Ahmed Ouyahia, 58 ans, invité mercredi soir de l'émission «Hiwar Essaâ» de la Télévision nationale en tant que secrétaire général du RND – et accessoirement comme Premier ministre – a expliqué que «l'Algérie ne vit pas une crise politique, mais plutôt des crises sociales qui ne nécessitent ni la dissolution du Parlement ni un changement de système politique». Il a néanmoins concédé que «le front social est en ébullition» ! Il s'est également déclaré opposé au retour à la Constituante qui, selon lui, «ne ressuscitera pas les victimes de la tragédie nationale ni les morts de 1963». Le Premier ministre a cependant confirmé les réunions quasi clandestines au palais d'El Mouradia entre le président Bouteflika et de «hauts responsables de l'Etat», sans dévoiler l'objet de ces conclaves, considérant que «le respect des usages» ne permettait pas d'en dévoiler la teneur. De quelle sorte d'usages s'arme le scrupule d'Ahmed Ouyahia ? On n'en saura pas plus. Selon plusieurs sources, ces réunions prépareraient la mouture de «réformes» politiques annoncées à demi-mot par le chef de l'Etat dans son message à l'occasion du 19 Mars, exprimant la nécessité de «réformes politiques» qui «viendraient compléter les restructurations globales entreprises ces dernières années». Pourquoi une telle démarche de «réformes» en l'absence de crise politique ? Là aussi, on n'en saura pas plus de la bouche du patron du RND. L'autre grave silence du Premier ministre concerne les émeutes de début janvier, il a déclaré que ces émeutes avaient été provoquées «à 60% par les barons de l'informel». La justice serait peut-être intéressée par de plus amples précisions du Premier ministre, d'autant que ces émeutes ont fait au moins cinq morts officiellement et des dégâts matériaux importants. «J'en dirais peut-être plus dans mes mémoires», a répondu Ahmed Ouyahia au journaliste qui lui demandait de révéler l'identité de ces «barons de l'informel». Ces derniers semblent constituer une vraie menace contre la stabilité du pays. «La contrebande et l'informel, si on les combat frontalement, risquent de déstabiliser le pays. On le fait par tranches, comme dans une guérilla», a-t-il déclaré. Ce sont ces mêmes «barons» qui seraient, d'après lui, derrière les rumeurs sur sa démission au lendemain des émeutes début janvier, des «gens hostiles à des mesures d'assainissement économique et bancaire, comme l'utilisation du chèque dans les transactions commerciales». Mesure qui a pourtant été abrogée par le gouvernement, selon le responsable, pour garantir la «stabilité du pays». Il s'est interrogé par ailleurs sur le sort des milliards de dinars qu'imprime la Banque centrale, étant donné que des sommes colossales circulent hors des circuits bancaires. La Banque d'Algérie imprimerait, depuis octobre 2010, quelque 18 milliards de dinars par jour contre 10 milliards de dinars auparavant. N'y a-t-il pas d'enquête sur tant d'argent sale ? Et pourquoi ? Sur ces questions, le Premier ministre est resté évasif, même en évoquant son propre avenir politique. Pense-t-il se présenter à la présidentielle ? D'une pirouette, il a conclu : «Interrogé à la télévision française, l'ancien président français Valéry Giscard d'Estaing a répondu en parlant de la présidence de la République qu'il s'agissait de la rencontre d'un homme avec son destin…»