Bab El Oued a été le théâtre d'émeutes il y a de cela deux semaines. Les jeunes de Belcourt, du 1er Mai et d'El Harrach ont pris le relais, d'autres quartiers de la capitale mais également d'autres villes du pays ont connu leur soubresaut. Le mot d'ordre scandé par l'ensemble de ces jeunes était «la mal-vie». Mis à part les revendications plus concrètes relatives aux dernières inflations sur la farine et l'huile, l'ensemble des quartiers touchés par les émeutes sont des quartiers dits populaires et à forte densité de population. Des quartiers comme Bab El Oued souffrent de forte densité, d'un bâti délabré et de peu d'espaces verts (comparé au nombre d'habitants). Il est recommandé 10 m2 d'espace vert par habitant. Dans certaines villes comme Oran, on atteint à peine le chiffre de 1m2 d'espace vert et cela aboutit à une prédominance du béton. Vivre dans ces quartiers, c'est soit faire face à un mur, soit faire face à un autre. Le gris du béton comme élément de mesure sociale La cote d'un logement se fait en fonction de sa superficie, des commodités dont il dispose, mais également de son environnement. Un logement même de petite superficie mais qui dispose d'une vue sur un parc n'a pas le même prix qu'un autre plus grand, mais dont le vis-à-vis est plus important. Vivre bien, c'est vivre au calme et entouré de verdure. Et si cela se paie d'un strict point de vue «portefeuille», cela se paie aussi dans le psychisme de l'être humain. Les grandes métropoles du pays ont connu un élan urbanistique qui n'a été ni pensé ni mesuré. Alger, dont la topographie est particulière, souffre de ce manque de réflexion. Les extensions à la périphérie de la ville offrent un visage désolant et un désordre kafkaïen. «En termes de densité de population, la commune de Bab El Oued est placée en tête, avec environ 750 habitants par hectare, vient ensuite celles d'Alger-Centre, La Casbah et Sidi M'hamed, avec une densité comprise entre 500 et 400 habitants. A l'exception de sept communes, qui sont celles de Mohammadia, Hydra, Raïs Hamidou, Bouzaréah, Birkhadem, El Harrach et Oued Smar, dont la densité d'habitants est moins de 100 par hectare, le reste des communes a une densité qui se situe approximativement entre 100 et 220 habitants par hectare», révèle une étude sur l'urbanisme et l'analyse statistique du bâti de la ville d'Alger. Pareillement, il apparaît que ces mêmes communes disposent d'une forte densité de logements, et lorsqu'on s'en tient au seul quartier de Bab El Oued, sa superficie est la plus petite d'Alger. «En densité de logements à l'hectare, la commune de Sidi M'hamed présente une densité d'environ 180, viennent ensuite dans l'ordre les communes de Bab El Oued (120), d'Alger-Centre (≈ 100), de La Casbah (≈ 860), du Hamma, Anasser (≈ 67). Celles d'El Madania, de Bologhine, de Oued Korich, de Bir Mourad Raïs, d'El Biar, de Bourouba, de Bachedjarah, de Bab Ezzouar et d'El Mouradia ont une densité de logements comprise entre 20 et 40, et le reste des communes a une densité inférieure à 20». Quelle place pour le citoyen ? L'Organisation mondiale de la santé recommande 10 m2 d'espace vert par habitant. Les villes les mieux loties sont Tokyo ou encore Madrid. Il est difficile de ne pas faire le lien avec les dernières revendications des jeunes ces dernières semaines, car en plus d'un cadre de vie qui n'a pas été pensé, ces quartiers ont souvent le désavantage de manquer d'infrastructure de détente et de loisirs. Les transports n'y sont pas toujours bien desservis, ajoutant au malaise social. Améliorer leur cadre de vie sous-entend réhabiliter les espaces verts mais aussi les bâtis. Un effort a été constaté dans certaines communes de la capitale par l'aménagement de trottoirs. Cela a pu être observé vers Poirson mais aussi à Notre Dame d'Afrique et Bouzaréah. Très souvent, le citoyen n'est pas pris en compte lors de l'aménagement de la ville. Les ronds-points ou encore les trémies sont réfléchies pour faciliter l'accès des véhicules. Les piétons restent souvent sur le coude et n'ont plus nul part ou marcher. C'est autant de détails qui aujourd'hui ne sont plus de l'ordre du confort, mais du civisme politique.