Le Système Comptable Financier est entré en vigueur le 1er janvier 2010 et constitue la loi comptable algérienne qui remplace l'ancien Plan Comptable National appliqué durant près de trente-quatre ans. La date anniversaire du SCF est plus d'actualité à l'heure où les entreprises arrêtent leurs comptes annuels, préparent leur déclaration fiscale annuelle et s'organisent pour leur assemblée générale lorsqu'elles sont constituées en société. Cette période est également propice au bilan de l'état d'application du SCF. Une chose est certaine, le Plan Comptable National n'est plus en vigueur Même si, tout au long de l'année 2010, de nombreux gestionnaires et comptables ont été abusés par la rumeur selon laquelle l'application du Système Comptable Financier (SCF) était reportée, la force de loi s'est appliquée avec l'ensemble des textes d'application pour faire du SCF le seul référentiel au 1er janvier 2010. Pour des raisons pratiques et souvent en retard dans l'application du SCF, de nombreuses entreprises continuent à utiliser l'ancien Plan Comptable National (PCN), ce qui, tout en leur donnant l'occasion de tenir leur comptabilité dans un référentiel connu et maîtrisé, ne les dispense pas pour autant de communiquer leurs comptes annuels pour 2010 sous le seul référentiel admis qui est le SCF. Mieux encore, les états financiers étant désormais présentés sous la forme comparative, l'application rétrospective du SCF impose d'établir des états financiers pour 2009 en modèle pro-forma pour assurer la comparabilité des données 2009-2010 sous les mêmes règles en vigueur depuis le début de l'année 2010. En tout état de cause, une comptabilité présentée sous la forme du PCN serait à juste titre considérée comme irrégulière, car la régularité repose fondamentalement sur la conformité aux règles et que les règles applicables sont celles édictées par la nouvelle loi comptable. Dans la pratique, de nombreuses entreprises éprouvent encore des difficultés à appliquer le SCF car le système est à la fois dense et riche, avec des concepts nouveaux tirés d'une culture comptable et d'entreprise différente de celle vécue lors de ces dernières décades. De plus, la démarche d'implémentation sur un calendrier immédiat plutôt qu'un calendrier expérimental a donné, dans certains cas, moins d'assurance aux comptables. La démarche d'implémentation du SCF est différente de celle des normes IAS-IFRS Inspiré des normes internationales IAS-IFRS, le SCF a repris l'essentiel des concepts du référentiel adopté par de nombreux pays dans le monde, comme les pays européens dont l'exemple mérite d'être cité. A la faveur d'une application aux seules sociétés cotées, les normes locales de chacun des pays européens ont été harmonisées aux normes internationales avec l'effet structurant de la Commission Européenne qui, en adoptant les normes internationales par règlement et en les rendant applicables à chacun des états membres, a incité chaque pays à adapter sa législation comptable aux nouvelles dispositions. Aujourd'hui, l'effet structurant tire encore plus vers le haut l'intégration qualitative et dimensionnelle puisque l'application se fait également aux PME, qui sans pour autant en être obligées, le font par souci de communication dans «la cour des grands». Mais ce qui a contribué de façon certaine à la réussite de l'application des normes IAS-IFRS, a été la démarche expérimentale entamée au début de l'an 2002 pour faire du cap an 2005 un objectif avec des bornes visibles de mesure de succès. Les entreprises cotées européennes ont eu tout le loisir, entre 2002 et 2005, d'exercer un apprentissage structuré, de tester l'applicabilité des normes selon leur industrie et leur environnement. Tout au long de ce processus, les organismes de normalisation ont apporté des clarifications, si bien qu'à l'échéance de 2005 le sujet des IFRS a été moins mythique que ne l'a été celui du SCF en Algérie. Il n'en demeure pas moins que certains groupes européens ont connu un certain retard dans la mise en place de ces normes en raison de difficultés spécifiques comme l'application de normes et d'interprétations IFRS applicables en 2005 et non encore finalisées, à l'époque par l'IASB ou non encore adoptées par l'Union européenne. En Algérie, l'apprentissage du SCF se fait «en live» et son application effective est un requis incontournable. Il ne faut toutefois pas sous-estimer les mesures d'apprentissage et d'application en place à ce jour, d'autant qu'avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi comptable, à la faveur d'une date différée pour sa mise en application(1), autant l'ancienne instance ordinale de la profession comptable que le ministère des Finances ont largement contribué à la vulgarisation des nouvelles règles comptables.
