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L'inextricable code des marchés publics 2010
Idées-débats : les autres articles
Publié dans El Watan le 28 - 02 - 2011

La réglementation des marchés publics, communément appelée code des marchés publics, promulguée récemment par le décret présidentiel n° 10-236 du 7 octobre 2010, pose à ce jour de très nombreux questionnements touchant aux conditions d'application effective de certaines de ses dispositions controversées, et en l'occurrence celles formulées par les articles 24 et 52.
Ces articles ont introduit des dispositions nouvelles excessives dans leur formulation et draconiennes dans leurs exigences, tout en étant totalement étrangères et incompatibles avec le domaine des marchés publics qui ont pour effet d'accroître en particulier les difficultés de satisfaire aux conditions d'éligibilité des candidats à répondre aux appels d'offres tant nationaux qu'internationaux.
La présente contribution se propose, donc, d'apporter un éclairage sur le sujet par l'énoncé des écueils insurmontables et kafkaïens créés par ces articles, qui, en l'état actuel, exacerbent une pratique en la matière, déjà très complexe, en la rendant franchement inextricable et risquée à assumer par l'opérateur.
Approche de la problématiques des articles 24* et 52* (cf. textes du contenu en infra)
Avant la promulgation du décret présidentiel n°l0-236 du 7/10/2010, lorsqu'un opérateur public (dit service contractant, maître d'ouvrage ou pouvoir adjudicataire) lance un appel d'offres, il met à la disposition des soumissionnaires un dossier ou un cahier des charges de l'appel d'offres, dont tous les éléments se rapportent strictement aux conditions intrinsèques qui permettent aux candidats qui y adhèrent d'établir leurs offres de soumission pour la réalisation et la mener à bonne fin de l'opération concernée.
Ce dossier contient, notamment, des critères objectifs et précis prédéfinis, spécifiques à chaque opération qui ressortissent de la compétence de l'opérateur public dont ceux essentiels qui visent, en particulier, les conditions d'éligibilité des soumissionnaires et de recevabilité des plis, d'une part, ainsi que ceux nécessaires pour l'analyse et les évaluations technique et financière des offres pour le choix du soumissionnaire attributaire final, d'autre part.
De leur côté, les soumissionnaires sont tenus de répondre complètement aux termes du cahier des charges et de satisfaire notamment aux conditions et critères d'éligibilité qui y sont énoncés dans le délai règlementaire fixé, généralement court et tendu, dit «délai de préparation des offres» qui est fonction de l'importance et de la complexité de l'opération. L'article 24 bouleverse complètement cette procédure bien établie qui est tout à fait conforme aux normes professionnelles ainsi qu'à la législation et réglementation en vigueur, en imposant, dorénavant, à l'opérateur public une démarche inédite, consistant à inclure dans le dossier d'appel d'offres international une clause d'obligation pour les soumissionnaires étrangers de souscrire, en concomitance, dans leurs offres de réponse, à un engagement d'investir dans le cadre d'un partenariat, dans le même domaine d'activité concerné par l'appel d'offres, et ceci, dans le court laps de temps imparti par le délai de préparation des offres tel qu'indiqué ci-dessus, avec une entreprise de droit algérien dont le capital est détenu majoritairement par des nationaux résidents.
Ceci, sachant qu'à ce stade et en premier lieu, les deux parties strictement concernées, à savoir l'opérateur public d'un côté et les soumissionnaires de l'autre, ignorent absolument tout, même pour ce qui est de l'existence éventuelle du (ou des) dit(e)s partenaire(s) futurs bénéficiaires de cette nouvelle formule ; et en second lieu, lesdits partenaires nationaux qui, par ailleurs, n'ont aucun rapport avec l'opération concernée, eux-mêmes ne devraient pas, a priori, savoir au niveau de quels appels d'offres ils auraient été éventuellement incorporés étant donné l'absence de lien évident entre les uns et les autres au niveau de la rédaction actuelle de l'article 24. Quant à l'article 52, il énonce une kyrielle d'interdictions d'accès et d'éligibilité à soumissionner aux marchés publics, dont certaines font double emploi avec celles existantes déjà quand d'autres sont sujettes à caution dans la justification de leur formulation dans la réglementation.
