Avocats de la partie civile, maîtres Khaled Bourayou et Fatma-Zohra Chenaïf présentent Oultache comme «le bras armé» qui a tué Ali Tounsi. - Le dossier relatif à l'assassinat de feu Ali Tounsi va être programmé incessamment au rôle du tribunal criminel près la cour d'Alger. Pensez-vous que toute la lumière a été faite sur cette affaire ? Nous ne le pensons pas. Nous aurions aimé que lors de l'instruction, le juge entende les huit témoins que nous avions demandés pour apporter un éclairage sur non pas ce qui s'est passé le jour J, mais sur le pourquoi de l'acte lui-même. Cette précipitation avec laquelle l'affaire a été traitée, nous lui opposons la sérénité pour aller devant le tribunal. Beaucoup de zones d'ombre entachent cette affaire. Tant que la justice continue à fonctionner dans l'improvisation et la précipitation, la vérité sera occultée et les droits des uns et des autres éludés et sanctionnés. - Vous ne contestez pas le fait que l'auteur de l'homicide soit Oultache ? Nous ne pouvons pas être contre les lois de la physique et de la chimie. Tous les éléments apportés par l'expertise de la police judiciaire et du laboratoire scientifique prouvent que c'est Oultache qui a tué Ali Tounsi. Pour nous, la question qui reste posée est de savoir pourquoi. Le mobile qu'il a avancé ne convainc pas. La chemise que portait le DGSN, le jour du crime, ne portait aucune trace de projectile. Les balles qui l'ont tué sont celles qui ont visé sa tête. Il n'y a aucun doute là-dessus, nous voulons juste savoir pourquoi. C'est pour cette raison que nous avons demandé l'audition d'une liste de huit personnes, parmi elles, entre autres, l'ex-ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni, son secrétaire général et le directeur de la police judiciaire. Il ne faut pas que l'affaire soit classée sans répondre aux questions qui restent en suspens. - Ne croyez-vous pas à la thèse de l'acte isolé ? Nous n'avons jamais cru à l'acte isolé. Oultache n'est que le bras armé. Le DGSN n'est pas une personne ordinaire et ce qui s'est passé ne peut être réduit à un simple homicide.Il a eu lieu dans un sanctuaire, l'endroit le plus sécurisé, avec une facilité déconcertante pour viser l'une des personnes la plus protégées. Pour nous – et les données scientifiques le démontrent – l'auteur du crime est Oultache, seulement nous voulons aller plus loin pour connaître le mobile. Telle que l'enquête a été menée, nous ne le saurons jamais. Les personnes que nous avions demandées auraient pu donner une autre tournure au procès. - Mais le dossier judiciaire limite le mobile à l'altercation verbale qui a eu lieu entre le DGSN et Oultache. Quel est votre avis ? Nous nous interrogeons toujours sur le fait que le volet lié au mobile du crime a été totalement éludé par l'instruction. Pour nous, le mobile est à chercher ailleurs, et loin du bureau où a eu lieu le crime. Il trouve son origine à un niveau supérieur de la gestion. Nous ne pouvons accepter la thèse selon laquelle Oultache a tué Tounsi juste parce que ce dernier a refusé de reporter une réunion. Dans le dossier, on parle de transaction et de conflit, mais rien de plus. Pourquoi n'a-t-on pas cherché d'où est sortie l'information sur Oultache, le jour même du crime et dans quel but ? Il y a une étape, juste avant le crime, que nous voulons connaître. Oultache ne pouvait aller tuer Tounsi juste pour une histoire de report de réunion. - La défense de Oultache affirme que ce dernier a grièvement blessé le DGSN, mais que d'autres l'ont achevé. Quel est votre avis ? Si elle prouve cette thèse, cela ne peut que nous conforter dans notre souci de chercher la vérité et de comprendre le pourquoi du crime. Notre demande d'audition de Zerhouni n'était pas une vue d'esprit. Elle était liée au fameux communiqué qu'il a rendu public moins de quatre heures après le crime, en lieu et place du procureur de la République légalement compétent en la matière. Pourquoi le ministre s'est-il empressé de donner une appréciation sur la personnalité de l'auteur du crime et dans quel but ? Il faut qu'il assume ses déclarations et les explique. Quand on se mêle des affaires de la justice, on doit rendre des comptes. Mais au lieu que la justice l'entende, elle a tout simplement estimé qu'il n'avait rien à voir avec l'affaire. Trop de zones d'ombre pèsent sur le dossier. Comme, par exemple, le timing entre l'entrée de Oultache dans le bureau du défunt et sa sortie. La défense de Oultache est en droit de contester les faits et nous sommes en droit de contester le mobile. Il y a trop de contradictions. Nous ne savons pas à quelle heure exactement Oultache a tiré sur Ali Tounsi, combien de temps est-il resté dans son bureau, à quelle heure est-il sorti pour appeler les autres et, surtout, à quelle heure est-il revenu. N'oublions pas que l'assassinat de Ali Tounsi a eu lieu au moment où les rapports de ce dernier avec le ministre de l'Intérieur étaient très froids. Rappelez-vous que l'été 2009 était marqué par de graves dissensions entre les deux responsables. Nous n'accusons personne. Nous aurions juste souhaité que Zerhouni nous explique les raisons de son communiqué et de sa déclaration où il disait que le crime avait été commis sans témoin. Si nous étions dans un bon système judiciaire, nous aurions eu sa déposition de ministre et non pas une déclaration publique. - Certains lient l'assassinat à des affaires qui lieraient le défunt à Oultache. Qu'en pensez-vous ? Une enquête est actuellement en cours et, à ce jour, nous n'en savons rien..