Coincé dans l'ornière du silence au moment où les révoltes populaires pour un changement démocratique remuent ciel et terres arabes, le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, s'est finalement comme résigné à «admettre» la nécessité d'engager des réformes politiques dans le pays. La levée de l'état d'urgence sera une nouvelle page ouverte sur la voie des réformes globales, lesquelles ne pourraient être fructueuses en l'absence de réformes politiques», a-t-il annoncé dans un message adressé aux participants à une conférence organisée samedi dernier à Mostaganem. C'est peut-être là la première fois que Bouteflika parle de «réformes politiques» en douze ans de règne. Cette sortie médiatique inattendue est en réalité aussi surprenante qu'intrigante. NEGATION DES DROITS FONDAMENTAUX Car est-il concevable que le pouvoir en place puisse initier des réformes démocratiques sans s'exposer à sa propre exclusion du jeu politique ? Tant l'enjeu actuellement, tel qu'il est charrié par le mouvement de démocratisation dans les pays arabes, est de permettre le déclin des régimes politiques surannés car autoritaristes et l'émergence d'une démocratie à la faveur de la restitution des leviers de décision aux vraies forces politiques de la société. Le contexte régional est tel que ces questionnements restent d'actualité non pas en raison de l'«effet de contagion» seulement mais aussi parce que le pouvoir algérien lui-même a fait le choix de s'identifier aux régimes arabes que la marche de l'histoire vient de condamner à la putréfaction, minés qu'ils étaient par la corruption et la négation des droits fondamentaux. L'installation dans la durée du vent de révolte populaire dans le monde arabe est là pour rappeler que l'Algérie ne saurait être en marge d'un bouleversement historique profond en passe de rompre avec des régimes de type autoritaire. Face à tout cela, y aurait-il vraiment une volonté de réformes en Algérie tel qu'on le susurre çà et là, mais sans que jamais personne aille jusqu'à assumer publiquement ni en son nom, ni au nom du gouvernement, ni même au nom d'un parti au pouvoir, la moindre des foucades à entreprendre des changements attendus pourtant de pied ferme ? PLUS D'ESPACE À L'OPPOSITION Il est en tout cas pour le moins difficile de convaincre par une telle démarche qui, au mieux, comporte tous les avantages de la suspicion, au pire des gesticulations qui renseignent sur le désarroi et l'impasse dans lesquels se retrouverait le régime. Pendant ce temps, la société dans sa diversité est remuée par les crises multiples qui la traversent. Des malaises partout. Des grèves, des sit-in, des émeutes et une classe politique qui cherche à reconquérir son espace naturel d'expression. Alors, des réformes politiques en Algérie ? Si oui, quelles sont-elles ? Quel est leur agenda ? Et surtout seront-elles l'expression de la volonté de tous ? A l'heure actuelle, ces questions restent sans réponses. Le moins qu'on puisse dire est que pour autant que l'exercice politique reste une activité publique, il serait vain de croire en ce qui, pour l'instant, semble être une affaire privée abandonnée au cénacle d'hommes politiques au pouvoir. Ceci d'une part. D'autre part, la déclaration, deux jours plus tôt, de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, depuis Tunis, ne peut laisser indifférent. Elle a souhaité que les autorités algériennes accordent «plus d'espace» au discours politique, à l'opposition, à l'intégration économique et au développement des entreprises. «Nous savons qu'il y a une liste de pas à accomplir pour accroître les chances de succès des efforts de réformes en cours et nous espérons les voir franchis dans les semaines et mois à venir», avait-elle déclaré. Une liste ? Laquelle ?