Durant près de 42 ans de règne, El Gueddafi et sa famille ont bâti un empire financier vaste, mais difficile à évaluer. D'autant que la famille détient des actions dans de nombreux secteurs économiques à l'étranger. D'après Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen, la fortune de Mouammar El Gueddafi et sa famille dépasse largement celle de Moubarak. Elle s'élèverait, à son avis, à 120 milliards de dollars. Le despote a diversifié ses placements et ses acquisitions à travers les membres de sa famille. Dans son édition d'hier, le Financial Times, citant des câbles diplomatiques obtenus par le réseau social WikiLeaks, indique que les diplomates de l'ambassade américaine affirment que le despote de Tripoli et sa famille détiennent d'importantes actions dans les secteurs du pétrole et du gaz, des télécommunications, des infrastructures de développement, des hôtels, des médias et de la grande distribution. Dans ce rapport qui date de mai 2006, il est constaté que les enfants d'El Gueddafi touchent des revenus réguliers de la société pétrolière nationale dont les exportations atteignent des dizaines de milliards de dollars. Est cité en ce sens, à titre d'exemple, le second fils du tyran, Seïf Al Islam, qui a accès à l'industrie pétrolière par la voie de la filiale de son groupe personnel, One-Nine. Ces fortunes sont aussi sources de luttes intestines entre frères et sœurs El Gueddafi. Le «tyran» a investi 21,9 millions de dollars en 2009 rien que dans un complexe hôtelier de la ville italienne de l'Aquila, détruite la même année par un séisme. Le même jour, le Guardian observe que la fortune des El Gueddafi est difficile à évaluer. Il évoque en ce sens des comptes secrets à Dubaï, en Asie du Sud-Est et dans les pays du Golfe. La manne pétrolière a permis à la Libye d'investir 70 milliards de dollars à travers la Libyan Investment Authority (LIA), un fonds souverain créé en 2006. Dans le même câble, il est fait état de la mainmise de ses neuf enfants et de sa femme sur l'économie du pays. Le pétrole est la principale ressource du clan. Autre activité : les télécommunications. Ce secteur est contrôlé par un autre fils du guide, Mohamed, alors que Saâdi s'occupe de l'immobilier. Ancien footballeur qui comptabilise 15 minutes de jeu avec le club italien Pérouse dans les années 90, il lance en 2006 la construction d'une ville entière située dans une zone à forte valeur touristique. Après la levée des sanctions économiques des Nations unies sur Tripoli, en 2003, se développe dans le pays le petit commerce, notamment celui des vêtements. Activité réservée à la femme du dictateur, Safia, et à sa fille Aïcha. En Italie, la Libye détient des actions dans plusieurs secteurs. En effet, Tripoli détient 7,5% du capital d'UniCrédit et dispose de 2% des actions de Finnemecanica, de 7,5% de la Juventus de Turin, de 2% d'Eni et de 14,8% de Retellit, une société contrôlée par Telecom Italia. Lundi dernier, un avocat établi à Fribourg, Ridha Ajmi, a déposé plainte auprès du ministère public de la Confédération suisse et une requête auprès de la direction du droit international public au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) pour «geler les fonds appartenant au clan du dictateur Mouammar El Gueddafi ainsi qu'à des membres de sa famille». Dans un communiqué, l'étude relève qu'elle agit «pour le compte de l'Association Arabic Transparency Organisation (ATO)» et cela par souci d'éviter «la disparition des fonds déposés en Suisse, des fonds qui peuvent provenir de détournements de deniers publics libyens». L'avocat en question souhaite que le blocage des éventuels avoirs et biens en Suisse doit être ordonné «immédiatement», «sans attendre la chute du régime en place à Tripoli», pour éviter toute tentative de détournement vers des «destinations incontrôlables». Il affirme avoir transmis «une liste non exhaustive au Conseil fédéral de personnes soupçonnées».Cette liste comprend douze noms et raisons sociales. Des membres de la famille El Gueddafi y figurent. Une autre procédure a été engagée le même jour, a annoncé sur les ondes de la Radio suisse romande (RSF) le président de l'ONG Droit pour Tous, Anouar Gharbi. Elle a été envoyée par son organisation et l'ONG Lybian Human Righs Solidarity et demande «de bloquer les avoirs du clan El Gueddafi» ainsi qu'«une demande de saisine des autorités pénales internationales», selon le même responsable.