Le problème de ce second article est que les interdictions qui y sont édictées (voir commentaires plus loin) s'enchevêtrent et se rajoutent aux complications de l'article 24 précédent, d'une part, et à une interdiction supplémentaire définie par l'article 61, d'autre part, toujours à propos des conditions d'éligibilité et, donc, d'accès aux marchés publics. Ceci étant, les éléments développés ci-après vont permettre de cerner les implications des exigences de l'article 24, conjuguées avec les interdictions de l'article 52 sur la faisabilité et la réussite de l'appel d'offres lancé par l'opérateur public en termes de résultat final, c'est-à-dire consistant à déclarer un soumissionnaire attributaire définitif du marché public, objet de l'appel d'offres lancé.
Les implications de l'article 24 :
Ces implications sont de deux natures :
- les premières se rapportent à sa formulation et aux conséquences de celle-ci sur la question essentielle de l'éligibilité des candidats à soumissionner aux appels d'offres internationaux des marchés publics (point 1) ;
- les autres concernent les aspects qui mettent en cause l'opportunité de son contenu tel dans la réglementation des marchés publics (points 2 à 6).
1) La question de l'éligibilité des candidats à soumissionner aux appels d'offres
On peut remarquer tout d'abord que cet article semble s'adresser directement aux candidats en tant que futurs soumissionnaires en confinant l'opérateur public au rôle de simple agent de liaison, non formellement concerné ni partie prenante dans le projet de partenariat qui est recherché, qui se trouve seulement chargé de la mission de leur transmettre dans son cahier des charges les conditionnalités d'éligibilité qui y sont édictées liées audit partenariat.
A ce titre, et en vertu du devoir de transparence légalement requis en la matière (art.9 de la Loi 06-01), l'opérateur public doit, donc, transcrire intégralement le contenu de cet article 24 dans la note d'instructions aux soumissionnaires (ou règlement d'appel d'offres) incluse dans le cahier des charges de l'appel d'offres. Ces derniers sont, en effet, en droit de prendre connaissance, au préalable, des tenants et aboutissants, des avantages et des sanctions de l'obligation à laquelle il leur est exigé de souscrire.
Dès lors, il leur sera loisible d'apprécier le «ton» inhabituel et détonnant peu amène avec lequel est exprimée cette exigence par fort martèlement de termes péremptoires et martiaux (doit répéter trois fois ; obligation, engagement) et les menaces de sanctions (rejet de l'offre, non-respect, résiliation, pénalités exorbitantes, faillite, inscription sur une liste noire), alors que ni l'opérateur ni le soumissionnaire n'ont encore conclu quoi que ce soit. Ces «injonctions» à l'adresse des soumissionnaires qui à l'évidence expriment un volontarisme d'emblée irréaliste heurtent les principes philosophiques dont s'inspire l'objet de la réglementation ; celle-ci est, en effet, destinée à l'opérateur public qui doit y trouver les procédures et obligations réglementaires qui lui permettent de préparer son cahier des charges et de les répercuter de façon cohérente et selon leurs natures dans les différentes pièces correspondantes de celui-ci, qui sont : soit la note d'instructions, soit le contrat, soit toute autre pièce appropriée.
De plus, lesdites injonctions semblent assigner au respect de cet article une obligation impérieuse de résultat que le soumissionnaire étranger est, donc, tenu de satisfaire en priorité en lui conférant, ainsi, la primauté d'éligibilité sur toutes les autres qui ressortissent des pièces obligatoires à fournir dans l'offre qui sont au nombre d'une cinquantaine, à savoir : au moins une vingtaine anciennement exigible, plus la déclaration de probité et l'attestation de dépôt des comptes sociaux, plus les onze situations d'exclusions de l'article 52 et les interdictions de l'article 61 sans omettre les critères techniques et financiers propres à l'opération.
