Le rapprochement de plus en plus poussé avec Paris n'a pas livré tous les détails des questions abordées entre les deux pays. En cela, le déplacement, le 15 août, du président de la République à Toulon et le séjour à Alger, il y a un peu plus d'un mois, de Michelle Alliot-Marie, ministre française de la Défense, retiennent encore l'attention. Si on se fie à des sources proches du palais d'El Mouradia, la levée de l'état d'urgence et la nomination d'un ministre de la Défense ont largement été évoquées. Sans que cela eut été présenté, dit-on, comme une ingérence dans les affaires internes de l'Algérie. Par ses observations, à propos notamment de l'état d'urgence, la France veille de conférer à la refondation des relations avec l'Algérie touts ses chances de réussite, ajoute-t-on. Paris faisant observer que « les mesures prises par le régime de l'état d'urgence sont pour la plupart tombées en désuétude ». C'est-à-dire qu'on n'est plus du temps où à propos de l'Etat algérien « presque toutes les chancelleries avaient opté pour la formule ne passera pas l'hiver (PPH), ce à quoi l'ANP avait répliqué par l'option passera plusieurs printemps » (PPP). Une schématisation révélée, en octobre 2002, par le général major Mohamed Touati, conseiller aux affaires militaires du Président. Sur ce sujet, les responsables français font remarquer que la levée de l'état d'urgence, en vigueur depuis quatorze ans, « conforterait encore plus l'image de marque de l'Algérie auprès de ses alliés ». Celà bien que le décret n° 92-44 du 9 février 1992, signé par le défunt Boudiaf, précisait que « l'instauration de l'état d'urgence (...), n'interrompt pas la poursuite du processus démocratique de même que continue à être garanti l'exercice des droits et libertés fondamentaux ». Une précision qui a conforté, jusque-là, Bouteflika. Le général de corps d'armée Mohamed Lamari n'avait cessé de déclarer que la levée de l'état d'urgence relevait des prérogatives du président de la République. Au journal El Ahram, en juin 2003, Lamari avouait, au sujet de l'état d'urgence, que « s'il est levé demain, nous saluerons cette décision ». A la même date, et devant le Parlement européen, Bouteflika avançait cependant « qu'après 12 ans de lutte, la situation sécuritaire s'améliore considérablement, mais elle donne lieu aux mesures de vigilance ». Les Européens ne pouvant s'empêcher de penser, à l'époque et même aujourd'hui, au maintien de l'état d'urgence en Algérie. Une autre personnalité et pas des moindres, en l'occurrence Larbi Belkheir, général à la retraite et directeur de cabinet du Président, s'était confié au journal Le Monde, en février 2002, en déclarant que, de son point de vue personnel, il ne voyait aucun inconvénient au maintien de l'état d'urgence. Pourtant, Mustapha Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la promotion des droits de l'homme (CNCPDH, officiel) pas plus tard que le 28 juillet 2004, jugé qu'au vu du « terrorisme qui frappe encore, le maintien de l'état d'urgence est justifié ». Or, Bouteflika, qui s'enorgueillit aujourd'hui d'avoir parachevé l'édifice institutionnel (Présidence, APW-APC et APN) après trois scrutins « démocratiques », est amené à lever, le plus tôt possible, l'état d'urgence. Une telle décision serait la meilleure preuve de la solidité de cet édifice, vis-à-vis principalement de l'Union européenne et des Etats-Unis. Surtout que l'état d'urgence a été reconduit sans l'aval du Parlement. Cela va à l'encontre de ce qui est prévu dans la Constitution. Sur le même registre, la nomination d'un ministre de la Défense se fait de plus en plus sentir. En automne prochain, se tiendra à Paris, selon l'offre de Michelle Alliot-Marie, une réunion des ministres de la Défense des 3 + 4 (Algérie, Maroc et Tunisie avec France, Espagne, Italie et Portugal). A cette rencontre, les Français souhaiteraient que « c'est un ministre algérien de la Défense qui y assiste personnellement ». Bouteflika, qui assure également cette fonction, ne saurait trop longtemps tarder à trancher sur cette question. La charge de ses responsabilités en tant que chef de l'Etat ne lui permettent plus de s'offrir ce luxe. Les contacts avec l'OTAN, l'OSCE et d'autres partenaires dans le domaine militaire l'acculent encore plus à désigner enfin celui qui sera le premier civil à occuper le poste de ministre de la Défense. « Je souhaite que ce poste soit occupé par un civil à l'instar de ce qui se passe dans les pays avancés », avait observé, en juin 2002, Lamari à l'hebdomadaire londonien Mouchahid Esseyassi. Il s'était, auparavant, posé la question : « Pourquoi le ministre de la Défense devrait-il être un militaire ? »