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«Il faut admettre le risque tsunami en Algérie»
Dr. Y. Hemdane. Spécialiste en océanographie côtière, maître de conférences. ENSSMAL
Publié dans El Watan le 19 - 03 - 2011


-Qu'est-ce qu'un tsunami ?
Un tsunami est une vague marine qui peut être générée aussi bien par des séismes que par d'autres phénomènes comme les glissements des fonds marins, les chutes d'astéroïdes en mer, chutes des bouts de falaises littorales ou de glaciers en mer etc. Au large, les hauteurs des vagues de tsunami sont très faibles (souvent centimétriques). Cependant, au fur et à mesure qu'elles se rapprochent de la côte, les vagues de tsunami subissent progressivement l'effet des fonds marins (shaoling), lesquels amplifient considérablement leurs hauteurs (de l'ordre de plusieurs mètres).
-Y a-t-il un risque de tsunami en Algérie ?
Avant de répondre à cette question, permettez-moi d'attirer l'attention sur l'amalgame que l'on fait souvent entre alarmisme et responsabilité scientifique. Il est du devoir du scientifique de sensibiliser, sans alarmer, la population sur les risques naturels que tout un chacun doit connaître et apprendre à vivre avec. Pour revenir à votre question, l'histoire et la recherche scientifique répondront parfaitement à cette question. Notre littoral a connu dans le passé plusieurs tsunamis qui ont parfois été catastrophiques. En 1365, la côte algéroise a été frappée par un tsunami qui a inondé la partie basse de la ville, en plus du tsunami d'origine sismique qui a été vécu sur la côte de Jijel en 1856. Selon certains témoignages, le premier événement de 1365 a généré des vagues de 5 m de hauteur qui ont dévasté la partie occidentale algéroise, le deuxième événement (1856) a été rapporté par Ambraseys (1982).
Le dernier tsunami vécu sur le littoral algérien est celui qui a été généré lors du séisme du 21 mai 2003. Quelques minutes après le séisme du 21 mai 2003 de Boumerdès, les habitants ont assisté à un phénomène spectaculaire de retrait progressif de la mer d'environ 300 m pour revenir, quelques minutes après, un peu au-dessous de son niveau initial. Ce nouveau linéaire côtier gagné sur la mer (soulèvement de la côte) a été estimé à environ 55 cm (en moyenne). Nos recherches ont montré que le tsunami de Boumerdès a été essentiellement observé sur les côtes espagnoles (Ibiza, Sant Antoni et Palma de Majorca) où les vagues ont atteint des hauteurs maximales avoisinant les 2 mètres.
-Par conséquent, il ne faut pas nier la possibilité d'un tsunami en Algérie, car affirmer que notre littoral ne risque pas de connaître un tsunami dans le futur serait «rassurer» la population sur un phénomène naturel aléatoire avec lequel celle-ci peut composer.
Quelles sont les zones les plus fragiles sur le littoral ?
Incontestablement, ce seront les côtes basses qui seront les plus touchées en cas de déferlement des vagues de tsunami. En plus clair, quand la pente des petits fonds et de l'arrière-pays est faible, cela permet aux vagues de tsunami de pénétrer en déferlantes dans le continent pouvant causer ainsi des pertes humaines. Aussi, l'occupation anarchique du littoral et le rasage de ses dunes accroîtraient les conséquences d'un éventuel tsunami qui pourrait frapper notre pays.
-Quelles précautions prendre ?
Admettre que le risque des tsunamis existe dans notre pays est déjà une précaution prise, ensuite, il faudra intégrer dans les écoles des cours ou des séminaires de vulgarisation pour la population en vue de leur expliquer ce risque et leur apprendre les bons gestes salvateurs. A titre d'exemple, la déferlante (crête de la vague de tsunami) est très souvent précédée par un retrait préalable de la mer (quelques minutes séparent le retrait - creux de la vague - de la mer de la déferlante). A cet effet, si la population est préalablement informée, qu'en cas de retrait anormal de la mer, il faut se sauver sur les hauteurs, beaucoup de vies humaines pourraient être sauvées. Ainsi, une personne sensibilisée est une personne sauvée.
Parallèlement, il faudra arrêter d'occuper et de dégrader d'une manière directe ou indirecte le littoral et éviter de recourir, souvent vainement, à des protections lourdes (digues et enrochement), qui dans plusieurs cas ont, à long terme, contribuent au déséquilibre de notre littoral. Une autre idée qu'il faudra bannir dans nos projets est le recours aux plages artificielles, car celles-ci par définition sont fragiles. Il est également fortement déconseillé, voire dangereux, de construire sur la bande côtière, car la dynamique de celle-ci pourrait surgir à tout moment.
-Existe-t-il un système d'alerte au tsunami pour la Méditerranée ?
Depuis le tsunami de Sumatra de 2004, plusieurs appareils permettant la mesure instantanée de la déformation de la surface de la mer ont été installés un peu partout dans le monde. Parmi ces appareils, il y a les marégraphes numériques à haute fréquence de mesures qui travaillent dans l'enceinte d'un réseau en vue d'alerter en cas de risque de tsunami. Il suffit qu'un seul appareil détecte l'onde du tsunami pour que toutes les autres zones du réseau soient instantanément alertées en vue d'évacuer les populations occupant les zones côtières inondables par les vagues du tsunami. Il faudra donc équiper toute notre côte avec des appareils pour mesurer les déformations de la mer et de l'intégrer dans un réseau régional. A ce propos, un projet PNR (Projet national de recherche) vient d'être proposé dans ce sens qui permettra dans le un futur proche de jauger et de détecter ce risque. Enfin, il ne faut pas oublier que nous ne pouvons jamais mesurer notre force par rapport à celle de la nature. Il est grand temps de changer nos rapports avec la nature, de ne pas la sous-estimer et de ne pas fermer les yeux.


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