander de descendre à dar ch'raâ (palais de justice) sans nous dire pourquoi», raconte-t-elle avant d'ajouter avec beaucoup de dépit : «Je pensais que c'était pour le logement que nous revendiquons depuis maintenant 15 ans.» «Ma fille assassinée par le terrorisme m'a laissé ses enfants, je souffre», se plaint-elle. D'autres mères et veuves de victimes de terrorisme ne savaient pas où donner de la tête. Par moments, elles s'accusaient mutuellement avant d'en arriver aux mains comme ces deux vieilles femmes qui se sont accrochées avant qu'une troisième ne s'interpose pour les séparer. A quelques mètres, un quinquagénaire en colère s'en prend à quelqu'un qui lui conteste le statut de victime du terrorisme. C'est un spectacle désolant que le forum d'El Moudjahid a eu à offrir hier. Les organisateurs des débats ont eu du mal à faire évacuer la salle. Les contestataires exigeaient du modérateur du forum de faire sortir d'abord Saïda Benhabyles et son invité. Ce qui fut fait. Avec beaucoup de peine. Ce qui s'est passé hier au forum d'El Moudjahid a étalé tout le problème de la représentativité des familles des victimes du terrorisme, mais aussi toute la détresse dans laquelle elles vivent.