En ouverture, un forum de la société civile arabe a débuté hier pour tenter d'établir des passerelles entre les gouvernements et les sociétés civiles. La situation en Tunisie et ses conséquences pour les autres pays arabes sera au centre d'un sommet économique des chefs d'Etat de la Ligue arabe aujourd'hui dans la station balnéaire égyptienne de Charm El Cheikh, sur la mer Rouge. Nombre de pays de cette région souffrent de maux comparables à ceux de la Tunisie, en particulier sur le plan social avec un fort taux de chômage et des hausses récentes des prix de produits de première nécessité, à l'origine de multiples manifestations récemment. «Des pays se désintègrent, des peuples mènent des insurrections, (...) et les citoyens arabes se demandent: est-ce que les régimes arabes actuels peuvent répondre à ces défis de manière dynamique?», a reconnu le chef de la diplomatie koweïtienne Mohammad Al Sabah lors des travaux préparatoires. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, appelé les 22 membres de l'organisation à «saisir la leçon tunisienne» pour s'attaquer aux défis sociaux et économiques. Il y a en effet urgence de trouver des solutions pour les «monarques» arabes qui, par leur gouvernance autocratique et la corruption à grande échelle ont provoqué une vague de colère qui risque d'emporter certains d'entre eux à l'instar de Ben Ali. Signe de cette montée d'adrénaline, ces pays font face à des suicides tragiques par immolation par le feu. Deux nouveaux cas ont été enregistrés hier en Egypte.L'exemple du jeune marchand ambulant tunisien Mohamed Bouazizi décédé début janvier après s'être immolé le 17 décembre a été suivi par neuf autres actes semblables: un mort et deux blessés en Egypte, cinq blessés en Algérie et un blessé en Mauritanie. Solidarité entre «amis» Hier, un avocat âgé d'une quarantaine d'années a tenté de mettre fin à ses jours en s'immolant par le feu devant le siège du gouvernement au Caire, tandis qu'à Alexandrie (nord) un chômeur de 25 ans, présenté comme déficient mental par les autorités, est décédé à l'hôpital de ses brûlures. Un cas supplémentaire a peut-être été évité hier, avec l'arrestation d'un homme qui se dirigeait vers le Parlement au Caire avec deux bidons d'essence, la police présumant qu'il voulait lui aussi se sacrifier. Pour Amr Hamzawi, du centre pour le Moyen-Orient de la fondation américaine Carnegie, basé à Beyrouth, ces immolations témoignent du «désespoir total» d'une grande partie des populations arabes et de l'incapacité des régimes autoritaires qui dominent ces pays d'y répondre. Ces actes sont «clairement inspirés par les événements de Tunisie», où le suicide par le feu de Mohamad Bouazizi, 26 ans, a déclenché les révoltes qui ont abouti vendredi à la fuite du président Zine El Abidine Ben Ali, ajoute-t-il. «Il y a déjà eu des cas de suicides motivés par des protestations en Egypte, mais c'est la première fois que l'on voit des immolations», relève pour sa part le politologue égyptien Amr al Chobaki, du centre d'études Al Ahram. Pour Hefny Kedri, professeur de psychologie politique à l'université Ain Shams du Caire, ces tentatives de suicide par le feu sont bien un message de désespoir adressé aux les autorités, dans une région où la vie politique et sociale n'offre souvent pas d'exutoire aux mécontentements. «Il n'y a pas de différence entre un suicide par noyade ou un suicide par immolation, mais ce dernier contient un message pour le pouvoir qui est de dire : «je proteste». C'est cela qui est important du point de vue psychologique», affirme-t-il.