-Quel aperçu faites-vous des caractéristiques pédologiques des terres agricoles en Algérie ? L'Algérie étant un vaste pays, les caractéristiques de ses terres sont très variées de point de vue pédologique ou en minéraux. Il y a des régions riches en eaux, d'autres arides, des zones avec un taux de salinisation élevé et d'autres moins. Mais c'est une diversité extraordinaire. -Mais ces territoires vastes profitent-ils au secteur agricole ? Tout le monde se rend compte de l'énorme potentiel foncier, des terres à haute valeur, le long de la côte algérienne. Mais c'est terrible de voir autant de terres qui sont perdues au nord pour aller chercher de nouvelles terres au sud avec des investissements colossaux. Or, une gestion rationnelle du foncier agricole requiert la préservation des terres à haute valeur qui sont au nord et puis aller vers le sud pour l'extension. Malheureusement, ces dernières années, il y a des pertes massives de terres au nord et des efforts concentrés sur la mise en valeur des terres au sud, alors que la production d'un quintal de blé au Sud coûte cinq ou six fois plus qu'au Nord. -Comment estimez-vous l'introduction des fertilisants dans l'agriculture algérienne ? En règle générale, avec les engrais les productions agricoles peuvent être multipliées par cinq ou plus. En Inde, l'intensification de l'utilisation des engrais permet aux agriculteurs de tripler leurs productions de blé. En Algérie, nous avons des potentialités pour atteindre facilement les 40 quintaux par hectare. Sinon, comment se fait-il que dans une région aux Etats-Unis qui a les mêmes caractéristiques climatiques et les mêmes sols qu'une région d'Algérie les rendements atteignent jusqu'à 60 ou 70 quintaux par hectare alors qu'ici nous ne dépassons pas les 15 q/ha. Donc il y a un très grand retard que nous avons accumulé du fait que nous avons occulté l'aspect scientifique et technique de la conduite des cultures. En matière d'utilisation des engrais, nous sommes parmi les derniers dans le monde. Les classements mondiaux font ressortir que des pays comme le Guatemala nous dépassent de loin sur ce plan. Il y a quelques années seulement, l'agriculture algérienne utilise à peine 5 kg/ha de fertilisants, ce n'est que récemment que nous avons atteint les 17kg/ha et cela reste très en deçà de la norme pour prétendre atteindre le niveau garantissant la souveraineté agricole. Pour la sécurité alimentaire, nous sommes encore très loin. Donc l'Algérie a un bon potentiel agricole, il suffit de mettre les personnes qu'il faut à la place qu'il faut et suivre un itinéraire scientifique efficace pour améliorer les productions. -La communauté scientifique est-elle réellement impliquée dans le développement agricole ? Je vais surprendre peut être en avouant qu'il y a des enseignants à l'université qui ne croient même pas en le travail qu'ils effectuent. D'autres ne sont pas capables d'interpréter les résultats des analyses qui sortent du laboratoire. Ces dernières années, il y a une volonté pour renforcer le secteur agricole, mais les vrais problèmes n'ont jamais été posés. Certes, il y a eu des lois, des financements qui ont été dégagés, mais nous avons oublié que le développement agricole c'est avant tout un long processus scientifique. D'ailleurs, il faut se demander quelle est la relation entre l'université et l'agriculture ? Elle n'existe pas. Les universitaires vivent dans une bulle, ils ont quelques connaissances théoriques qu'ils vendent et ne veulent pas sortir de leur petit monde pour aller à la rencontre de l'agriculteur pour connaître la réalité du terrain. Mais ça ne peut pas continuer comme ça.