Au final, les conditions de cet article 24, plus celles des articles 61 et 52, qui couronnent cette longue liste, constituent un premier sous-cahier des charges, exorbitant, qui se focalise davantage sur une énumération d'un nombre si élevé de cas d'inéligibilités à participer qu'il paraît vain de lancer un appel d'offres international qui s'en trouvera conséquemment voué à l'échec, au préjudice de l'opérateur public et ce, pour au moins trois raisons :
- l'aspect dissuasif pour les soumissionnaires ;
- la menace de sanction de rejet inévitable des offres des soumissionnaires étrangers qui n'ont pas souscrit d'engagement ;
- la quasi-impossibilité de mettre en œuvre toute autre procédure de rattrapage de l'appel d'offres, même en le déclarant infructueux.
Car, dans ce cas, la relance de l'appel d'offres fait revenir au même point, tandis que la passation d'un marché de gré à gré simple ou d'un marché de gré à gré après consultation qui sont des formes également soumises au respect de l'obligation de l'article 24 (cf. art.27, alinéa 3) ramènent la situation à la case départ. De toutes les manières, la deuxième forme, de passation de gré à gré après consultation, telle qu'actuellement conçue par cette dernière réglementation, va conduire l'opérateur à tourner en rond sans aucune possibilité de s'en sortir.
Enfin, il se trouve qu'en plus d'enfermer l'opérateur public dans un labyrinthe, le verrouillage de l'accès à participer à l'appel d'offres qui résulte de cet article 24 fait, en outre, perdre tout son sens, si ce n'est qu'il crée une situation d'infraction à la notion de liberté d'accès et de large concurrence prônée notamment et par la loi 06-01 (art. 9) et par la réglementation (art.3).
Il résulte de l'analyse qui précède que les termes de cet article 24 imposent un partenariat forcé à partir de données non définies sous peine d'inéligibilité et donc d'exclusion de participer aux appels d'offres et sans tenir compte de l'intérêt de l'opération concernée. Les conséquences prévisibles entraînées seraient, sans doute aucun, de très fortes probabilités que toutes les réponses aux appels d'offres internationaux lancés dans ces conditions passeront définitivement «à la trappe» après avoir été déclarées infructueuses pour cause d'inéligibilité consécutives à l'impossibilité de satisfaire à l'engagement d'investir édicté par l'article 24 ou d'y trouver des issues et qu'ainsi, tout le travail colossal de préparation desdits appels d'offres n'aura servi à rien et ce, sans compter les conséquences négatives pour l'opération en question.
2) Le contenu de cet article est antinomique avec la notion originelle «des marchés publics» régis tels par la réglementation du même nom :
- qu'est ce qu'un marché public ? Le marché public est défini par deux éléments
essentiels : *la nature de l'opération (fonctionnement ou investissement) qui est fixée exclusivement par l'Etat pour répondre à un besoin exprimé et déterminé d'ordre technologique, économique, social, culturel,… nécessaire à la population.
*le budget de financement de l'opération qui est alloué également exclusivement par l'Etat sur les fonds publics.
Conformément à la réglementation, les cahiers des charges ne doivent, donc, contenir que les conditions dans lesquelles est passé et exécuté le marché public spécifique de l'opération précédemment définie en vue de satisfaire le besoin exprimé dans le cadre du budget alloué.
L'intermédiation assignée par l'article 24 à l'opérateur public dans la promotion de ce type de partenariat triangulaire n'a pas de justification réglementaire établie ni avec le besoin exprimé, ni avec le budget alloué, ni avec la définition de l'opération, ni, enfin, avec les conditions de réalisation du marché. En définitive, l'obligation d'insérer cette disposition, même pour la forme, sachant son résultat aléatoire met l'opérateur public en porte-à-faux par rapport aux sanctions de la loi 06-01.
