Ahmed Rechrech, ou Med-rêche, comme il se plaît à se nommer lui-même, est un ménestrel des temps modernes, dont le vers colle à la peau comme un appendice entêté, impossible à extirper. Cet enfant terrible du Rocher, - constantinois s'entend-, prodigue, prolifique, insolent, néo-romantique venu d'une autre planète, dont les maux se convertissent en mots, est l'auteur de deux recueils de poèmes, Sourire aux maux, 2002, édité par l'office des publications universitaires de Constantine (OPU), Maux souriants, 2009, publié par les éditions Edilivre-APARIS (France), et d'un petit opuscule, 2008, Ma vision, par le même éditeur. Véritable vade-mecum, celui-ci propose une somme de réflexions plurielles et denses, comme la vie. Philosophe, voire mystique au cœur meurtri, -comment en serait-il autrement pour un poète ?- il prône la mort pour mieux aimer la vie: «Celui-là seul savoure les instants de la vie, qui n'a pas peur de mourir». Fidèle à Med-rêche, l'insoumis, il a encore ces mots vitriolés: «La révolution algérienne est l'une des plus importantes, des plus choquantes et des plus audacieuses, à condition de se doter d'un détecteur de mensonge à chaque témoignage d'un combattant. » La conviction nous vient, à le lire, que l'homme et le poète ne font qu'un, que pour lui, l'art d'écrire est partie intégrante de l'art de vivre; nous serions même tentés de dire, que quand il dort, ce paria – comme tous les poètes authentiques-, travaille. «Je veux écrire puisque parler est l'œuvre des menteurs», décide-t-il. Et il écrit, rageusement, sur les rêves violés, rendus impossibles, les regards voilés, le 5 Octobre «couleur d'un rêve inachevé », la démission de l'amour, « Tu es partie sur la pointe des pieds/ Sur la pente des ténèbres/ Tel un hiver neigeux/ Telle une joue érodée/ par tant de pleurs scrupuleux…», la déconvenue de l'impossible quête, «Sur les pages/ Encore blanches / Le vers de mon rêve/ Ne s'écrira jamais ». Med-rêche, qui ne cesse de sourire aux maux, refusant la grimace, sourit encore, alors que la blessure saigne «Le cœur ligoté sourit, tel un hôte hardi». Ses mots sont des cris, et chaque mot est un pied-de-nez à l'ordre établi.