C'est peut-être parce que Abderrahmane Amalou «ne prétend pas être un poète» comme l'écrit Nora Adjal dans la préface de son livre de poésie les Mots, les Maux que les poèmes de cet auteur, qui plaît facilement, se lisent parfaitement comme de la poésie. Même si on ne le définit pas en tant que poète à part entière, beaucoup d'espaces intimes et publics de sa vie, de son parcours sont étroitement liés à plusieurs arts dont les exigences de réalisation ne trompent pas sur les qualités de cet homme «libre et tolérant» qui a adopté l'art pour l'art après être revenu de pas mal d'expériences assez intellectuelles et professionnelles et avoir succombé définitivement aux charmes et bienfaits du verbe. Des expériences qui lui ont permis de «se découvrir et de savoir qu'est-ce que l'homme». Si cela existe, Abderrahmane Amalou est un artiste polyvalent qui n'arrête pas d'étendre ses domaines d'expressions artistique maîtrisés à tous les autres qu'il rêve d'atteindre ou travaille pour y arriver. Les concernés le reconnaissent : il fait des musiques qui bercent l'ouïe et nourrissent de bonté l'esprit, qui s'écoutent avec passion et un insondable sentiment de quiétude et de voyage aux coins paisibles de la terre. La guitare, le piano et le synthétiseur sont de familiers instruments de musique et de vie pour l'enfant d'Azeffoun ; ses textes sont appréciés pour leur recherche et leur simplicité et sont repris par des interprètes qui ne badinent pas avec… «les mots, les maux». Sans être un fin cuisinier, il sait apprécier, voler les recettes qui s'échappent de la bouche de cordons bleus et fairemariner dans les «mots» les plats une fois servis à l'adresse de la bonne compagnie. Et d'autres arts encore qui suivent. Son recueil de poésie les Mots, les Maux qu'il vient de publier aux éditions Nounou et comptant sept poèmes choisis est le premier essai d'une envie de s'afficher pour de bon et de s'assumer comme poète au sein de son environnement et parmi ses pairs. Et durablement aussi, à lire et à suivre ses vers qui mènent dans son univers tel que disposé par la roue de la vie, qu'il cède enfin aux lecteurs en général et amoureux de la poésie en particulier. Son recueil, qui commence par le poème Mentir un peu, se mentir, qui renvoie à une attitude de fuite en avant devant les difficultés du vécu, afin de se départir du vécu et d'«oublier son rang», de «croire au soleil de minuit» en «serrant la main à mille discours parfumés» pour «moins souffrir». Dans On se sent si seul, il libère la tristesse déclenchée par la découverte de l'hypocrisie ambiante dans son entourage et par les visages à «quatre faces» qui peuvent rendre «si bas, si las ? !» et qui poussent à se sentir «si bien d'être seul» et se résigner à parler «au silence glacial», limiter les dégâts et «aligner ses souvenirs» qui permettent de «voler dans son ciel un peu de miel». Le même sentiment d'envie de répit des hypocrisies est exprimé dans Se réfugier dans un rêve, pour marquer une trêve, «accoster son cœur» à un «drôle de parfum» plein de «chansons de marins, plein d'étranges secrets». La curiosité de savoir de plus près le ridicule qui ne tue pas est souligné dans Venir de loin pour prendre part et assister en spectateur invisible à un banquet auquel on n'est pas invité, voir les amabilités hypocrites échangées entre les convives d'une frange pourrie de la société, «les sourires de façade» et «profiter d'un vent de sable pour quitter la table et retourner d'où l'on vient». Le besoin de rester humain devant le néant ou les souffrances dans Avoir encore de l'amour, est assez fort. Pas facile de «faire le sourd aux coups de la faux» pour puiser le sentiment d'amour même des «maudits moments, abandonnés ailleurs» et des «moissons détruites» qui redonnent enfin «aux fruits le vrai goût chéri» : celui de l'amour. Habiter son silence, est un poème sur, peut-être, le silence de la nuit qui nous plonge dans les souffrance marquant le quotidien et «met pleins les feux sur le vécu et le front» jusqu'à la «récréation» qui délivre au lever du jour. Enfin, les vers du dernier poème du recueil Souffrir d'une tendresse renvoient à demi-mot à une tendresse qui n'en est pas une, qui chavire, qui n'est pas partagée, «changeante» et «sans reflet» mais qui pourrait se transformer en bouée de sauvetage de la détresse avant de s'éclipser devant «la tendresse vraie». La poésie continue… L. S. Biographie de Abderrahmane Amalou7 Abderrahmane Amalou est né à Kouba, (Alger) le 8 juillet 1954, d'une famille originaire d'Azeffoun, en Kabylie. Tout en suivant ses études, il éditera durant les années 1980 quatre chansons dont les textes ont été écrits par Sid Ali Naït Kaci, chanteur et animateur à la radio Chaîne II (d'expression kabyle). Il composa des textes et des musiques pour Sid Ali Naït Kaci, Kefti Sofiane, Sadek El Maghrebi… et contribuera à la réalisation de la musique du film Genèse de Hamma Meliani. Son recueil de poésie les Mots, les Maux, publié aux éditions Nounou, en langue française est traduit et critiqué en anglais et sera bientôt disponible en tamazight. Un CD audio des poèmes de son recueil est proposé comme support aux non-voyants et «aux personnes n'ayant pas le temps de lire ou qui aiment «écouter la musique sur fond musical». Des caricatures ont servi d'illustrations aux poèmes. A souligner aussi la qualité et le souci de l'esthétique dans le travail d'édition du recueil.