L'opération de relogement des 216 familles et la démolition de leurs anciennes habitations à l'ex-SAS de Sidi Salem, à Annaba, a failli provoquer une émeute hier matin dans cette cité populaire. Cris de détresse et de révolte, vociférations, insultes et menaces, tentatives de suicide et explosion de bouteille de gaz, corps et visage de chef de famille lacérés au couteau, outrages à agents de la force publique pour amener les policiers et les représentants de l'APC à suspendre l'opération de démolition et de recasement. Cette dernière se poursuivra après l'arrestation de 23 personnes pour atteinte à l'ordre public et blessures par des projectiles à 14 policiers dont un grièvement blessé. Pourtant, toutes les dispositions avaient été prises y compris le recensement de l'ensemble des occupants des masures de cette cité pour éviter tout problème. Une de ces dispositions consistait à attribuer un logement social récent à chacune des familles recensées et reconnues comme occupant une de ces habitations construites par la sinistre Section d'action sociale de l'armée coloniale durant l'occupation. Dans leurs prévisions et leur analyse de la situation, les responsables de la commune d'El Bouni n'avaient pas pris en considération le fait que, depuis leur installation en 1956 et même plusieurs années auparavant, ces familles se sont multipliées à l'intérieur d'une seule et même habitation d'à peine 10 m2. De ces vieilles bâtisses, où pour évacuer un mort l'on est contraint de le plier en deux et où la misère et la promiscuité ont fait leur œuvre les enfants, femmes et personnes âgées se sont révoltées ce mardi. Bien que non recensées, toutes les familles récalcitrantes revendiquaient l'attribution d'un logement au même titre que les 216. Ils avaient tenté des forcings face à un dispositif de sécurité très renforcé. Ce dernier était décidé à ne pas se laisser faire pour permettre l'éradication de l'avant-dernier bidonville de cette immense cité qu'est Sidi Salem. Coups de pied, de poing, de couteau, de matraque, appel à la révolte, l'on avait l'impression de vivre une manifestation qui n'en était pas une. Les pleurs des vieilles et jeunes femmes se mêlaient aux cris d'impuissance poussés par leurs hommes, torse nu et apparemment prêts à tout. Il s'agissait beaucoup plus de l'expression d'un désespoir longtemps contenu et constamment alimenté par des promesses de recasement des autorités locales. Sidi Salem, notamment son plus ancien bidonville de la SAS, était ce mardi quadrillé. L'on avait craint le pire lorsque ce père de famille est monté sur la toiture brinquebalante de son habitation en voie de démolition en menaçant de se tuer.