L'accompagnement institutionnel n'a pas manqué, mais il ne peut être le seul vecteur de réussite En plus de l'organisation de séminaires, le ministère des finances a initié des formations de formateurs, tant pour la profession que pour les différents secteurs de l'enseignement et de la formation et les cadres des différentes institutions de l'Etat, y compris ceux de la Direction Générale des Impôts. Les éditeurs de logiciel après avoir été formés, ont été également impliqués dans la veille organisée au sein d'un comité pour l'adaptation des logiciels au nouveau référentiel comptable pour assurer que les applications informatiques sont conformes aux règles édictées par le décret relatif aux logiciels de tenue comptable(2). Pour les secteurs particuliers, comme celui des assurances, l'application de la norme relative aux contrats d'assurance a été développée avec une nomenclature de comptes adaptée à ce secteur. Pour celui des banques et institutions financières, trois règlements de la Banque d'Algérie ont permis de mettre à jour la réglementation applicable. La Direction Générale des Impôts a édité la nouvelle liasse fiscale expliquée dans la notice d'utilisation habilement indexée aux dispositions du code des impôts directs et taxes assimilées. La Direction de la Comptabilité du Ministère des Finances ainsi que le Conseil National de la Comptabilité ont déployé de grands efforts pour l'accompagnement à la mise en place du SCF, notamment par la diffusion des textes, mais également par l'édition de guides méthodologiques traitant des problématiques de la première application du SCF en conformité avec l'instruction n° 2(3) qui développe la table de correspondance des comptes entre l'ancienne nomenclature du PCN et la nouvelle. Le CNC dans ses nouvelles fonctions de supervision de la profession comptable continuera sa mission de normalisation dont les résultats peuvent être consultés sur son site web(4). Il reste que l'implication des différents professionnels doit être plus importante et que les praticiens tant indépendants que d'entreprises ne s'en remettent pas qu'au seul soutien institutionnel. Il peut être considéré aujourd'hui que l'appropriation du SCF est déjà accomplie sous son angle d'implémentation au moins pour ce qui concerne l'initiation et l'adaptation. Il reste que la mise en place effective au niveau des entités concernées doit passer par l'intégration et une routinisation, ce que les entités vivent déjà à des degrés d'obstacles plus ou moins complexes, selon leur taille, leur industrie et leur environnement. Compte tenu de ces facteurs évolutifs de maîtrise, il est fort probable que certaines entreprises n'auront pas forcément de comptabilité régulière pour l'arrêté au 31 décembre 2010. La non-conformité au SCF sera-telle un handicap ? Les règles du SCF comme pour les normes IAS-IFRS sont peu descriptives et dans leur essence présentent la première limitation : celle d'être trop génériques avec à la base des concepts et des principes parfois trop généraux, sans apporter des solutions détaillées. Les différences d'interprétation qui peuvent en résulter amèneront forcément à une phase de normalisation induite par les usages qui prendront du temps à s'établir. Par ailleurs, lorsque les gestionnaires et comptables ne trouveront pas de solution dans les normes applicables à une transaction donnée, ils devront faire appel à leur sens du jugement pour appliquer le traitement comptable le plus approprié en anticipant sur les besoins des utilisateurs des états financiers, lesquels devront, autant que faire se peut, véhiculer des informations pertinentes et fiables. Plus précisément, ils devront faire appel au cadre conceptuel et c'est particulièrement sur ce domaine sensible que la culture comptable d'entreprise doit changer. Il est donc évident que la mise en place du SCF ne peut pas s'appréhender de façon statique et absolue avec pour seul requis : une date effective d'application. Les phases d'intégration et de routinisation prendront certainement plus que les temps consommés à ce jour et ceux restants pour l'arrêté des comptes au 31 décembre 2010, car l'apprentissage est permanent. La non-conformité au SCF ne devrait pas être un handicap dès lors que l'appropriation du SCF est engagée et que les différentes problématiques d'intégration seront identifiées et solutionnées dans le temps. L'application du SCF ne peut réussir que par une évolution d'entreprise interne profonde, adossée à une démarche d'appropriation didactique et graduelle. L'application absolue n'est pas le sujet : l'Algérie doit gérer la transition d'une ancienne loi comptable conçue dans un contexte d'économie centralisée et planifiée vers une nouvelle loi plus adaptée à un environnement libéralisé mais comptant de nombreuses particularités et des gènes spécifiques de l'entreprise algérienne. L'histoire de l'entreprise algérienne à travers les différentes restructurations organiques et financières d'entreprises publiques est jalonnée de spécificités qui interpelleront tant les gestionnaires que les professionnels comptables et normalisateurs sur des difficultés comptables qui ne pourront pas être toutes solutionnées sur le premier arrêté de comptes au 31 décembre 2010 sous le format SCF. L'accompagnement par les commissaires aux comptes sera déterminant sur ce sujet. Les commissaires aux comptes doivent être des accompagnateurs Si le principe de non-immixtion dans la gestion de l'entité auditée requiert que le commissaire aux comptes ne s'implique pas dans les actes de gestion, il reste qu'il a un rôle fondamental dans l'implémentation du SCF avec tous les requis d'intégration tant didactique de technique. Sa mission consistant en la certification des comptes, le commissaire aux comptes doit tout mettre en œuvre pour amener l'entité sur la voie de l'excellence de manière à pouvoir certifier les comptes. C'est dire qu'il doit être en mesure de détecter les ajustements nécessaires qu'il proposera à la direction financière de l'entité, pour autant que cette dernière soit convaincue car une proposition d'ajustement n'est pas une prescription et son exécution n'est pas une obligation. L'idéal serait de créer un cercle de communication interne à l'entité en y associant les dirigeants, les gestionnaires des fonctions clés et les membres du comité d'audit – ou structure assimilée – de manière à porter tout sujet bloquant à la certification de manière à ce que d'une manière structurante, les procédures et les systèmes d'information intègrent la maitrise des difficultés comptables induites par l'adoption du SCF. Le défi étant lancé pour tous les intervenants, tant institutionnels que praticiens, gestionnaires et comptables, il y a lieu de faire en sorte qu'à ses prochaines bougies l'application du SCF soit applaudie comme la tradition le veut à chaque anniversaire.
Samir Hadj Ali. Expert Comptable -(1)Le SCF devait à l'origine entrer en vigueur le 1er janvier 2009. -(2)Décret 09-110 du 07/04/2009 portant SCF & systèmes informatiques -(3)Instruction n° 2 du 29 octobre 2009 portant première application du Système Comptable Financier 2010. -(4)Site web du CNC : www.cnc.dz.