La marche à laquelle avait appelé la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) a eu lieu, hier, sous la forme d'un rassemblement à la place du 1er Mai, à Alger. Ils étaient là, au rendez-vous de ce huitième samedi de manifestation. D'un côté, plusieurs personnes venues réclamer le changement, de l'autre, un impressionnant dispositif policier veillant à ce qu'aucune voix ne s'élève pour remettre en cause l'ordre établi. Vers 10h30, au milieu des passants et des hommes en bleu, maître Ali Yahia Abdennour, accompagné d'autres membres de la CNCD, a ouvert le bal.Les forces de l'ordre, qui rôdaient là depuis le début de la matinée et épiaient le moindre mouvement de foule, n'ont pas tardé à cerner les marcheurs. A deux mètres de là, Mme Fadhila Chitour-Boumendjel, membre du réseau Wassila d'aide aux femmes et enfants victimes de violences, ainsi que d'autres éléments de la CNCD sont stoppés net par les policiers. Le même sort est réservé à tous les groupes qui tentent de braver l'interdit. Du haut de ses 90 ans, Me Ali Yahia Abdennour milite toujours énergiquement pour le changement démocratique. «Aujourd'hui, nous sommes venus pour marcher, c'est demain qu'on en parlera», a-t-il répondu à une question d'un journaliste. Sans attendre, la foule se met à scander les slogans appelant au départ du système : «Didouche, Abane, Hassiba, nous sommes toujours des révolutionnaires». Entourés de plusieurs dizaines de policiers, les jeunes résistent pacifiquement. «Bouteflika dégage, la jeunesse s'engage», crient-ils haut et fort. Une dame d'un certain âge vient de se joindre à la foule et semble très motivée à tel point qu'elle incite les autres à crier, à dénoncer l'arbitraire. «Crions, les jeunes, c'est aussi notre pays», tonne-t-elle. Sous prétexte de veiller au bon déroulement de la circulation automobile, des dizaines de policiers font un bruit assourdissant avec leurs sifflets. D'aucuns estiment que c'est un nouveau procédé pour empêcher les autres citoyens d'entendre les slogans de la manifestation. Pour le docteur Khendak, député du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), «en politique il n'y a pas de demi-mesure. La seule solution, c'est la rupture avec le système et non pas avec les hommes du système ou la rupture dans le système». Ce parlementaire ne manquera pas de réagir à la dernière sortie du Premier ministre, Ahmed Ouyahia : «Il est dangereux aujourd'hui d'être autiste et de ne pas comprendre la rue. Contrairement à ce qu'a dit le Premier ministre Ouyahia, la crise n'est pas que sociale. C'est à cause de l'absence de vision politique depuis 1962 que les problèmes sociaux existent aujourd'hui. Et le Premier ministre doit savoir que son discours n'est pas reçu dans la société. Il a parlé pour lui-même et ses clans.» Une heure plus tard, les manifestants se sont dispersés dans le calme. Aucun incident n'est à déplorer. Par ailleurs, la CNCD s'est donné rendez-vous aujourd'hui, à 10h, au niveau du siège du RCD, rue Didouche Mourad, pour faire le point de la situation et évaluer de tout ce qui a été fait jusqu'à ce jour.