Finalement, et après intervention de la gendarmerie, sur ordre du chef de l'exécutif de wilaya d'Annaba, les accès du complexe sidérurgique, bloqués depuis mercredi passé par les travailleurs, à l'aide de bus et autres barricades, ont été libérés et tout est rentré dans l'ordre. Cependant, cette situation, qui n'est pas la première, puisque par le passé, et à plusieurs reprises, les mêmes incidents ont eu lieu, a amené les responsables du complexe à prendre la décision — pour le moins inattendue — de quitter les lieux et rentrer en France. Ils sont douze hauts cadres français, y compris le directeur général, M. Vincent Legouic, à prendre l'avion, il y a deux jours, “officiellement pour consultation”, comme rapporté par les uns et les autres. Selon des indiscrétions, ces responsables, qui ont eu à gérer bien des conflits, qu'ils soient en relation avec la direction ou d'autres ayant trait à des affrontements entre travailleurs pour le contrôle du syndicat de l'entreprise, n'en peuvent plus et ne veulent plus être aux commandes d'un complexe qui, à ce jour, n'a jamais atteint les objectifs arrêtés selon les différents business plan des années précédentes. Grèves à répétition, problèmes d'arrêt d'installations, scandales, détournements et autres ont influé négativement sur le bon fonctionnement d'une usine qui faisait la fierté de l'Algérie en matière de sidérurgie. Sans cadres, le complexe, aujourd'hui, a à sa tête M. Guedha, chargé de la communication. Ce dernier assure l'intérim pour une période indéterminée, une situation qui n'est, en aucun cas, à l'avantage de l'usine qui, normalement, devrait être gérée par un spécialiste qui connaît tout le processus pour intervenir en cas de besoin. Le syndicat d'entreprise, qui a réuni son conseil pour étudier la situation, était, hier, en session extraordinaire aux fins de trouver une solution rapide à ce problème qui ne s'est jamais posé auparavant. Dans une déclaration à Liberté, peu avant la tenue, hier dans l'après-midi, d'un conseil entre le syndicat et le comité de participation, le secrétaire général du syndicat du complexe sidérurgique d'El-Hadjar, Smaïn Kouadria, a annoncé que “l'usine a démarré dans de bonnes conditions et que la situation est revenue à la normale”. En effet, l'usine a repris son activité sous l'impulsion du syndicat d'entreprise et de son comité de participation. Ces derniers ont tenu, hier, un conseil à l'issue duquel ils ont appelé les travailleurs à ne pas tomber dans les filets de la manipulation. Smaïn Kouadria, à sa sortie du conseil, a déclaré : “La méfiance est de mise. Il y a des forces extérieures qui agissent contre des intérêts de notre usine et de ceux des travailleurs. Sinon, comment expliquer que ces perturbations ont coïncidé avec l'annonce, par notre employeur, d'un plan d'investissement de 500 millions d'euros. Un plan qui a été immédiatement lancé par l'injection de 264 millions DA représentant les coûts d'acquisition et de montage du convertisseur n° 3 de l'aciérie à oxygène n°1. À ce moment précis, plusieurs grèves se sont déclenchées pour bloquer l'accès des travailleurs à leur atelier, poussant ainsi notre directeur général à quitter le pays avec toute son équipe. La paix sociale dans notre usine, et encore plus, l'amélioration de la production sont visées.” Aujourd'hui, beaucoup d'observateurs, à Annaba, qualifiant la situation à ArcelorMittal “d'ingérable”, estiment que l'abandon du navire en détresse par le staff dirigeant en dit long sur le climat délétère et de terreur que vit le complexe et, surtout, l'état d'esprit de ces responsables français confrontés parfois à l'insécurité, voire aux menaces proférées à leur encontre depuis qu'ils ont été placés à la tête du complexe sidérurgique d'El-Hadjar. Ce dernier a été, durant 2009 et 2010, l'objet de perturbations qui ont failli le mettre en faillite, notamment durant les conflits ayant opposé le syndicat à la direction et, surtout, celui entre les représentants syndicaux. Mais, la dernière action de grève entreprise par les travailleurs de la sous-traitance, dont la principale revendication était leur intégration parmi les personnels d'ArcelorMittal, qui n'ont aucun rapport avec le complexe sidérurgique, semble être la goutte qui a fait déborder le vase.