La dinanderie dans la ville des Ponts souffre, pour ne pas dire se meurt. Le cuivre fond sous l'œil désabusé de ceux qui ont en fait une passion et une source de revenus.La transmission du métier de dinandier est difficile à Constantine, où 71 artisans dinandiers sont enregistrés au niveau de la chambre de commerce, alors que plus de 500 artisans pratiquent ce métier artistique dans les circuits informels. Ils étaient plus de 200 artisans dinandiers au Remblai du Bardo. Ils ne sont aujourd'hui qu'une poignée. Malgré les difficultés, les artisans ne comptent pas renoncer à cette activité. Ils sont déterminés à lutter pour la sauvegarder dans sa pratique originelle, par amour du bon goût et du produit raffiné. Depuis des centaines d'années, on a vu se succéder les styles dans une atmosphère meublée par le bruit des marteaux sur le cuivre. La dinanderie constantinoise remonte au moyen-âge. Localisée autour des quartiers de la vielle ville et le Bardo, ses produits témoignent d'une grande richesse ornementale. De la kerouana au mahbès, en passant par la tassa et le taftal, ces vases et récipients sont d'une esthétique sans égale. Utilisant essentiellement la feuille de cuivre, les dinandiers fabriquent et décorent de véritables produits d'art dont les plateaux qui restent la spécialité de Constantine, intégrant plus des symboles décoratifs orientaux. Le métier de la dinanderie s'appuie sur le travail de la feuille de cuivre et sa transformation en articles utilitaires ou simplement décoratifs. Si le métier tente de résister tant bien que mal et se transmet jusqu'à présent, le mérite en revient en partie au CFPA des arts traditionnels de Aïn El Bey, où l'on marque un point pour feu Mâamar Berrachi, l'un des doyens artisans dans les milieux du malouf constantinois. Il a été le premier à avoir jeté, en 1975, les bases de cette section de dinanderie où il a forgé une relève qui fait aujourd'hui les beaux jours de cette section de dinanderie. Pour la sauvegarde du métier, chaque année, une cinquantaine de salons d'artisanat, où exposent des dizaines d'artisans, sont organisés simultanément aux quatre coins du pays. A noter également que, dans le cadre de la mise en œuvre du système producteur local (SPL), des mesures d'accompagnement importantes ont été prévues. Parmi elles, figure un soutien pour l'acquisition de la matière première écoulée à 900 DA le kilo. Il est prévu aussi, à court terme, le regroupement des artisans dinandiers dans une structure associative qui sera habilitée à défendre leurs droits en toute circonstance. Pénurie de cuivre et marché noir Le métier nécessite beaucoup de moyens, à commencer par la disponibilité en abondance de la matière première. Ce qui n'est pas le cas, en raison de la pénurie de cuivre dont les prix exorbitants dissuade les artisans car, actuellement, la feuille de cuivre dépasse parfois plus de 10 500 DA. «De plus, la Chambre de l'artisanat ne sollicite les artisans expérimentés que pour les expositions», accusent les artisans. Les souffrances des dinandiers sont quotidiennes car ils sont confrontés à d'autres problèmes que ceux liés à la formation. Il leur est impossible de maintenir un rythme de travail d'artisan régulier sauf en cas de commande. De fait, en plus de la cherté et de la rareté de la matière première, ces artistes du «plateau» déplorent, de façon unanime, la légèreté avec laquelle leurs préoccupations sont traitées par leur représentant. Le marché noir et l'autorisation accordée par l'Etat au privé pour l'importation du cuivre vont dans le sens contraire de la promotion du métier et ne font que compliquer l'achat de cette matière cédée à des prix inabordables en raison de son coût au niveau mondial, mais aussi en raison de la spéculation. Sur un autre registre, il a été décidé, selon la CAM, d'une formation au profit des dinandiers, laquelle sera drivée par deux formateurs agréés par le Bureau international du travail (BIT). Cette opération sera axée sur le thème de la gestion d'entreprise. Qu'en sera-t-il des artisans du Remblai ? Ils étaient, il y a quelques années, plus de 200 dinandiers à exercer au niveau des locaux du Remblai du Bardo. Après l'évacuation du site, il n'en reste qu'une dizaine. Il faut dire que la plupart sont confrontés à des problèmes d'ordre administratif. «Etre détenteur de la carte d'artisan ne suffit pas. Ils nous imposent un registre du commerce et un contrat de location pour étudier notre cas en vue d'un éventuel transfert», a expliqué M. Ben Taher, artisan dinandier qui précise qu'il est «quasiment impossible à résoudre car les locaux appartiennent à la commune». Cela dit, les locataires originels ne sont pas des artisans. Ils ont loué leur espace à ces derniers. Ce qui annule l'élaboration d'un contrat de location. Pour cela, les dinandiers tentent de s'organiser en association pour mieux se défendre. Une alternative que plusieurs artisans redoutent. Certains occupent des locaux au Remblai et craignent leur éviction à tout moment, à cause de la délocalisation de la quatrième tranche des habitants du Bardo. Plusieurs ont été touchés lors de la troisième opération de relogement du Bardo. Le calvaire devrait durer jusqu'au jour de leur transfert vers la nouvelle ville.