Le départ, vendredi dernier, des 12 hauts cadres dirigeants expatriés, à leur tête Vincent Legouic, le PDG du complexe ArcelorMittal d'El Hadjar, pour une durée indéterminée, a créé un séisme au niveau de la tutelle du secteur économique. Selon des sources proches de ce dossier, le holding ne s'attendait pas à ce que le staff dirigeant du complexe abandonne l'usine sans donner la date de son retour. En effet, la direction générale est quotidiennement assaillie par les appels émanant du ministère de l'Industrie et du holding à l'affût de la moindre information ayant trait au retour des cadres dirigeants expatriés. Parallèlement, le complexe a repris son activité de production de l'acier. L'usine, dont les accès avaient été bloqués depuis mercredi dernier, a été finalement libérée suite à l'intervention des éléments de la gendarmerie pour rétablir la circulation des travailleurs et des marchandises. Cependant, les perturbations sont toujours de mise. Hier, une quarantaine de travailleurs d'une entreprise sous-traitante au port de Annaba ont bloqué le chargement d'un navire en gueuses (produit sidérurgique brut) destinées à l'exportation. Bien qu'ils n'aient aucune relation de travail avec ArcelorMittal El Hadjar, ils ont exigé l'augmentation de leur salaire de la direction du complexe. «Même les ouvriers d'ArcelorMittal El Hadjar, appelés pour assurer le chargement de ce navire, ont été empêchés par les travailleurs manifestants. En fin d'après-midi, le navire n'avait pas encore été chargé», a déploré Mohamed Guedha, directeur général par intérim. Cette manifestation et tant d'autres sont devenues récurrentes, affectant considérablement la production et la sécurité dans l'usine. Dans un communiqué rendu public avant-hier, le syndicat lance un appel aux autorités locales pour que «le complexe et ses accès soient sécurisés car l'entrave au travail est un délit grave et condamnable». L'abandon du complexe par ses dirigeants à ce moment précis n'est pas fortuit. Il en dit long sur l'état d'esprit de ces responsables étrangers confrontés quotidiennement à des situations qualifiées d'«ingérables». Depuis leur arrivée en Algérie en 2001, jamais le complexe d'El Hadjar n'a atteint sa capacité théorique de production d'acier liquide, estimée théoriquement à 2 millions de tonnes/an. Le partenaire social est allé plus loin en imputant cette grave situation à «des agissements de forces occultes externes à l'usine dérangées par le lancement d'un plan d'investissement de 500 millions d'euros assurant, pour plusieurs décennies, la viabilité de l'outil du travail et ses postes d'emploi. Ces manœuvres tentent également de perturber les négociations prévues dans les prochains jours entre le partenaire social et la direction générale portant sur le dossier des salaires». Smaïl Kouadria, le secrétaire général du syndicat d'entreprise, a tenu à rappeler aux travailleurs, dans un document rendu public à l'issue d'un conseil syndical extraordinaire que «Sidi Saïd, le patron de l'UGTA, et les pouvoirs publics se sont déclarés officiellement partie prenante du dossier relatif à l'investissement de 500 millions d'euros et se sont engagés à l'accompagner pour sa mise en œuvre effective. D'autant plus qu'il vise la réfection des installations du complexe pour l'augmentation de ses capacités de production». Cependant, le climat délétère et l'insécurité qui caractérisent encore le complexe, générant «la fuite» des étrangers, sont en train de compromettre tout élan de relance effectif. D'aucuns se demandent d'ailleurs si toute cette agitation ne vise pas à remettre en cause le partenariat avec le géant indien de l'acier.