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Des vacances à la merci des «requins»
CORNICHE ORANAISE
Publié dans L'Expression le 07 - 08 - 2005

Oran, en été, c'est le monde de la débrouille même si passer une journée à la plage devient de plus en plus cher.
Humer les embruns iodés, lézarder sur le sable chaud, barboter dans une eau bleu-azur, des plaisirs d'été devenus avec le temps un luxe pas à la portée de toutes les bourses. Ces estivants qui venaient à Oran, la tête pleine de rêves, prêts à l'aventure des idylles éphémères de l'été, au farniente ont choisi cette année d'autres destinations. Le rétablissement de la sécurité et le recul du terrorisme y sont pour beaucoup dans cette éclipse qui fait craindre une saison estivale en demi-teinte.
Une virée en ville ou sur les plages de la corniche est pleine d'enseignements. Qu'il est loin le temps où les pare-chocs des véhicules immatriculés dans différentes wilayas du pays s'entrechoquaient sur le macadam du boulevard du Front de mer, qu'il est loin le temps où les accents de partout se mêlaient sur les terrasses des crémeries et des salons de thé.
«Les concessions accordées cette année aux nombreux privés ont cassé les vacances. Il faut tout payer, l'accès à la plage, les chaises, les parasols, les services. Tout est payant et quand c'est toute une famille qui décide de passer une journée au bord de la mer, imaginez la dépense», dira un père de famille qui se dit outré par le comportement de certains fiers-à-bras utilisés par les plagistes comme gardiens de l'espace.
Les jet-skis, un danger venu d'ailleurs
Il y a quelques jours pour constater la gabegie et le désordre qui s'étaient installés sur les plages, la commission du tourisme de la wilaya a fait une virée sur la corniche oranaise. Les conclusions de son rapport sont édifiants à plus d'un titre. La loi 02/03 qui régit le système des concessions n'est pas respectée et les plagistes font comme bon leur semble. Les mises en garde contre tout accès payant diffusées à l'occasion de spots par la chaîne locale radio El Bahia n'ont servi à rien.
Le maire de la localité d'El Ançor, qui avait accompagné les membres de la commission sur le terrain, avait manifesté son courroux en dénonçant des intrus qui ont accaparé des espaces sans qu'ils n'aient sollicité ses services. Ces «squatters» ont le bras long et ce sont eux qui ont, au vu et au su de tout le monde, fait main basse sur des espaces de la plage des Andalouses. Lors de cette inspection, une altercation avait éclaté entre les membres de la commission et le responsable du complexe des Andalouses qui leur avait refusé l'accès aux lieux pour le motif que la plage fait partie du patrimoine d'une Epic (le complexe, ndlr) et que la commission composée d'élus de l'APW n'avait pas à fouler les plates-bandes des autres. Un rapport très critique a été adressé au wali, lundi dernier et tout laisse penser que la force publique sera sollicitée pour chasser tous les intrus et faire respecter les dispositions légales.
Le vrombissement de ces engins de la mort couvre le piaillement des enfants des colonies de vacances ouvertes tout le long de la corniche.
L'année dernière plusieurs accidents ont été provoqués par ces jet-skis qui avaient provoqué la mort de 3 personnes. Depuis le lancement de la saison estivale plusieurs accidents ont été provoqués par des téméraires sans cervelle qui osent s'aventurer pour faire «bombette» à quelques mètres du rivage en slalomant parmi les enfants qui barbotent dans l'eau.
Il y a quelques jours, un baigneur a été percuté par un de ces engins de la mort devenus une véritable menace pour les baigneurs en l'absence d'un contrôle strict et d'une interdiction de leur incursion dans les zones de baignade.
Faut-il interdire pour cela leur importation?
Non, rétorque un plagiste qui précise qu'il existe des lois qui réglementent leur utilisation. «Savez-vous que ces engins sont soumis à une assurance», dira-t-il.
Justement nous avons contacté un agent assureur d'Oran qui nous a précisé qu'effectivement les jet-skis sont soumis à une police d'assurance qui prend en compte, leur puissance, leur valeur et leur année de fabrication. Mais combien de propriétaires de ces engins se soumettent à cette obligation. Peu, dira un plagiste qui ajoutera que ses pairs ne sont pas les propriétaires de ces engins. «Nous les louons auprès de particuliers qui, eux, sont en principe tenus de se conformer la loi qui réglemente leur circulation.»
