L'enfant ne semble pas constituer une priorité, pour l'instant, en Algérie puisqu'à chaque fois qu'on s'est occupé de ses problèmes, ça n'a été que conjoncturel et puis on est passé à autre chose. » Telle est la constatation de Mostefa Khiati, président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem), faite, hier à Alger, à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale des droits de l'enfant. Il a déploré le fait que la loi, annoncée par le ministère de la Justice en grande pompe, le 1er juin dernier, ne soit pas encore examinée par le Parlement. Une loi qui reste, à son avis, « réductrice, puisqu'elle ne s'occupe que de la protection de l'enfant. » « Nous souhaitons qu'il y ait un code de l'enfance, ce qui est encore plus problématique actuellement, si on prend l'exemple de l'âge de discernement dont on a parlé beaucoup. Alors que le monde évolue vers une plus grande considération de l'enfant, la loi parue en octobre 2004 a réduit l'âge de discernement en Algérie de 13 à 10 ans, ce qui est anormal. » Il y a beaucoup de problèmes que l'enfant subit et qui ne sont pas pris en charge, ne serait-ce que les problèmes généraux. La définition de l'enfant n'est pas claire : à partir de quel âge peut-on parler d'enfance en Algérie ? Il y a une contradiction au niveau des textes : 16 ans pour la santé et le ministère du Travail, 18 ans pour la justice, 19 ans pour le service militaire, 21 ans pour la loi sur le mariage... Les participants à la journée d'étude ont affirmé qu'il faut unifier les choses. Il y a 17 ministères qui s'occupent de l'enfant, il y a une trentaine de lois ou d'articles qui s'occupent de l'enfant et même le magistrat, le juge d'enfant ou l'avocat se trouvent dans une situation un peu difficile. Pour avoir une idée globale sur ces textes, il s'agit de mettre en harmonie ces lois. L'enfant a le droit à la santé, à la vie. Il y a des cas d'infanticide tous les ans. Il a le droit à un nom, à l'éducation et à la protection. « Comment expliquer que dans notre pays, 400 000 enfants sont pratiquement analphabètes parce qu'ils ont été exclus de l'école tôt ou n'ont jamais été à l'école ? Comment expliquer qu'il y a plus de 4000 enfants dans les rues qui ne vivent que de mendicité sans foyer, ni famille ? » s'interroge le président de la Forem. Selon le CNES, près de 61 % des 16-18 ans sont dans la rue. Il y a la prévention de la délinquance, la lutte contre le travail des enfants. En somme, il y a énormément de problèmes dont sont victimes les enfants, et il n'y a aucune structure qui s'occupe d'eux. C'est pour cette raison que l'Observatoire des droits de l'enfant a été mis en place. Il s'agit d'une réponse au comité de suivi et à l'application de la Convention internationale sur les droits de l'enfant, en 1997, qui avait demandé à l'Algérie de mettre en place un instrument indépendant. Mais, les membres de la Forem souhaitent que l'Etat les aide à installer des délégations dans les différentes wilayas, pour qu'ils puissent mieux écouter les enfants et essayer de prendre en charge leurs problèmes. Les statistiques ont démontré une progression inquiétante des violences exercées sur les enfants et qui ont doublé entre 1999 et 2002. Les cas de coups et blessures volontaires ont augmenté de 250%, chez les garçons, et de plus de 400% chez les filles. Les cas de violences sexuelles ont été multipliés par deux sur les deux sexes. Le nombre d'enlèvements s'est élevé de 240% chez les garçons et de 155% chez les filles. Les violences sexuelles exercées par les adultes, proches ou mêmes inconnus, sur des enfants mineurs, sont passées de 1016 cas en 1998 à 1609 cas en 2002, selon des sources de la DGSN.