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Enjeux et... « cyberjeux »
SALLES DE JEUX A CONSTANTINE
Publié dans El Watan le 26 - 08 - 2004

Bien que des articles de loi réglementent textuellement l'accès de certaines structures et autres lieux publics, interdisant dans certains cas aux mineurs de s'y introduire, il se trouve, toutefois, que sur le terrain la loi est souvent bafouée, sinon subtilement contournée.
Une virée dans quelques salles de jeux de Constantine, en dépit des dispositions en vigueur, donne, il est vrai, un aperçu sur la transgression de la législation. En effet, alors que l'article 8 du décret régissant cette activité stipule qu'il est strictement prohibé de recevoir un mineur de 15 ans non accompagné d'un parent adulte, il arrive pourtant que des jeunes n'ayant pas encore atteint l'âge minimum requis fréquentent ces lieux. En fait, la catégorie des habitués de ce genre de distraction dépasse rarement le plancher exigé. Infraction difficilement identifiable d'autant plus que, comme l'atteste un exploitant d'une salle de jeux, « il n'est pas aisé de vérifier l'âge de tous les jeunes désireux de faire une partie de jeu vidéo ». D'autant aussi que les enquêtes effectuées par les autorités concernées ne peuvent régulièrement s'étaler au-delà de 20h, horaire fixé officiellement pour la fermeture de ces établissements. Dès lors, qui empêchera au-delà de cette heure des moins jeunes, avec bien évidemment, la bénédiction du gérant d'une salle de jeux de s'y introduire et de s'adonner même à une activité illégale comme par exemple de procéder à des enjeux et des paris en jouant à des parties de billard notamment ? Et comme les nuits estivales de Constantine sont mornes et dénuées d'animation culturelle, la tentation est grande chez certains adolescents, en cette période de grandes vacances scolaires. En effet, à défaut de pouvoir se baigner dans la mer et se laisser bronzer au soleil à l'instar des jeunes des villes du littoral, les Constantinois n'ont, en outre, même pas la chance de pouvoir se rafraîchir dans la fameuse piscine de Sidi M'cid non fonctionnelle alors ils s'efforcent de « meubler » leurs journées ainsi que leurs soirées autrement. Ils jouent au ballon, aux cartes, barbotent dans les eaux souvent polluées des oueds et fréquentent les cybercafés et les salles de jeux implantés sur le territoire de la wilaya. Pour de nombreux jeunes, ces dernières constituent encore l'un des rares endroits de distraction réglementés et disponibles en particulier durant la période estivale d'autant qu'en dehors des virées à la plage organisées le week-end, le reste de la semaine « il faut tuer le temps », affirme Amir, un adolescent de 15 ans et demi, qui passe ses journées à s'« occuper » comme il peut, notamment dans des salles de jeux, pratiquement « réservées » aux garçons si l'on en juge par l'absence des filles au sein de ces structures de loisirs, car rares sont, il est vrai, les adolescentes qui s'y aventurent, du moins à Constantine. Dérives et sanctions Cela dit, selon des informations recueillies auprès de la Direction de la réglementation et des affaires générales (DRAG), il existe actuellement 232 salles de jeux au niveau de la wilaya de Constantine dont 137 au niveau du chef-lieu de la wilaya, 26 dans la commune du Khroub, 18 à Zighoud Youcef, 8 à Aïn Smara, une à Ouled Rahmoun, alors que la localité de Beni Hamidene n'en compte aucune. Ces établissements sont, par ailleurs, apprend-on, soumis au contrôle d'une commission ad hoc, placée sous l'autorité du wali et présidée par le Directeur de l'action sociale (DAS), en sus des missions de surveillance et de contrôle impliquant les éléments de la Sûreté de wilaya, ceux de la concurrence et des prix (DCP), ceux de la Protection civile, et ceux des bureaux d'hygiène communaux. Régie par le décret exécutif n° 98/127 du 25 avril 1998, fixant les modalités et les conditions d'exploitation des salles de jeux, l'octroi d'une autorisation à un particulier reste tributaire de l'enquête menée par les services de sécurité, la direction de l'action sociale et la Protection civile, mais surtout d'une autorisation d'exploitation préalable du premier responsable de la wilaya. Outre cela, l'exploitant doit répondre à un cahier des charges rigoureux où il est exigé que ce type d'établissement soit implanté à : 300 m des établissements scolaires, à 250 m des cimetières, à 100 m des hôpitaux et à 100 m des établissements et édifices de culte. Pourtant, cette multitude de « précautions » n'a pas empêché certains gérants de salles de jeux de commettre des impairs et de faire, partant de là, l'objet de sanctions