Décidément, du Maghreb au Machrek, les régimes politiques sont de mauvais élèves qui ne retiennent pas les leçons d'histoire. Ils n'admettent pas que le monde a changé depuis des lustres et que les époques des dynasties et de l'assujettissement des peuples appartiennent au passé. Parvenus par effraction aux commandes de leurs pays, ces régimes-là ne peuvent en aucun cas retenir la leçon, au contraire, leur principal souci est de se maintenir au pouvoir coûte que coûte. L'extrême violence qui s'est abattue sur les manifestants en Tunisie et plus particulièrement en Egypte, en est la preuve vivante et en direct via les satellites.Pour des raisons historiques, sociologiques et idéologiques bien déterminées sur lesquelles seuls les spécialistes en la matière peuvent nous éclairer sur la nature véritable de ces régimes et de leur retournement une fois l'indépendance acquise, il n'en demeure pas moins que tout au cours de leurs évolutions, les dirigeants de ces régimes se sont attelés beaucoup plus à instaurer des règnes et à cloisonner leurs sociétés dans une logique des plus perverses allant à contre-courant de l'évolution moderne, du progrès et du développement réel. Rattrapés par l'Histoire et les réalités du moment, ces régimes autoproclamés ont, d'une manière ou d'une autre, créé toutes les conditions favorables à l'«Intifada». Les soulèvements populaires en cascade qui touchent actuellement le Nord de l'Afrique et le Moyen-Orient et qui ont précipité la chute de Ben Ali et de Moubarak à quelques semaines d'intervalle, sont plus que révélateurs du ras-le-bol et de l'exaspération des peuples de ces régions longtemps muselés et méprisés et de leurs déterminations à en finir plus que jamais avec ces régimes et les systèmes qui les ont engendrés. Un tournant historique des plus décisifs et des plus bénéfiques pour toute la région. En Algérie, le pouvoir comme à son habitude, contre vents et marées, continue de feindre et à sous-estimer la situation, tant régionale que locale. Les révolutions tunisienne et égyptienne ; les émeutes ; les grèves ; les immolations dans le pays ne l'indisposent aucunement, au contraire, il rajoute le feu en empêchant par la répression toute expression populaire et pacifique. L'incroyable déploiement des forces de police (plus de 30 000) et le quadrillage d'Alger en cette journée du 12 février, sans oublier la propagande alarmiste du gouvernement et de ses relais durant des jours, dans le but avéré de faire avorter une marche pacifique, est un signe plus que malheureux du caractère profondément amnésique de nos dirigeants dont les méthodes rappellent étrangement l'ambiance des états de siège durant l'occupation coloniale, c'est grave. Et c'est d'autant plus grave car cette attitude paranoïaque des autorités laisse croire qu'elles ont affaire à des ennemis et non pas à des Algériens et Algériennes qui protestent de leurs mauvaises conditions de vie et qui aspirent à vivre dignement. Une fois de plus, les autorités refusent et se dérobent à répondre par le dialogue aux revendications légitimes de la population. Les dernières promesses de changements, dont entre autres la levée de l'état d'urgence, l'ouverture médiatique, etc. ne sont en fait que des bobards et des boniments parmi tant d'autres qu'ils nous ont fait avaler dans le passé. Cette fuite en avant dénote on ne peut plus clairement la mauvaise volonté politique du pouvoir à œuvrer sincèrement dans le sens du changement réel. Il ne faut pas se leurrer, ce pouvoir qui a tronqué et a troqué la Révolution algérienne de 54, qui a bradé les acquis et les richesses nationales, qui pousse notre jeunesse aux actes suicidaires et qui a transformé l'Etat en un vulgaire système de tractations pour légaliser l'illégal, légitimer l'illégitime et formaliser l'informel au seul profit de la puissance d'argent, de la mafia, de la pègre et autres cercles occultes lesquels, il faut le souligner, se sont imposés en un laps de temps incroyablement court à travers l'ensemble des rouages décisionnels de l'Etat, en tant que partenaires incontournables. Il serait de ce fait vain et naïf d'espérer un changement sérieux dans la politique menée à ce jour par ce pouvoir. Il est trop impliqué dans le pourrissement du pays et il ne peut pas aller à l'encontre de ses alliances avec les forces politiques, financières et idéologiques les plus contradictoires et les plus opposées aux changements. Du Maghreb au Machrek, ces pouvoirs archaïques sans état d'âme, aux antipodes des valeurs civilisationnelles et aux modes de gouvernance hérités des époques décadentes et colonialistes et qui continuent impunément à empoisonner la vie à des centaines de millions d'habitants en les maintenant dans un sous-développement permanent, sont une aberration de l'Histoire voire une abomination qui doivent à tout jamais disparaître en ce troisième millénaire. C'est un devoir de salubrité publique et humanitaire et c'est aussi et surtout une nécessité vitale pour l'édification d'un véritable Etat de droit et de progrès. Tous les peuples de la région l'ont compris. Pour l'instant, il y a chez nous la nécessité d'instaurer un climat d'apaisement, de confiance et d'espoir dans la société, la situation l'exige et il incombe aux principaux dirigeants du pays, pour l'intérêt général, à admettre l'échec et l'impopularité de leur politique. Pour une sortie honorable et sans dégâts, il leur incombe aussi et c'est plus qu'un devoir, de mettre un terme à cette situation d'imbroglio et de fuite en avant qui risque de nous conduire tout droit vers l'impasse, et dont les conséquences ne seront que plus désastreuses. Et ce ne sont pas par les petites réformettes et les demi-mesures opportunistes et démagogiques annoncées en grande pompe et sans portée réelle sur le vécu des Algériens et sur la société en général qui vont changer le cours des événements, soyons sérieux ! Cette politique-là ne fait plus recette, notre société réclame des changements concrets et sans maquillage en commençant et sans plus tarder à lever tous les obstacles et tous les interdits pour une transition pacifique, sereine et démocratique.