Pour la deuxième fois en une semaine, la Maison Blanche doit se dépêtrer de révélations explosives issues du renseignement: après la remise en cause de la menace nucléaire iranienne, ce sont les méthodes de la CIA liées à ses techniques d'interrogatoires qui suscitent la polémique. Après le rapport affirmant que l'Iran a suspendu son programme nucléaire militaire depuis 2003, l'affaire de la destruction par la CIA elle-même de vidéos d'interrogatoires de suspects d'Al-Qaïda scandalise une partie du Congrès. La CIA a reconnu avoir détruit en 2005 des enregistrements vidéo d'interrogatoires sensibles. Selon le New York Times samedi, cette destruction s'est faite contre l'avis juridique de hauts responsables de la Maison Blanche et du Congrès, consultés par la CIA en 2003, qui pensaient que cela pourrait poser des problèmes de légalité plus tard. Des élus démocrates et des groupes de défense des droits civiques ont exigé une investigation auprès du ministère de la Justice qui a annoncé samedi l'ouverture d'une enquête préliminaire. Celle-ci doit servir, selon le ministère, à "déterminer si il y a suffisamment d'éléments pour justifier une enquête complète". La commission sur les renseignements du Sénat, présidée par John Rockefeller (démocrate), s'est déjà saisie du sujet. "Nous irons au fond de l'affaire", a assuré le sénateur vendredi. Selon le New York Times, les vidéos ont été tournées pendant des interrogatoires de deux terroristes suspects, Abou Zoubaydah, un membre influent présumé du réseau d'Oussama ben Laden arrêté au Pakistan, et Abdel Rahim al-Nachiri, soupçonné d'être impliqué dans l'attentat contre le navire USS Cole au Yémen en 2000. Ils ont été parmi les premiers suspects interrogés dans les prisons secrètes de la CIA après le 11-Septembre. L'Agence de renseignement américaine (CIA) affirme avoir détruit ces bandes parce qu'elles pouvaient compromettre la sécurité de ses interrogateurs. "Excuse pathétique !", a rétorqué le sénateur démocrate Carl Levin. "A ce compte-là, il faudrait brûler toutes les archives de la CIA qui identifient le moindre agent". Alors que le débat sur la torture est toujours d'actualité, certains estiment que ces vidéos auraient pu remettre en question la légalité des méthodes d'interrogatoires de la CIA et offusquer l'opinion publique au Moyen-Orient. La CIA a-t-elle agi dans l'illégalité en détruisant ces bandes, ce qui peut s'assimiler à une destruction de preuve et une obstruction à la justice? Interrogée, la Maison Blanche a affirmé qu'elle "rassemblait les faits" sur ce dossier. Le président George W. Bush a indiqué, par le biais de son porte-parole, ne pas se souvenir avoir été informé de l'existence ou de la destruction de ces bandes, et il a renouvelé sa confiance au patron de la CIA, Michael Hayden. Sur l'Iran, alors qu'un rapport du renseignement américain a montré lundi que le programme nucléaire militaire avait été arrêté il y a cinq ans, la Maison Blanche n'a pas de changé de cap. "J'ai dit que l'Iran était dangereux. Et l'évaluation du Renseignement national ne change rien à mon opinion quant au danger que l'Iran représente pour le monde", a déclaré le président Bush au lendemain de la publication du rapport. "La meilleure diplomatie, une diplomatie efficace est une diplomatie avec laquelle toutes les options sont sur la table", dont l'option militaire, a-t-il répété. Ce rapport intervient alors que le secrétaire américain à la Défense Robert Gates est en tournée dans les pays du Golfe pour améliorer la sécurité dans la région et chercher un soutien contre "la politique déstabilisatrice" de l'Iran. "La politique de l'Iran est de fomenter l'instabilité et le chaos", a répété samedi M. Gates reconnaissant toutefois que le rapport intervenait "à un mauvais moment. "Il a ennuyé un certain nombre de nos amis et troublé nombre de gens", a-t-il concédé.