L 'Organisation internationale du travail (OIT) l'a presque prédit : le chômage massif des jeunes risque de déstabiliser toute l'Afrique du Nord. C'est déjà le cas –partiellement matérialisé – avec les révolutions tunisienne et égyptienne. Considéré comme l'un des plus élevés du monde, le taux de chômage en Afrique du Nord, une donnée structurelle, s'élevait à 9,8% en 2010, selon le dernier rapport de l'OIT, publié fin janvier dernier. Résultat : les contestations politico-sociales se sont enchaînées à un rythme effréné en Tunisie, Algérie et Egypte. Le constat de l'OIT est d'ailleurs alarmant. «Dans cette région, on retrouve les mêmes problèmes qu'avant la crise économique et le chômage des jeunes reste près de quatre fois plus élevé que celui des adultes», a indiqué au journal français Le Monde Dorothea Schmidt, spécialiste de l'OIT pour l'Afrique du Nord, basée au Caire. Qu'il s'agisse de la Tunisie, de l'Algérie, du Maroc ou de l'Egypte, les ingrédients ne manquent pas : emplois essentiellement créés dans le secteur informel, faible productivité, chômage fort des jeunes et un bon niveau d'éducation. Presque un cocktail explosif prêt à rompre les digues de la patience. «En 2010, les estimations restent très élevées en Afrique du Nord, avec 23,6% de chômage pour les jeunes contre 9,8% pour l'ensemble de la population active. Le pourcentage représentant le chômage chez les jeunes femmes est estimé à 31,5%», a ajouté Mme Schmidt. Moins d'un quart de la population totale de femmes en âge de travailler a effectivement un emploi, le potentiel que représentent les 75% restants, en mesure de contribuer à la croissance économique, n'étant pas exploité, selon l'OIT. L'absence de débouchés professionnels pour les catégories jouissant d'un bon niveau d'éducation – cas de la Tunisie, contrairement aux autres pays africains – contribue à attiser davantage les frustrations. «C'est la génération la plus éduquée qu'on ait jamais eue. Mais qu'ils aient fait des études artistiques ou d'ingénieur, ils ne trouvent pas de travail. L'absence d'écoute à leur égard est dangereuse», souligne Mme Schmidt. Ce n'est pas tout ! Pendant que de nombreux jeunes ne trouvent pas d'emploi, de nombreuses entreprises se plaignent de ne pas pouvoir trouver une main-d'œuvre qualifiée. «Ce que propose le marché du travail est très éloigné des attentes des jeunes à la recherche d'un emploi», estiment les rédacteurs du rapport de l'OIT. En somme «une génération perdue», tranche cette organisation. Pour l'essentiel, l'avenir ne s'annonce pas sous de bons augures. D'autant que les économies des pays d'Afrique du Nord s'appuient sur une seule et principale activité : le tourisme en Tunisie et en Egypte et les hydrocarbures en Algérie. La croissance pour la région était de 5% en 2010, celle de la Tunisie et du Maroc avoisinait 3,8%, selon le Fonds monétaire international (FMI), cité par l'OIT. Un des enseignements du rapport de l'OIT pour la région nord de l'Afrique est que la productivité n'augmente pas assez pour permettre une hausse importante des salaires ou encore l'expansion des systèmes de protection sociale. Pas de quoi réjouir les candidats à l'emploi. «Il faudrait que ce taux atteigne 8 à 9% pendant plusieurs années consécutives pour permettre la création d'emplois de qualité, des augmentations de salaire ainsi que la construction d'un système de protection sociale. Autant de remèdes contres les crises sociales», préconise Mme Schmidt.