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Ibn Hamdis-Leonardo Sciascia, les rivages inspirés
Deux voix siciliennes bien singulières
Publié dans El Watan le 01 - 12 - 2005

Les deux étaient originaires de la même île : la Sicile. Le premier, de souche maghrébine, naquit à Syracuse, cette vieille ville qui fut le refuge politique de Platon, (v. 428-347 av. J.-C.) et d'Archimède, (287 av. J.-C.-212 av. J.-C.), le second, Sicilien, d'origine rurale modeste, vit le jour à Racalmuto, un petit bourg de la région d'Agrigente.
L'un était poète, inégalé au tournant du premier millénaire, l'autre, romancier, essayiste et polémiste redoutable dans la deuxième partie du XXe siècle. Le Maghrébin, trop nostalgique sur les bords, pleurait à chaudes larmes sa vie passée, une vie de plaisir dans les palais siciliens, peu avant la conquête des Normands. Le Sicilien, quant à lui, allait guerroyer par la plume contre l'injustice sociale et l'hydre mafieuse dans les petites villes et dans les bourgs de son île, où les ruelles s'éclaboussent de sang de temps à autre. On se surprend parfois à lancer des interrogations qui, à première vue, ne semblent pas fondées, mais qui nécessitent, quand même, des réponses. Ce qui aurait dû être dit par Ibn Hamdis (1055-1133) il y a plus de 1000 ans, n'a pas échappé au romancier italien, Leonardo Sciascia (1921-1989), dans la deuxième partie du XXe siècle. Le vide a donc été comblé, et de quelle manière ! C'est là le propre de la création littéraire et artistique. Elle se fait notre relais là où on ne l'attend guère. A titre d'exemple, de la présence maghrébine dans cette île, l'histoire ne retient que quelques noms, quelques vestiges. Pourtant, elle fut assez bien longue : trois siècles ! On parle encore du géographe Al Idrissi (1100-1154), d'Ibn Al Fourat (mort en 828), qui fut à la tête de l'armée ayant conquis la Sicile, du chemin par lequel ont transité les sciences de la civilisation islamique à destination de l'Italie et de l'Europe et de quelques autres détails sans grande importance. Et puis, on perd la trace du fil d'Ariane. De ce même passé si fabuleux, les chroniqueurs de l'époque n'évoquent guère l'apport linguistique maghrébin. Comme si la Sicile ne fut qu'un petit jalon sur la route : trois siècles de présence, cependant, les langues arabe et berbère ont fini par disparaître à tout jamais. Huit siècles en Andalousie, mais ces deux langues, largement pratiquées alors, ont vidé les lieux. Faut-il dire à la suite de cet historien espagnol que les Arabes n'ont jamais conquis l'Espagne, encore moins la Sicile ? L'orientaliste italien Rositano nous apprend que Calabria, située dans le sud de l'Italie, se prononçait « Quillaouira » à l'époque de la gouvernance maghrébine. Dans le meilleur des cas, nous lisons des écrits sur l'influence exercée par la philosophie islamique sur les penseurs de la Renaissance européenne, principalement à travers l'école de Padoue. Déraciné et emporté par les flots d'un exil sans merci, Ibn Hamdis s'est contenté de décrire les lieux et de pleurer ses beaux jours en Sicile. Séville, où il trouva refuge, ne put l'arracher à sa nostalgie, pas plus que Béjaïa où il vint finir ses jours à un âge avancé. La Sicile n'était plus ce qu'elle fut, celle où il avait mené une vie de poète bohémien, chantant la beauté de l'existence. Pas question pour lui, le poète du raffinement et des sensations exquises, de prendre les armes contre les hordes des Normands lorsque celles-ci envahirent la Sicile et mirent un terme à une gouvernance maghrébine de trois siècles. Comme si la poésie ne pouvait constituer à ses yeux un appoint essentiel lorsque l'appel des armes se fait haut. Pourtant, les jardins qu'il avait tant chantés, les palais, les périphéries de Syracuse, de Palerme, exigeaient un certain sacrifice de sa part. De son exil, de ses différents lieux d'exil, Ibn Hamdis pleura sa propre vie dans la défunte Sicile, d'autant plus qu'il n'était plus question pour lui de revenir sur les lieux, ne serait-ce qu'en simple visiteur. Déjà, dès la parution de son premier livre en 1952, Leonardo Sciascia (1921-1989) fit montre d'un sens aigu des problèmes de son pays. Pas question d'évoquer le passé sinon pour mettre de nouvelles vérités entre les mains de la société. Il fallait bousculer toutes les données à gauche comme à droite : à l'école primaire, où il a enseigné durant un quart de siècle, dans la presse avec des textes politiques fulgurants, au parlement, comme député, et, bien sûr, dans ses romans conçus comme des polars, mais qui en disent long sur les dessous du monde de la mafia. Son combat ne prit fin qu'avec sa mort en 1989. Sciascia, en patriote fougueux, rejoint Ibn Hamdis par bien des aspects, mais sans se lamenter ni se dérober. Il nous laisse deviner sa fierté du passé maghrébin de son île. Racalmuto, son village natal, est décrit d'une manière superbe dans un texte qui en porte le titre. Dans un style décapant, il relate l'histoire de son village à travers un aide de camp maghrébin convoqué par son supérieur pour faire l'état des lieux au soir d'une bataille sanglante. Ne trouvant pas les mots nécessaires pour décrire ce qu'il avait vu de ses propres yeux, il se contenta de se couvrir le nez en lançant : « Raïhatou almawt », odeur de la mort. Les corps des combattants des deux côtés, qui jonchaient le champ de bataille, libéraient des odeurs désagréables. Avec le temps, l'appellation arabe prit un autre chemin, celui du vernaculaire sicilien pour se transformer en « Racalmuto ». De tous les autres écrivains siciliens, Sciascia se distingue par une mise en scène kaléidoscopique du passé de son île. Le romancier Elio Vittorine, le dramaturge Luigi Pirandello, pourtant bien enracinés dans le sol de la culture sicilienne, se démarquaient quelque peu de son combat. Le sien visait à l'universalité tout en se collant aux choses de son terroir. Sans exagérer, Sciascia aurait pu être un compagnon d'Ibn Hamdis, un compagnon incommodant peut-être, mais profondément attaché à ses racines, là où notre poète a préféré sauver sa peau le jour où les conquérants normands mirent la main sur l'île.

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