3) Un marché public ne peut constituer, par le biais d'un appel d'offres, la base d'un partenariat «triangulaire» : ceci pour plusieurs raisons parmi lesquelles nous en évoquerons deux :
* un marché public régit une opération spécifique ponctuelle et limitée dans le temps consécutivement à un appel d'offres. La «durée de préparation des offres» relativement courte «qui est impartie pour y répondre ne peut s'accommoder d'une interférence extérieure susceptible d'en entraver le déroulement et en particulier, dans le cas de figure, de l'accomplissement d'une action parallèle de mise en place d'un partenariat industriel qui est une œuvre de longue haleine exigeant beaucoup de temps de maturité, et encore lorsque toutes les données pour ce faire sont mises à la disposition des soumissionnaires dans le même dossier d'appel d'offres, ce qui est loin d'être le cas actuellement.
Le dilemme qui se pose pour le service contractant qui a lancé l'appel d'offres est de savoir si les soumissionnaires vont se concentrer et consacrer la durée de préparation pour répondre correctement à l'appel d'offres qui est la mission essentielle qui est attendue de leur part, ou bien s'occuper d'étudier le partenariat et si celui-ci ne peut satisfaire aux exigences draconiennes de l'article 24, les amener fatalement à renoncer d'y répondre et faire échouer toute l'opération.
* Un marché public est, par définition, un contrat synallagmatique et d'adhésion autonome spécifique à l'opération qui définit les relations contractuelles entre deux parties dont, notamment, la clause de révocation et les pénalités qui sont du ressort exclusif du service contractant et du cocontractant. Les implications de l'article 24 dénaturent complètement cette définition juridique fondamentale universelle par l'introduction de plusieurs autres tierces parties, non parties au contrat qui seraient, en l'occurrence, et d'un côté, une autorité, a priori non identifiée, qui s'immisce en décidant unilatéralement et indépendamment de leur volonté de résilier et d'appliquer des pénalités, sans se référer à des clauses contractuelles, et de l'autre un hypothétique partenaire de droit algérien dont le service contractant ignore tout, totalement étranger au marché de surcroît, mais qui peut en définitive faire «capoter» l'appel d'offres concerné tout simplement parce que des exigences et des circonstances de tout ordre qui échappent à l'objet du marché n'ont pu faire aboutir un éventuel partenariat dans le très court laps de temps règlementaire de préparation des offres.
Cette intrusion inappropriée est exprimée avec un surréalisme effarant par le biais de la menace brandie d'appliquer sur un marché qui n'existe pas encore un montant de pénalités (20%), jamais observé dans le domaine, laissant supposer que même dans le meilleur des cas, où un soumissionnaire étranger a souscrit à l'engagement d'investir, puis a été retenu en tant qu'attributaire du marché, il finira par être rattrapé par la sanction de l'article 24 s'il advient, par malheur, que pour des raisons indépendantes de sa volonté, le partenariat n'a pu être concrétisé.
4) Les domaines des «marchés publics» et celui du «partenariat industriel» traitent chacun de spécialités entièrement séparées, comme le montre la brève comparaison esquissée ci-après.
Ces deux domaines font intervenir des profils et champs de compétence spécifiques différents, obéissent à des séquences totalement incomparables et font appel à des prérequis de toutes natures aux antipodes dont l'évocation complète dépasse très amplement le cadre de la présente contribution. Dans ce contexte, on observera simplement que si du côté de l'opérateur public, à la rigueur, le lancement d'un appel d'offres international peut être assumé par une simple équipe de techniciens, il n'en est pas du tout de même du côté du soumissionnaire à qui il est imposé de prendre des décisions relatives à l'investissement qui relèvent de niveaux hiérarchiques supérieurs et de centres de décision autrement plus complexes et, en tous les cas, difficiles à actionner dans des délais compatibles avec la durée courte impartie pour la préparation des offres.
