Etat de siège à Alger. La capitale n'a jamais connu un tel déploiement sécuritaire, peut-être depuis les événements d'Octobre 1988. En civil et en uniforme, des centaines de policiers ont quadrillé, hier, tous les coins et recoins de la ville. Objectif : interdire la marche à laquelle a appelé, la veille, le RCD. Le décor est planté dès les premières heures de la matinée. Un hélicoptère survolait le ciel d'Alger dès 7h du matin. Dans les différents quartiers, des dizaines de véhicules blindés sont stationnés à l'entrée des principaux axes. Les habitants de la capitale étaient même impressionnés par cette forte présence policière. En effet, les autorités qui avaient rappelé plusieurs fois depuis jeudi dernier que «les manifestations sont interdites à Alger», n'ont pas lésiné sur les moyens pour réprimer toute tentative de rassemblement. La crainte d'un remake de la révolution tunisienne en Algérie est perceptible à travers cette impressionnante mobilisation des forces de sécurité. A Alger-Centre, à la place du 1er Mai, au niveau de la rue Hassiba Ben Bouali et la rue Didouche Mourad, il n'y avait que des policiers. Tous les axes devant être empruntés par les manifestants sont quadrillés. Toutes les ruelles menant vers la place du 1er Mai d'où devrait s'ébranler la marche du RCD étaient aussi bouclées. Vers 9h30, il n'y avait que des policiers à la place du 1er Mai. Ils empêchent tout regroupement de plus de deux personnes. Des journalistes qui se sont présentés pour couvrir l'événement ont été invités à quitter les lieux. Vers 10h20, l'ancien président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme, Ali Yahia Abdenour, arrive accompagné d'un certain nombre de militants. Et c'est l'affolement chez les policiers qui ordonnent alors à tous les passants de se dépêcher et de quitter les lieux. «Affrontement à la rue Didouche» Parallèlement, de nombreux policiers ont encerclé le siège régional du RCD à Alger. Coupée à la circulation, la rue Didouche Mourad où est situé ce siège est occupée par des blindés et des véhicules de la police. L'entrée de l'immeuble abritant ce dernier est bouclée par un cordon constitué de la police antiémeute. Personne ne peut sortir. Les tentatives des dizaines de militants du parti de quitter le siège pour rejoindre la place du 1er Mai ont avorté. Et l'affrontement commence. Voulant forcer le cordon sécuritaire, les protestataires ont été violemment réprimés à coups de matraque. On dénombre déjà les premiers blessés. C'est la panique générale à l'intérieur du siège du RCD. On s'active à apporter des secours aux blessés. Des jeunes ont reçu des coups sur la tête. Ils ont été vite évacués à l'intérieur du siège. D'autres ont été acheminés à l'hôpital. Au moins une quarantaine de blessés ont été dénombrés (une centaine affirme Mohcine Belabbas, chargé de communication du RCD). Parmi eux, il y a le président du groupe parlementaire du RCD, Athmane Maâzouz. On parle également d'arrestations (9 personnes arrêtées, selon l'APS). «Plusieurs jeunes ont été arrêtés. Le député Arezki Aïder lui-même a été arrêté, avant d'être libéré plusieurs minutes après», affirment des membres de la direction du RCD. Selon un bilan rendu public dans l'après-midi, le ministère de l'Intérieur parle de 19 blessés, dont 7 policiers. La situation est restée tendue pendant plusieurs heures. Debout à l'entrée de leur siège, des dizaines de jeunes scandaient des slogans hostiles au pouvoir. «Pouvoir assassin», «Jazaïr Horra, Jazaïr Démocratiya (Algérie libre, Algérie démocratique)» et «A bas la répression !» lancent les manifestants à l'adresse des policiers qui les ont chargés quelques minutes auparavant. Les militants du RCD se sont dispersés, dans le calme, vers 15h avec le sentiment d'avoir marqué le point.