Pour la première fois, les musulmans de France s'organisent clairement contre un débat qui les vise directement. Des militants musulmans de l'UMP, déjà échaudés par le débat sur l'identité nationale, décident, cette fois-ci, de prendre leurs distances avec le parti majoritaire en France. Paris. De notre bureau
Jeudi, plusieurs militants musulmans du parti majoritaire ont appelé à quitter la formation politique. Ces militants, jusque-là, avaient avalé beaucoup de couleuvres, et accepté bien des dérives de leur parti au sujet des droits des immigrés ou encore du très contesté débat sur l'identité nationale, mais là, ils ne veulent plus cautionner la dérive anti-musulmane. La rencontre décisive s'est déroulée jeudi à la mosquée de Paris. Un militant du Gard, Abdallah Zekri, chargé de mission au Conseil français du culte musulman (CFCM) et aumônier musulman des hôpitaux, a déchiré sa carte et appelé «tous les musulmans de l'UMP» à l'imiter. Un des musulmans les plus proches du président Sarkozy est allé encore plus loin : «L'UMP de Copé, c'est la peste pour les musulmans», a estimé Abderrahmane Dahmane, conseiller technique chargé de la diversité à l'Elysée et ancien secrétaire national chargé de l'immigration à l'UMP. En tant que président du Conseil des démocrates musulmans de France (CDMF), il a appelé les musulmans de l'UMP à «ne pas renouveler leur adhésion» à l'UMP tant que le débat sur l'Islam, qui doit débuter le 5 avril, n'aura pas été annulé. Forte inquiétude Il est même allé jusqu'à comparer la situation des musulmans en France aujourd'hui à celle des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ; il a dénoncé une «poignée de néo-nazis» qui a décidé de lancer le débat et demandé aux musulmans de l'UMP de «ne pas l'accepter dans les sections s'ils ont une dignité et une fierté». Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande mosquée de Paris, a appelé, jeudi, le président Nicolas Sarkozy à annuler un débat «qui n'a pas lieu d'être». «Les citoyens musulmans de France ne doivent pas être les boucs émissaires d'une situation de crise». «Quel mépris a-t-on des musulmans pour croire qu'on va tomber dans le piège des règlements de comptes à l'UMP», a dénoncé, pour sa part, Chafia Mentalechta, qui s'exprimait au nom de l'association l'Espace franco-algérien. Pour le Conseil français du culte musulman (CFCM), l'inquiétude est d'autant plus forte que «le débat sur l'identité nationale avait donné lieu, malgré les précautions prises et les nombreux appels à la vigilance, à des expressions inconsidérées, voire à des dérapages», s'est alarmé, récemment, son président, Mohammed Moussaoui, qui s'est étonné «de voir émerger, avant même le lancement dudit débat, des propositions portant sur l'exercice du culte musulman, notamment l'interdiction de l'usage de l'arabe lors des prières et des prêches, en violation manifeste des deux principes fondamentaux de la laïcité que sont la séparation et la neutralité». L'ancienne secrétaire d'Etat, Rama Yade, avait été la première à refuser d'être instrumentalisée pour porter, en tant que musulmane, le débat voulu sur l'Islam par le président Sarkozy et le patron du parti UMP, Jean-François Copé.