3600 gardes communaux ont été assassinés durant la décennie noire. Les manifestants ont décidé de «camper» devant le siège de l'APN jusqu'à satisfaction de leurs revendications. Les gardes communaux ont bravé hier l'interdit en marchant à Alger. Forts de leur nombre estimé à plus de 10 000 personnes venues des quatre coins du pays, ils ont forcé le cordon de sécurité dressé à la place des Martyrs et pu atteindre le siège de l'Assemblée populaire nationale (APN). Certains portaient leur uniforme, d'autres pas. Tout a commencé vers 11h, lorsque des milliers de gardes communaux se sont rassemblés à la place des Martyrs. Ils attendaient, sous l'œil vigilant de quelques policiers, le retour d'une délégation envoyée pour rencontrer le Premier ministre, Ahmed Ouyahia. La délégation est revenue bredouille. Le Premier ministre a refusé de la recevoir. «Ouyahia était trop occupé pour se consacrer aux problèmes des gardes communaux», fulmine un garde communal. La colère gagne les manifestants qui décident alors de marcher jusqu'au siège de l'APN. Ils ont forcé un premier cordon de sécurité, lançant de vive voix: «Durant la décennie noire, nous étions les premiers à avoir pris les armes pour protéger les policiers et la population. Alors aujourd'hui ne nous barrez pas la route pour nous empêcher de revendiquer nos droits.» Gênés, les policiers ont baissé les bras. Se trouvant sous pression, le cordon de sécurité a cédé, permettant aux manifestants d'atteindre le boulevard Zighout Youcef où ils ont été encerclés par un dispositif impressionnant de police. La circulation automobile a été également interrompue aux alentours. Des portraits du président Bouteflika sont exhibés. «Est-il normal que les terroristes et leurs enfants ont plus de droits que nous ?», s'indigne un garde communal qui demande l'intervention du premier magistrat du pays. «La seule personne qui puisse annoncer des mesures concrètes en notre faveur, c'est le président de la République. Nous demandons son intervention», lance un autre groupe de manifestants. Des slogans hostiles au pouvoir, surtout au Premier ministre Ouyahia, sont scandés à pleine gorge. Sur les banderoles, brandies à bout de bras, les contestataires rappellent leur engagement dans la lutte contre le terrorisme. «Durant la tragédie nationale, on nous a utilisés comme une solution contre la horde intégriste. Nous étions un exemple de courage. En 2011, on nous qualifie d'agitateurs», regrette un garde communal. Et de préciser : «Nous n'accepterons aucune autre solution que la mise à la retraite anticipée et l'octroi de l'indemnité de cinq millions de dinars pour les années que nous avons passées à combattre le terrorisme.» Evoquant la réunion tenue mercredi dernier avec le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, M. Dif, un garde communal, l'a qualifiée de non fructueuse. «C'est un échec. Le ministre s'est engagé verbalement et nous lui avons fait clairement savoir que nous n'acceptons ni la dissolution du corps ni son redéploiement au sein de l'ANP et de l'administration. Nous avons nos propositions», martèlent les contestataires. Le lourd tribut «On nous a dit : si vous partez, on vous retirera les armes. Nous avons bravé l'interdiction et nous sommes venus quand même. Nous resterons ici jusqu'à ce que nous obtenions gain de cause», nous certifie-t-on. Ils sont 94 000 gardes communaux à l'échelle nationale, 3600 d'entre eux ont été assassinés depuis 1994 en participant à la lutte antiterroriste. Hier, à la mi-journée, une délégation de manifestants a été reçue par le président de l'APN, M. Ziari, qui leur a promis d'informer le président de la République en lui rapportant leurs revendications. Une réponse qui n'a pas été du goût des manifestants qui se disent déterminés à ne pas quitter les lieux, de jour comme de nuit, tant que leurs revendications ne seront pas satisfaites. «Nous allons passer la nuit ici», affirme l'un d'entre eux. Les gardes communaux réclament le versement de leurs indemnités et l'augmentation de leurs salaires. Ils revendiquent un reliquat de 540 millions de centimes pour chaque agent pour services rendus durant les années de terreur. Ils demandent aussi des rappels de salaires depuis 2008 comme tous les autres corps (gendarmerie, police et ANP), le paiement de 9 jours de congé pour chaque année exercée et des primes de risque et de rendement.