Alberto Del Lungo a présenté une allocution sur la régénération des forêts en Algérie, en Egypte, au Maroc et en Tunisie par l'utilisation des eaux usées traitées dans le but de soutenir les moyens d'existence des petits propriétaires et des agriculteurs. En marge de la conférence, le fonctionnaire de la FAO a accepté de se prêter au «jeu» des questions réponses. Un grand merci à Maria Assunta Mini, traductrice, qui a rendu l'interview possible. -Est-ce qu'il n'y a pas une volonté des pays méditerranéens du Nord à freiner l'arrivée de populations d'immigrés qui fuiraient les conséquences liées à la désertification ? Certainement. Ma réponse, il ne faut pas la voir d'un point de vue négatif. Moi, je suis absolument persuadé, je ne parle pas uniquement à titre personnel, mais j'engage aussi mon organisation, que l'identité de l'être humain, on peut la sauver. Maintenant, d'un point de vue strictement personnel, qui n'engage que ma personne et pas la FAO, je suis bien plus heureux de voir un projet qui fonctionne en milieu saharien, plutôt que de voir les navires de guerre qui ont surveillé les côtes et évité le flux migratoire. -Que pensez-vous du fait que le Programme des Nations unies pour la désertification bénéficie d'un budget nettement inférieur à celui du Programme pour les changements climatiques ? C'est une réponse très difficile. On part d'un constat. Les changements climatiques causent beaucoup de problèmes, même à des endroits où ces problèmes ne s'étaient jamais manifestés avant. Et les changements climatiques sont tous les jours sous les projecteurs des médias. Cela dit, il est vrai que les changements climatiques s'attaquent avant tout aux systèmes fragiles. Les zones sahariennes sont en même temps les zones les plus fragiles et les plus frappées par ce phénomène. La différence avec d'autres milieux où les changements climatiques jouent un rôle différent. C'est pour cela que la FAO intervient dans ces milieux fragiles et particulièrement touchés. Ne peut-on pas y voir une sorte de discrimination à l'égard des pays pauvres, puisqu'il s'agit de ceux qui sont affectés par le phénomène de la désertification ?Malheureusement, l'attention des médias est surtout concentrée sur les changements climatiques. Comme il s'agit de négociations, il bénéficie donc de beaucoup de budgets. Mais la FAO reste au contraire très attachée à venir en aide à ces zones touchées par la désertification. Et il est vrai qu'il y a une sensibilité beaucoup plus forte finalement dans les pays les moins touchés de la rive nord de la Méditerranée. -Qu'a apporté pour l'Algérie la collaboration avec la Tunisie, le Maroc et l'Egypte en matière de technologies vertes ? Le projet est une collaboration entre ces pays. A la ville de Hammamet où ces pays se sont rencontrés, chacun a présenté ses exigences en matière d'utilisation des eaux épurées pour des fins agricoles. Ce qui est ressorti de cette rencontre est que ces exigences étaient différentes. L'Egypte a manifesté la nécessité d'utiliser les eaux usées épurées pour la production de biomasse ; le Maroc a manifesté la nécessité de mieux utiliser les eaux traitées pour l'agriculture ; concernant la Tunisie, c'est un pays très avancé pour l'utilisation des eaux usées traitées. Ils ont déjà un niveau de traitement et de qualité très élevé et veulent l'améliorer davantage. L'Algérie a mis en évidence le problème des oasis comme étant des environnements à équilibre très délicat. Il faut aider l'être humain à mieux vivre, voire à bien vivre. Tous ces pays veulent collaborer pour mettre à profit leurs capacités respectives. -Comment impliquer davantage les populations locales sur la question de la désertification lorsque l'on sait que les graminées, comme la Stippa stenicissima (l'apha), permettent de repousser la désertification mais sont mangées par les chèvres et les moutons ? C'est l'élément qui permet de déterminer l'échec ou la réussite d'un projet. La chose la plus importante est d'impliquer dès le départ toutes les personnes. Il faut utiliser ces eaux phytoépurées pour planter ces graminées, que ces animaux vont manger. Le principe est qu'il faut maintenir les êtres humains dans leur milieu. Si cette plante est importante pour rester sur place, il faut donc la planter. On ne peut pas imaginer de construire une oasis clôturée. Ce ne serait pas un projet durable. L'autre mot-clé est le terme agroforestier. Si nous voulons planter des arbres pour la production des biomasses au bénéfice final des gens qui vivent dans ces oasis, nous devons en même temps planter des espèces d'agriculture vivrière pour vivre et ne pas s'attaquer aux arbres que nous avons plantés. C'est difficile à réaliser concrètement, mais c'est la seule voie possible.