Des députés de différentes sensibilités politiques ont déposé hier une proposition de loi demandant au gouvernement la levée de lt'état d'urgence. A quelques jours de la marche à laquelle a appelé la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), prévue pour le 12 février, des voix s'élèvent et la pression s'accentue sur le pouvoir concernant la levée de l'état d'urgence. Le débat s'invite à l'APN. Vingt et un députés du FLN, du MSP, d'Ennahda, d'El Islah, du FNA, des indépendants, de l'ANR, du mouvement El Infitah ainsi que des dissidents du RCD ont déposé, hier, au niveau du bureau de l'Assemblée, une proposition de loi demandant au gouvernement la levée de l'état d'urgence en vigueur depuis le 9 février 1992. Les promoteurs de cette initiative – à leur tête Ali Brahimi, dissident du RCD – considèrent que l'amélioration de la situation sécuritaire revendiquée par le pouvoir «enlève tout argument pratique au maintien de cet état de fait». Ils estiment que ce régime d'exception n'a que trop duré d'autant qu'il est anticonstitutionnel, controversé dans sa construction juridique et désormais sans pertinence pratique. L'Algérie, selon les signataires de la proposition, fait partie du club très fermé des pays sous état d'urgence. L'image de la nation s'en trouve ainsi fortement altérée. Pour ces parlementaires, le décret législatif 93-02 du 6 février 1993 «ne trouve pas de fondements au triple plan juridique, sécuritaire et politique». Décrété à l'occasion d'une situation exceptionnelle pour douze mois, par le décret présidentiel 92-44 du 9 février 1992, complété par le décret présidentiel du 92-320 du 11 août 1992, l'état d'urgence a été prorogé, en 1993, sans satisfaire à deux conditions essentielles de l'article 91 de la Constitution, à savoir la détermination d'une durée de rigueur pour ce régime exceptionnel ainsi que la consultation du Parlement. «Le caractère législatif du décret de prorogation entendait suppléer à l'écueil institutionnel de l'absence de Parlement à l'époque», indique-t-on. Dans l'exposé des motifs, les députés expliquent que «la consultation du Parlement n'a pas eu lieu même après l'achèvement de la reconstruction de l'édifice institutionnel après l'élection présidentielle de 1995 et le scrutin législatif de 1997 particulièrement que l'Algérie connaissait une nouvelle configuration constitutionnelle en vertu de la révision de son texte fondamental en 1996». Dans tous les cas de figure, observent les députés, toutes les mesures prises en vertu de l'état d'urgence deviennent à cet effet une gestion de fait qui ne repose sur aucun droit. «A moins de s'autoriser une volonté délibérée et un droit arbitraire de violer les dispositions constitutionnelles, l'autorité publique est désormais juridiquement infondée à revendiquer ou à appliquer l'état d'urgence», lit-on dans le document signé par les parlementaires. Pour ces derniers, le laminage des libertés publiques à travers ce dispositif a fait circuler le débat public et laissé libre cours à l'expression de la violence à la place du dialogue. «Il est arrivé le temps et la nécessité de mettre un terme à cette dangereuse exception pour le présent et le futur de l'Algérie.» Les initiateurs de cette proposition de loi, conscients de leur mission de législateurs et de médiateurs à l'écoute de la société plus que jamais en ébullition, se saisissent, entre autres, de l'article 122 de la Constitution pour agir afin d'aller dans le sens de l'histoire et faire triompher le droit et la liberté. Enfin, les promoteurs de cette démarche estiment que c'est là une énième occasion pour l'APN de réhabiliter sa fonction en allant au-devant d'une attente populaire et, par la même occasion, jouer le rôle qui lui est dévolu, au demeurant, par la Constitution.