- dans un marché public : il ressortit très explicitement de la législation et réglementation en vigueur que le champ de compétence et de responsabilité de l'opérateur public se circonscrit au contenu du cahier des charges dont il assume la parfaite maîtrise des éléments qui concourent à sa préparation et à l'exécution de l'opération concernée. L'opérateur public ne peut du jour au lendemain ingérer et insérer des éléments étrangers à cette opération dont les implications échappent à son contrôle notamment.
- dans un partenariat : c'est un ensemble de prérequis mutuellement exigibles entre les futurs partenaires dont le premier est l'existence de la plateforme industrielle et l'exercice effectif de l'activité considérée, puis la disponibilité et la garantie de fiabilité des données de base indispensables, telles que l'étude de marché du produit ou du service, la définition du ou des produits ou services envisagés, les études de rentabilité, d'investissements, les périodes de retour d'investissement, le montage financier, le business plan, etc. Les questions de financement, de répartition de l'actionnariat, etc. et les lois et règlements du pays sur le sujet : lois sur l'investissement et les avantages consentis dans ce cadre, sur la fiscalité, sur le transfert des bénéfices, sur le travail, sur les assurances, sur le foncier, sur le commerce, etc.
Lorsque les meilleures conditions précédentes se trouvent réunies, un partenariat monté directement entres des parties concernées qui se connaissent et manifestent une forte volonté d'aboutir peut mettre des années avant d'arriver à maturité pour permettre seulement de procéder à son lancement effectif.
Ce qui a amené la question pertinente de l'utilité et de l'apport de l'article 24 : si ces meilleures conditions, qui n'y apparaissent pas, sont réunies de la part de l'entreprise de droit algérien, celle-ci ne devrait pas en avoir besoin pour monter son partenariat ; si, par contre, ces conditions ne sont pas réunies, l'article 24 ne peut constituer la solution miracle pour les créer par le simple fait de l'inclure dans le cahier des charges de l'appel d'offres.
5) Les incompatibilités des textes relatifs à l'investissement
Cet article 24 renvoie implicitement à l'ordonnance n°l-03 du 20 août 2001 relative au développement de l'investissement et de façon particulière et en plus proche dans le temps à l'article 58 de la LFC 2009 et l'article 55 de la LFC 2010. Le rapprochement de leurs contenus va mettre en lumière, encore plus, les difficultés d'interprétation et d'application de l'article 24.
Les alinéas de l'article 58 de la LFC 2009 (26/07/2009), qui se rapportent à la question d'investissements étrangers en partenariat dans les «activités économiques de production de biens et services», stipulent ce qui suit :
- Alinéa 2 : «Les investissements étrangers ne peuvent être réalisés que dans le cadre d'un partenariat dont l'actionnariat national résident représente 51% au moins du capital social.»
- Alinéa 4 : «Tout projet d'investissement étranger direct ou d'investissement en partenariat avec des capitaux étrangers doit être soumis à l'examen préalable du conseil national de l'investissement visé à l'article 18 ci-dessous.»
- Alinéa 5 : «Les investissements étrangers directs ou en partenariat sont tenus de présenter une balance en devises excédentaire au profit de l'Algérie pendant toute la durée du projet. Un texte de l'autorité monétaire précisera les modalités d'application du présent alinéa.»
- Alinéa 6 : «Les financements nécessaires à la réalisation des investissements étrangers, directs ou en partenariat, à l'exception de la constitution du capital, sont mis en place, sauf cas particulier, par recours au financement local. Un texte réglementaire précisera, en tant que de besoin, les modalités d'application des présentes dispositions.»
Quant à la loi de finances complémentaire pour 2010 (29/08/2010), l'article 55 qui est consacré stipule ce qui suit :
«Les cahiers des charges des appels d'offres internationaux doivent prévoir l'obligation, pour les soumissionnaires étrangers, d'investir dans le cadre d'un partenariat, dans le même domaine d'activité avec une entreprise de droit algérien, dont le capital est détenu majoritairement par des nationaux résidents. Les modalités d'application des dispositions du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par arrêté conjoi nt du ministre chargé des Finances et du ministre chargé du Commerce».
