Le volume des eaux usées déversées dans les oueds en Algérie est estimé à 600 millions de m3 par an. Sous d'autres cieux, l'exploitation de ce type d'eau, dans l'irrigation agricole, n'est plus à démontrer. Selon les experts, pas moins de 20 millions d'hectares sont irrigués, de par le monde, avec des eaux usées traitées et épurées. Lors d'une rencontre de deux jours organisée dimanche à l'institut national des sols, de l'irrigation et du drainage (INSID), il a été mis l'accent, justement, sur la nécessité de recourir à cette eau non conventionnelle pour l'arrosage de certaines cultures et pour la réalimentation des nappes souterraines. En présence des responsables du ministère de l'agriculture, celui des ressources en eau, de l'office national de l'assainissement et de quelques agriculteurs venus de diverses régions du pays, un débat a été engagé sur la question de savoir quels sont les moyens techniques à mettre en œuvre pour parvenir à « une bonne compréhension et une bonne maîtrise des eaux usées traitées par les agriculteurs ». Il faut savoir que l'utilisation des eaux non conventionnelles dans l'irrigation obéit à des normes dictées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il n'en demeure pas moins, affirment les experts, qu'« il est très difficile de respecter le niveau de qualité exigé par l'OMS et qu'à ce titre des choix de cultures sont proposés sans porter, pour autant, atteinte à la santé humaine ». Il est ainsi possible d'utiliser l'eau usée traitée et épurée pour les cultures non destinées à la consommation, les cultures séchées avant consommation ou encore pour les fruits et légumes cultivés pour les conserves, notent les spécialistes. Tout en affirmant que les capacités de production de ce type d'eau non conventionnelle sont assez importantes et devraient augmenter au fur et à mesure que les stations d'épuration entrent en fonction, les participants à la journée d'étude d'hier ont tenu à noter cependant qu'un grand travail de sensibilisation reste à faire. A l'adresse des agriculteurs, mais aussi des consommateurs souvent sceptiques, voire effrayés à l'idée de devoir s'habituer à consommer des fruits ou des légumes irrigués avec des eaux usées, quand bien même traitées et épurées. Ils citeront l'exemple de la Tunisie qui est parvenue à intégrer la réutilisation des eaux usées épurées dans le cadre d'une politique nationale. En effet, la Tunisie est le premier pays de l'Ouest méditerranéen à avoir adopté des réglementations en 1989 pour la réutilisation de l'eau. Des 6400 ha répertoriés pour l'irrigation des eaux usées traitées en 1993, 68 % sont situés autour de Tunis. Mais le recours à ce type d'irrigation présente-t-il une quelconque menace sur la santé publique ? Selon les experts toujours, « si les règles d'hygiène et les modes d'irrigation préconisés sont respectés, il n'y a aucun risque à craindre sur la santé publique », nous dit-on. Des expériences ont été d'ailleurs menées avec succès dans certaines régions du pays, comme à Sétif où l'utilisation des eaux usées traitées est aujourd'hui bien maîtrisée mais « il manque un cadre juridique devant définir les normes propres à notre pays, les produits à cultiver et les structures chargées de la surveillance et du contrôle », relève un agriculteur de la région. C'est le cas aussi de la wilaya de Boumerdès où la station d'épuration des eaux usées déverse son eau épurée dans les oueds et ne trouve pas d'utilisateur faute d'un règlement d'utilisation claire portant notamment sur les cultures à pratiquer. C'est la raison pour laquelle les experts ont appelé hier, dans leurs recommandations, à l'élaboration d'une directive nationale impliquant tous les secteurs concernés, entre autres le ministère de l'agriculture, le ministère des ressources en eau et celui de la santé. Il y va de la préservation de nos ressources hydriques conventionnelles mais aussi de la santé publique et vétérinaire, notent enfin les spécialistes.