administratives pour notamment non-respect des conditions d'exploitation prévues par ce même cahier de charges pouvant se traduire par une suspension de six mois jusqu'au retrait définitif de l'autorisation d'exploitation (selon l'arrêté ministériel du 19 avril 1999), d'autant que les investigations menées par la commission de wilaya présidée par la direction de l'action sociale ainsi que celles des autres structures comme la DCP et les bureaux d'hygiène communaux ont permis de découvrir l'existence de salles de jeux activant de manière illégale (sans autorisation préalable) et d'autres qui ne répondent pas aux conditions d'exploitation exigées ni aux conditions d'hygiène. Mais ce ne sont pas les seuls motifs justifiant des sanctions à l'égard de quelques exploitants. Selon des déclarations faites à El Watan par des responsables locaux ayant requis l'anonymat, certains propriétaires de salles de jeux sont parfois très « permissifs » avec des jeunes, autorisant, à titre d'exemple, ces derniers à ouvrir des paris en jouant au billard enfreignent ainsi la loi, de même que l'on nous a confié que « certains d'entre eux y consomment de la drogue ». Interrogé à ce propos, le gérant d'un établissement de loisirs s'en défend estimant que « les parents doivent davantage craindre pour leurs enfants en matière de consommation de drogue dans les écoles que dans les salles de jeux », laissant toutefois, entendre que « l'âge d'or des salles de jeux est bien révolu ». Il soutient, à cet effet, que « la fréquentation a sensiblement chuté même en période de grandes vacances », expliquant cela notamment par l'intérêt que porte actuellement les adolescents aux « cyberjeux ». Nous avons appris à cet effet que des jeunes de plus de 15 ans préfèrent désormais jouer en réseau dans les cybercafés laissant le champ libre à leurs « cadets » de s'en donner à cœur joie avec les jeux vidéo... Des salles de jeux lesquelles en sus du baby-foot et du flipper en constituent les principales distractions. Aux dires d'un ex-exploitant, « ces dernières années, il y a eu fermeture de bon nombre de salles de jeux dont quelques-unes ont été « reconverties » en... cybercafés, à cause d'une faible fréquentation, mais aussi pour des problèmes de maintenance », surtout qu'« il est difficile de dénicher une personne qualifiée capable de réparer ce genre de machines si celles-ci viennent à tomber en panne », confie-t-il. L'âge d'or serait-il révolu ? Il semblerait, en tout cas, que ces derniers ne représentent plus le même intérêt pour la tranche d'âge « légale » pour laquelle ils sont préalablement destinés, mais attirent par contre, les jeunes de moins de 15 ans qui fréquentent généralement seuls ces lieux. C'est le cas de Raouf, qui, à l'âge de 13 ans, se rendait régulièrement dans une salle de jeux située à proximité du domicile de ses parents pour jouer aux jeux vidéo et au baby-foot, mais cela n'a pas duré longtemps. « Au bout de quelques mois, j'ai commencé à me lasser. Les distractions proposées étaient toujours les mêmes, il n'y avait aucune nouveauté. De plus, en été la chaleur est insupportable, on a du mal à apprécier les instants passés à l'intérieur du local quand il n'y a pas de climatisation », nous confie-t-il. Aujourd'hui, Raouf a 16 ans et a complètement laissé tomber les salles de jeux, car il se rend à présent dans des cybercafés pour jouer en réseau avec des amis moyennant 40 à 50 DA l'heure. « Nous avons le choix entre plusieurs jeux qu'on pratique à plusieurs. Chacun de nous s'installe devant un micro-ordinateur et par le biais du serveur du cybercafé on joue tous ensemble soit au rallye, soit au foot ou encore aux arts martiaux. C'est nettement plus captivant et intéressant que les salles de jeux ”classiques” », affirme-t-il, estimant que les adeptes de ce genre d'établissement sont moins nombreux qu'avant. Aujourd'hui, force est de constater que l'avènement des cybercafés, avec en toile de fond les « amusements informatiques », a énormément nui aux patrons des salles de jeux lesquelles, face à une législation rigoureuse conditionnant sévèrement l'accès à ces endroits de loisirs, se trouvent confrontés à une situation ambiguë : faire fonctionner de manière ordinaire ces salles de jeux, c'est inévitablement enfreindre régulièrement la loi car, ce sont les moins jeunes qui s'y rendent, et interdire aux moins de 15 ans d'y accéder, c'est tout simplement mettre la clé sous le paillasson. Un véritable dilemme que les législateurs, ceux à l'origine du décret exécutif n°98/127 du 25 avril 1998 particulièrement, doivent désormais prendre en considération.

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