Quelles sont les incompatibilités des extraits qui précèdent avec l'éventualité de l'application de l'article 24 ? Il y a lieu d'observer une première incompatibilité majeure entre la nature de l'investissement objet des textes ci-dessus et une opération de «marché public» : en effet, ces textes concernent l'investissement dans les activités économiques de production de biens et services qui sont, implicitement, à destination marchande. Or, les soumissionnaires aux marchés publics, notamment de travaux, d'études ou de prestations n'ont pas vocation à pratiquer dans ce domaine qui n'est pas leur métier, d'une façon générale. Sur un autre plan et en référence à la pratique de l'appel d'offres international, l'opérateur public, qui doit mettre à la disposition du soumissionnaire toutes les informations relatives à l'engagement que ce dernier aurait à souscrire, s'obligera normalement à adjoindre un deuxième sous-cahier des charges à insérer dans le cahier des charges principal (le premier, étant comme décrit au chapitre 1) ci-dessus, celui relatif aux conditions d'éligibilité) qui devrait comprendre notamment :
- l'ordonnance n° 01-03 du 20/08/2001, modifiée et complétée ;
- l'article 58 de la LFC 2009 et essentiellement les deux textes d'applicatio, qui y sont énoncés, à savoir celui émanant de l'autorité monétaire et celui du ministre chargé des Finances ;
- l'arrêté interministériel (Finances-Commerce) précisant les modalités d'application de l'article 55 de la LFC 2010.
- la liste non limitative d'entreprises de droit algérien, dont le capital est détenu majoritairement par des nationaux résidents et susceptibles de concrétiser le partenariat avec le soumissionnaire étranger, qu'il appartient exclusivement à l'Autorité habilitée à cet effet, d'établir et de diffuser, préalablement, aux opérateurs publics.
Or, il apparaît, clairement, que ni ces textes d'application ni cette fameuse liste sans quoi rien ne peut se faire, n'existant pas encore, constituent, donc, la deuxième incompatibilité de l'article 24 avec les impératifs qui sont attachés à l'objet économique et règlementaire d'un appel d'offres international.
6) Incompatibilités de l'article 24 avec l'article 59 de la réglementation relatif aux groupements temporaires d'entreprises
Il va de soi que les clauses incitatives de l'article 23 de la réglementation des marchés publics, qui a porté la marge de préférence nationale à 25% devrait, en principe, faire privilégier, dans un appel d'offres international d'importance, la constitution d'un groupement temporaire d'entreprises (pour la durée d'exécution d'une opération). Le montage de tels groupements très courant dans le domaine des marchés publics, y compris en Algérie, répond à la définition du partenariat consensuel entre des entreprises étrangères et des entreprises de droit algérien exerçant dans la même activité évidemment. Malheureusement, l'article 24, dans sa formulation généralisante actuelle, constitue au mieux un double emploi dans la promotion du partenariat par le biais de la réglementation et au pire le facteur bloquant, en raison, notamment, des confusions d'interprétation de la part de fonctionnaires non avertis qui pourraient exiger sa stricte application des entreprises étrangères, parties au groupement, et réserver, ainsi, par extension, aux offres des groupements le même sort de rejet.
