Alors que le monde entier avait les yeux rivés sur l'attentat de New York en 2001 déjà, la Maison-Blanche pontait un doigt accusateur vers l'agence centrale de renseignements américaine : la CIA. Comment, malgré le budget alloué, la plus grande agence de renseignements n'avait pu prévoir un coup de cette ampleur. Quatre années sont passées voilà que Dick Cheney, vice-président des Etats-Unis, et le directeur de la CIA, Porter Goss, sollicitaient du Congrès un amendement visant « à autoriser l'usage de la torture », exception accordée aux cadres de la CIA. Et ce « pour conduire de manière efficace la guerre contre le terrorisme », rapportait le Washington Post. Etait-ce une façon de légaliser des pratiques qui avaient déjà cours ? La CIA avait-elle alors pressenti que l'ampleur de son activité ne pourrait pas toujours demeurer secrète ? Il y a lieu de le croire puisque le gouvernement roumain indiquait, via son agence de presse, que la Roumanie avait été contactée à peine un mois auparavant pour ce genre d'entreprises. Entreprise que la Roumanie aurait refusée, mais qui a reçu un bon accueil en Pologne. Le quotidien étasunien, le Washington Post, révèle ainsi que plus de 100 suspects auraient été détenus illégalement après le 11 septembre 2001 dans un réseau surnommé « les sites noirs ». Le Monde, journal français, rapporte, de son côté, que plus de 300 vols de la CIA auraient eu lieu depuis 2001 en direction de l'Europe. Et, révélé hier par le quotidien le Figaro, au moins deux vols ont fait escale sur le sol français en 2002 et 2005. D'autres Etats de l'Europe de l'Est, mais également de l'Union européenne, sont suspectés d'avoir « participé au transport, à la détention illégale et à la torture de terroristes islamistes présumés ». Ainsi, en Suède, au moins deux avions-prisons de la CIA se sont posés, en 2002 et 2005, selon l'agence de presse suédoise TT. L'un de ces avions se serait rendu plusieurs fois à la base américaine de Guantanamo, à Cuba. Le gouvernement suédois a demandé « une information complète » aux autorités de l'aviation civile, peut-on lire dans les colonnes du Monde. Selon l'hebdomadaire norvégien Ny Tid, « un avion faisant partie de la flotte utilisée par la CIA pour le transport de prisonniers islamistes vers des prisons clandestines, où ils auraient pu être torturés, s'est posé le 20 juillet, à Gardermoen, l'aéroport international d'Oslo ». En Espagne, « quatre avions utilisés par la CIA pour transporter des prisonniers vers des prisons secrètes ont fait au moins dix escales à Palma de Majorque (Baléares), entre le 22 janvier 2004 et le 17 janvier 2005 », selon le quotidien El País, qui cite un rapport de la Garde civile. Le Portugal aurait également servi de relais tandis qu'un journal marocain divulguait que le royaume aurait participé à un programme de sous-traitance de la torture et qu'il y aurait eu au moins dix déplacements d'avions affrétés par la CIA sur le sol marocain. Une enquête est en cours par le Conseil de l'Europe dans les Etats membres. La Commission européenne a déclaré, pour sa part, que les Etats complices pourraient être sanctionnés par un retrait du droit de vote au sein du Conseil de l'Europe. Les explications de la Maison-Blanche et du département d'Etat américain, prêts « à répondre de façon aussi complète et franche que possible aux questions de l'UE », devraient se faire par la voix de leur secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, la semaine prochaine, lors de son voyage prévu en Europe. Des réponses fortement attendues et qui pourraient placer les Etats-Unis en accusation par d'autres Etats. Des réponses qui pourraient laisser s'esclaffer l'Oncle Sam sur la dernière promulgation du Sénat américain qui vise à interdire l'application de traitements inhumains de la part des cadres militaires de l'armée des Etats-Unis.