Concernant la location, les tarifs publics varient entre 4500 et 6000 dinars le quart d'heure. Imaginez le gain au bout d'une journée de travail et vous pourrez comprendre alors ce qui fait courir les plagistes. Les gains de chaque fin de journée peuvent se chiffrer à des dizaines de millions pour chaque engin, un pactole qui fera saliver même les plus sages.
Sur la plage, la location aux estivants n'est soumise à aucune loi. Il suffit au baigneur de présenter une pièce d'identité, d'abouler le prix de la location, un quart d'heure, trente minutes et de s'élancer sur la croupe du jet-ski pour des moments de folie. Même si le client est bourré d'alcool ou de psychotropes on lui loue l'engin, l'essentiel est qu'il ait l'argent, de quoi payer sa course. L'année dernière il y eut 3 décès suite à des accidents provoqués par ces engins sur les plages de la corniche oranaise et cette année on en a déjà enregistré quatre, heureusement sans gravité.
Faire la glisse sur la surface de l'eau, en silence juché sur un pédalo, à côté d'une dulcinée est une activité qui accroche bon nombre d'estivants. Ces derniers sont pour la plupart des jeunes branchés, collégiens ou lycéens qui s'adonnent à cette pratique qui ne nécessite que quelques coups de pédale donnés nonchalamment. Même les enfants se mettent au jeu et les plagistes ne voient aucun inconvénient à mettre cet engin à la portée des mineurs, l'essentiel est qu'ils paient. Ces engins sont importés en catimini parfois même introduits par des pêcheurs qui ont troqué au large leur pêche du jour contre des pédalos qu'ils remorquent de nuit pour éviter toute mauvaise rencontre. Un simple contrôle ferait découvrir le pot aux roses d'un trafic qui permet chaque année à des dizaines de ces jouets de rentrer au pays sans qu'ils ne soient déclarés.
Poneys, chameaux et pédalos
Il y a environ un mois, des pêcheurs avaient trouvé plusieurs de ces engins flottant près de l'îlot de Paloma qui fait face à Bousfer, non loin des îles Habibas.
Plusieurs propriétaires de chameaux, des citoyens généralement du sud-ouest profitent de la saison estivale pour planter une kheima au bord de la mer et ramener 2 ou 3 chameaux qu'ils proposent aux estivants pour des photos pittoresques. Le décor du Sahara est reproduit par ces nomades qui travaillent en étroite collaboration avec les photographes ambulants qui envahissent les plages dès les premiers rayons de soleil.
Certains de ces reporters occasionnels ont trouvé même l'astuce de ramener des poneys du parc animalier de M'dina Jdida, toujours fermé depuis l'incident du lion qui avait attaqué un enfant, l'hiver dernier pour séduire plus de clients. Ces animaux sont aussi le moyen de locomotion de certains vendeurs de glace, de thé et d'autres rafraîchissements. Vous les voyez cavaler sur le sable chaud de la plage, pour aller d'un bout à l'autre proposer leurs produits aux baigneurs affalés à l'ombre des parasols.
Bon nombre de vacanciers, qui ont choisi les plages de la corniche oranaise, vous diront que cet été risque d'être gâché par les bancs de méduses qui ont envahi les côtes algériennes. «Vous savez, d'habitude elles séjournent au fond et la dernière secousse qui s'est produite au début de juillet au large d'Oran les a réveillées et les a précipitées à la surface», dira un estivant qui s'improvise pour cette explication océanographe.
Cette bête invertébrée qui se déplace en se laissant emporter par les courants marins est devenue la hantise de tous les baigneurs de la corniche qui redoutent leur contact. Certains emportent même dans leurs bagages des bouteilles de vinaigre pour neutraliser, semble-t-il, le venin des méduses. «Des fois on n'ose même pas piquer une tête dans l'eau de peur de toucher ces bestioles que rien ne peut apparemment arrêter. Si ça continue je plie bagage et je rentre chez moi à Alger», dira un jeune estivant qui a loué un garage de pêcheurs à Aïn El Turck pour la rondelette somme de 80.000 dinars les 30 jours. Oran, en été, c'est le monde de la débrouille même si passer une journée à la plage devient de plus en plus cher. Ces prix rébarbatifs à plus d'un titre ne sont rien comparés à ceux pratiqués dans les nombreux complexes qui ont poussé comme des champignons le long de la plage. Le soir quand le soleil se couche à l'horizon et que les plages se vident, les forêts deviennent une autre destination des baigneurs qui vont y retrouver le calme avant de se plonger dans la cohue de la ville. Ils attendent des heures avant de prendre d'assaut les crémeries du Front de mer et des autres esplanades de la ville en quête de tout ce qui est fraîcheur.


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