Commentaires de l'article 52 :
Cet article émet 11 cas d'exclusions à participer aux marchés publics, au sujet desquelles on remarquera ce qui suit :
- il y a confusion entre l'opérateur personne physique (réf. «fausse déclaration») et l'opérateur personne morale (réf. «décisions de résiliation aux torts exclusifs») ;
- cinq cas d'exclusions (alinéas 1, 2, 3, 4 et 5), qui sont de la compétence du service contractant, parce que «vérifiables», existent déjà en étant pris en charge par la déclaration à souscrire, le casier judiciaire du dirigeant, la déclaration de probité, l'extrait de rôle, l'attestation de dépôt des comptes sociaux, etc. ;
- les six nouveaux cas d'exclusion (alinéa 6 à 11) sont irréalistes parce qu'ils se rapportent à l'histoire (ou «le casier judiciaire» si l'on veut) de l'entreprise personne morale soumissionnaire avec d'autres administrations non identifiées.
En tout état de cause, ces dernières exclusions dépassent les prérogatives de vérification et d'investigation du service contractant, et ne relèvent ni de sa compétence ni de sa responsabilité. En outre, elles ne sont d'aucun apport appréciable, par rapport à ce qui existe déjà, ni dans le cadre de mesures de prévention et de lutte contre la corruption ni en termes de critères objectifs d'éligibilité à participer aux marchés publics qui caractérisent le soumissionnaire en temps réel au moment de la remise des offres, et non pas dans 1'histoire de ses relations avec d'autres administrations.
Conclusion :
A) Concernant l'article 24
1) Postulat de base : l'entreprise soumissionnaire (entreprise seule ou en groupement temporaire d'entreprises ; cf. art 59 de la réglementation) à un marché public (de travaux, d'études, de prestations de service ou de fournitures courantes) postule pour réaliser, en une seule séquence, pour le compte d'un maître d'ouvrage, une opération déterminée dans le temps, dans l'espace et dans le coût. Une telle entreprise n'a pas vocation à investir. En conséquence :
- assimiler une telle entreprise à un investisseur assujetti à l'article 58 de la LFC 2009 (entité de production de biens et services marchands ; 51/49%) est une erreur d'appréciation majeure (cf. cas KEOLIS/Entreprise Métro d'Alger). A cet égard, les Autorités publiques seraient bien avisées de mettre un terme à cet imbroglio en faisant la mise au point nécessaire pour clarifier officiellement et définitivement la question auprès des institutions chargées de la délivrance du registre du commerce ;
- mettre une telle entreprise dans l'obligation de souscrire aux conditions de l'article 24 est inapproprié et contreproductif pour les raisons développées ci-avant.
2) les pistes de traitement de l'article 24 : il est tout à fait légitime que l'Etat se fixe l'objectif de promouvoir le partenariat industriel par tous les moyens disponibles et, notamment, par le biais des «marchés publics». A cet égard, le contenu de cet article devrait être aménagé de façon à s'affranchir de toutes les anomalies relevées ci-dessus, en exprimant non pas la recherche d'un partenariat forcé (cf. avant-dernier alinéa de 1) ci-dessus), mais un partenariat d'adhésion où l'opérateur public trouve également ses propres intérêts pour réaliser son opération. Cet l'article 24 devrait être simplifié comme suit :
− il ne doit porter que sur les opérations d'acquisition d'équipements seuls ou avec prestations de service d'accompagnement (assistance technique, montage, formation, service après-vente, etc.) de montants importants (supérieurs à 1 milliard de dinars au minimum) ;
- la nature de ces équipements doit justifier le bien-fondé de l'investissement par «l'effet d'échelle», le transfert de technologie et l'accroissement progressif du taux d'intégration nationale au cours de la montée en cadence de production, de façon à se substituer en final à l'importation desdits équipements et d'autres considérations technologiques, technicoéconomiques ou autres, comme requis par toute décision d'investissement ;
- que l'opérateur public, émetteur de l'appel d'offres, soit une partie prenante majeure du partenariat (cf. point 1 ci-dessus).
Cette dernière condition est essentielle dans l'esprit de la réglementation des marchés publics, qui prescrit que le service contractant doit maîtriser tous les éléments nécessaires pour la préparation du cahier des charges ainsi que pour le suivi et la réalisation complète de l'opération concernée.
