-Pourriez-vous expliquer brièvement ce qu'est la convertibilité totale ou partielle du dinar algérien ? La convertibilité partielle ne concerne que les transactions dites courantes (balance des opérations courantes). Elle se limite aux opérations d'importation de biens et services domiciliées auprès des banques. Sont autorisés également, dans le cadre de plafonds annuels, les transferts au titre des dépenses de santé, d'éducation et de voyages. La convertibilité totale concerne tous les postes de la balance des paiements, y compris les opérations de transfert de capitaux. Une précision importante : les montants convertis ne donnent pas lieu forcément au transfert. Ils peuvent être déposés en devises auprès des banques algériennes. Les taux d'intérêt servis sur les devises sont souvent plus élevés dans les pays qui ont besoin d'attirer des fonds en devises. Ce n'est pas une fiction, car les banques algériennes ouvrent, depuis près de 25 ans, des comptes devises aux particuliers. Leur montant actuel s'élève à 244 milliards de DA en 2010 (3,5 milliards de dollars environ). Ce montant est extrêmement important, si l'on songe qu'il dépasse les niveaux des réserves de change des années d'avant 1999. Il est à remarquer qu'il s'agit là d'une épargne stable qui a résisté à toutes les secousses subies par notre pays. Elle indique, mieux que n'importe quel discours, pourquoi il ne faut pas craindre la convertibilité du dinar. -Que signifie une convertibilité du dinar pour l'économie algérienne ? Plus de transparence dans l'allocation des devises. Les banques fournissent aux particuliers et aux entreprises, à la place du marché noir, les devises dont ils ont besoin : les particuliers pour voyager ou se soigner à l'étranger, les entreprises pour alimenter leur commerce ou leur industrie et ce, de façon transparente. Contrairement aux opérations sur le marché parallèle, qui sont totalement opaques, donc anonyme. L'activité financée via ce marché échappe totalement au fisc. Elle engendre de gros profits et entraîne une corruption à grande échelle des services des douanes et des impôts. Plus de transparence dans l'activité des entreprises. En supprimant le marché parallèle de la devise, on assèche celui des marchandises. En passant par les banques pour obtenir de la devise, on règle le problème des ventes sans facture et donc des revenus non déclarés. On aboutit à un meilleur contrôle de l'activité économique. Et on rend plus transparentes les fortunes existantes. Un bouleversement en profondeur dans la gestion de notre économie. La convertibilité totale introduit une grande flexibilité dans l'acte de gestion, de nouveaux modes de comportement des entreprises et un nouveau type de rapports avec l'administration. Elle libère les énergies et affaiblit la bureaucratie et la corruption. Pour toutes ces raisons, elle introduira sans nul doute une formidable dynamique de changement qui poussera rapidement à l'approfondissement des réformes économiques. C'est sans doute cette dynamique qui fait peur à ses détracteurs. -D'après vous, une convertibilité totale du dinar n'induit pas forcément une fuite massive de capitaux. Comment à votre avis peut-on éviter ces fuites ? On ne peut profiter des avantages de la convertibilité qu'en passant par les banques qui sont ainsi renseignées sur la destination des fonds transférés. Ces derniers ne peuvent plus être perdus de vue. C'est ce qu'on appelle la traçabilité. Ce seul fait est de nature à limiter les transferts. De plus, seuls les titulaires de grosses fortunes sont à même d'opérer des transferts massifs. Et la traçabilité que je viens d'évoquer exercera, à n'en pas douter, une dissuasion certaine. Les classes moyennes ne pourront transférer que leur épargne nette, c'est-à-dire peu de choses, sachant qu'elles ont besoin de dinars pour vivre : payer leur loyer, la scolarité de leurs enfants, leur nourriture, leurs factures d'électricité, de téléphone, etc. Ces classes moyennes recourront simplement au change officiel chaque fois qu'elles voudront se déplacer à l'étranger, pour des vacances ou pour des soins. Le million d'Algériens qui partent en vacances chaque année en Tunisie, par exemple, continuera à le faire, mais dans des conditions plus dignes et à moindre coût. Nos banques aussi y gagneront. Les opportunités d'investissement en Algérie sont souvent bien plus profitables et plus accessibles (problème de visa…) aux Algériens. Les voyages d'affaires, en revanche, se feront dans de meilleures conditions et à moindre frais. On aboutit ainsi à une régulation sans contraintes, bien plus efficace que la régulation administrative et la répression. Cette forme de régulation cadre mieux avec l'esprit d'entreprise de nos concitoyens, qui ne s'épanouissent que dans un cadre qui préserve leur liberté. Enfin, le libre accès à la devise fera baisser, au contraire, la demande en monnaies étrangères, demande qui se limitera aux besoins du moment. Au final, la confiance des citoyens dans leur monnaie se consolidera. C'est le dinar qui sera recherché le plus en raison de son utilité économique immédiate, et non la devise qui représente un pouvoir d'achat qui ne peut être exercé qu'à l'étranger. -Vous estimez que l'investissement sur le marché local est plus rentable. Etes-vous contre l'investissement à l'étranger ? Il est clair que la rentabilité d'un investissement est plus élevée là où il y a un marché assuré et peu de concurrence. Notre pays, qui reçoit peu de délocalisations étrangères (IDE), recèle des niches d'investissement innombrables, tant sont nombreux les secteurs où il est possible de faire de la substitution d'importations. Les investissements du groupe Cevital, par exemple, le démontrent. Pour ce qui est de l'investissement algérien à l'étranger, j'y suis totalement favorable. Les grandes nations (USA, Japon, et maintenant la Russie dont la monnaie est devenue totalement convertible) créent de la richesse partout, sans regard pour les frontières nationales. Les dividendes perçus de leurs investissements à l'étranger représentent une part importante de leurs recettes en devises et de leur PIB. Même des pays intermédiaires comme l'Egypte (Orascom, Arab Contractors, etc) et le Koweit (Q8, Kipco, etc) investissent massivement à l'étranger, pour ces raisons là. Cela étant, l'Algérie doit veiller, avant tout, à rester un pays attractif et concurrentiel, pour les nationaux comme pour les investisseurs étrangers. -Vous avez donné un chiffre des capitaux en circulation hors du circuit bancaire de 700 milliards de dinars en 2006. De combien est-il actuellement ? Il n'y a aucun doute que ce chiffre a explosé depuis.Selon les statistiques de la Banque d'Algérie, la circulation fiduciaire hors banques (billets en circulation) a atteint 2000 milliards de dinars en 2010.