Alger retient son souffle à l'occasion de la marche populaire, dans la capitale, à laquelle a appelé pour aujourd'hui le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Saïd Sadi. Sans surprise, les pouvoirs publics ont opposé hier un refus catégorique à l'initiative du RCD à travers un communiqué émanant de la wilaya d'Alger, appelant les citoyens «à la vigilance et à la sagesse» et à «ne pas répondre aux provocations» tout en rappelant que «les marches ne sont pas autorisées à Alger» en vertu du décret sur l'état d'urgence. Le bras de fer est donc engagé entre la formation de Saïd Sadi, les citoyens qui répondront à l'appel de la marche d'aujourd'hui et les autorités qui semblent attendre de pied ferme les marcheurs, si l'on en juge par la fermeté du communiqué et l'imposant dispositif antiémeute qui est déjà en place depuis les dernières manifestations. La double mission, à la fois opérationnelle et dissuasive, assignée à cette démonstration de force sécuritaire, matérialisée par le positionnement en force de colonnes de camions antiémeute en certains points stratégiques de la capitale, n'a pas eu raison de l'obstination militante de certaines forces politiques et sociales. Ces dernières considèrent plus que jamais que l'histoire du changement démocratique est en marche après les dernières manifestations de rue qui ont secoué plusieurs villes du pays, relayées au niveau régional par les acquis démocratiques arrachés par les Tunisiens qui ont tracé le sillon fertile de la démocratisation des systèmes politiques dans la région et dans le monde arabe, où la contagion semble avoir également bien pris. Cette marche renferme, en elle, tous les ingrédients qui incitent à craindre le pire, quand on analyse les conditions dans lesquelles elle va se tenir. Le RCD se montre moins préoccupé par l'interdiction, officiellement administrative, assumée par l'administration locale – la wilaya qui ne fait, on l'aura compris, que relayer une décision politique à laquelle le parti n'entend pas se plier – que par les provocations visant à saborder cette marche. D'aucuns reprochent au parti de Saïd Sadi de vouloir faire cavalier seul concernant cette initiative en n'ayant pas eu le souci d'associer les forces politiques et sociales, les personnalités qui partagent les mêmes idéaux démocratiques, ce qui aurait permis de négocier avec de meilleurs arguments l'autorisation de cette marche et lui aurait conféré un plus grand poids politique. Mais à l'inverse, politiquement, l'initiative du RCD a le mérite d'occuper le terrain de l'opposition dans un moment aussi crucial pour le combat démocratique, pour montrer que le parti est en phase avec la société, qu'il ne s'est jamais trompé ni n'a douté de la vitalité du peuple algérien comme ses adversaires politiques l'en accusent. Comme elle a le mérite de confondre le pouvoir qui avait, par la voix de certains responsables de l'Etat, reproché aux manifestants de recourir à la violence et aux actes de destruction des biens publics et privés lors des dernières émeutes, regrettant que les jeunes n'aient pas choisi la voie de la manifestation pacifique pour se faire entendre. Comme si cela pouvait être possible avec l'état d'urgence. Saïd Sadi semble avoir pris acte et à témoin l'opinion de ces recommandations, dont il aura à vérifier, aujourd'hui sur le terrain, le double discours du pouvoir.