A partir de l'adoption de cette formulation simplifiée, il y aurait lieu, évidemment, d'expurger tous les autres articles de la réglementation des conditionnalités de l'article 24 et, notamment, du mode de passation qui devient, dès lors, de la compétence de l'opérateur public.
B) Concernant l'article 52 :
- Les six nouveaux cas d'interdiction de participer ne sont ni de la compétence ni de la responsabilité de l'opérateur public qui est dépourvu de moyens pour vérifier l'occurrence, l'existence ou la véracité des causes d'exclusions incriminées ni dans le sens favorable aux soumissionnaires ni à leur désavantage. De plus, elles mettent l'opérateur public dangereusement en porte-à-faux par rapport aux sanctions éventuelles prévues par la loi 06-01, au cas où de tels cas se révéleraient, notamment, à l'occasion d'un incident quelconque lors du déroulement de l'opération. Ces cas d'exclusions devraient être, donc, rapportés, et la liste prévue à l'article 61 devrait être également portée à la connaissance des opérateurs par tous les moyens appropriés (site du ministère des Finances, JO, Bomop...).

Texte de l'article 24 :
«Les cahiers des charges des appels d'offres internationaux doivent prévoir l'obligation, pour les soumissionnaires étrangers, d'investir dans le cadre d'un partenariat, dans le même domaine d'activité, avec une entreprise de droit algérien, dont le capital est détenu majoritairement par des nationaux résidents.
Le dossier d'appel d'offres doit contenir une liste non limitative d'entreprises, telle que définie à l'alinéa précédent, susceptible de concrétiser une opération de partenariat avec le soumissionnaire étranger. L'offre du soumissionnaire étranger doit comporter, sous peine de rejet de son offre, son engagement à satisfaire l'obligation citée à l'alinéa 1er ci-dessus.
Le non-respect, par le soumissionnaire étranger, de l'engagement sus-cité, entraîne :
- la résiliation du marché si, avant sa concrétisation, le partenariat n'est pas mis en œuvre ;
- le cas échéant, l'application de pénalités financières pouvant aller jusqu'à 20% du montant du marché.
Texte l'article 52 :
Sont exclus, temporairement ou définitivement, de la participation aux marchés publics, les opérateurs économiques :
- en état de faillite, de liquidation, de cessation d'activités, de règlement judiciaire ou de concordat ;
- qui font l'objet d'une déclaration de faillite, de liquidation, de cessation d'activités, de règlement judiciaire ou de concordat ;
- qui ont fait l'objet d'un jugement ayant autorité de la chose jugée et constatant un délit affectant leur probité professionnelle ;
- qui ne sont pas en règle avec leurs obligations fiscales et parafiscales ;
- qui ne justifient pas du dépôt légal de leurs comptes sociaux ;
- qui ont fait une fausse déclaration ;
- qui ont fait l'objet d'une résiliation aux torts exclusifs, par des maîtres d'ouvrages, après épuisement des procédures de recours prévues par la législation et la réglementation en vigueur ;
- inscrits sur la liste des opérateurs économiques interdits de soumissionner aux marchés publics, prévue à l'article 61 du présent décret ;
- inscrits au fichier national des fraudeurs, auteurs d'infractions graves aux législations et réglementations fiscales, douanières et commerciales ;
- qui ont fait l'objet d'une condamnation pour infraction grave à la législation du travail et de la Sécurité sociale ;
- étrangers attributaires d'un marché, qui n'ont pas respecté l'engagement défini à l'article 24 du présent décret ;
Les modalités d'application des dispositions du présent article sont précisées par arrêté du ministre chargé des Finances.
Note :
La locution «Opérateur public» employée dans la présente contribution s'applique également à L'EpE. Les marchés passés par l'EpE étant également des «marchés publics» au sens de la loi 06-01, en considérant la différence que dans ce cas l'objet et le financement du marché, sont respectivement définis et assurés par l'EpE aux lieu et place de l'Etat (cf. §2 ci-dessus).


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