Le football algérien risque de se retrouver hors jeu sur la scène internationale. Le comité exécutif de la toute-puissante FIFA, surnommée à juste titre « les Nations unies du football », menace une nouvelle fois d'abattre sa main lourde sur notre fédération nationale et mettre ainsi le ballon dans le camp des dirigeants de notre foot. Le « cas Algérie » a été examiné hier par Joseph S. Blatter, cela en attendant de prononcer une sentence. Une sentence sans appel au regard de la nature du contentieux, d'autant plus que cette instance ne prévoit aucune période de transition en la matière. D'un côté, nous avons le décret 05-405 de M. Guidoum qui somme la Fédération algérienne de football (FAF) de mettre ses textes en conformité avant la tenue de son assemblée générale élective le 22 de ce mois. Un document qui prévoit notamment la désignation par le ministère de la Jeunesse et des Sports (MJS) de 30 % des membres de l'AG et la limitation du nombre de mandats des présidents de fédération à un seul. Il en résulte que l'actuel patron de la FAF Mohamed Raouraoua devrait céder sa place et que la prochaine assemblée élective subirait ipso facto un lifting dans sa composante. Il est donc clair que Yahia Guidoum veut donner un coup de balai du côté de Dély Ibrahim pour, argue-t-il, sanctionner une équipe qui a « échoué » dans sa mission. Soit. Mais si l'intention d'assainir le sport roi est louable, cela ne peut pas se faire à n'importe quel prix. Foncer comme cela la tête baissée contre des textes adoptés, volontairement, par l'Algérie via sa fédération de football mène tout droit vers le cul-de-sac. En l'occurrence, le décret du ministre est en porte-à-faux avec les statuts de la fifa. Les textes sont têtus. L'article 17 énonce expressément le principe de l'indépendance des associations affiliées à la fifa. Cette indépendance est, bien entendu, par rapport aux autorités publiques et politiques d'un pays membre. Les textes sont têtus L'injonction de M. Guidoum tombe automatiquement sous le coup de cette disposition même si le ministre s'entête à soutenir le contraire. Dans une correspondance adressée en août dernier à la faf, l'organisation de M. Blatter rappelle les cas de violations et de contradictions avec ses statuts qui ne doivent pas figurer dans les textes des associations nationales. Dans le cas de l'Algérie, qui oppose MM. Guidoum et Raouraoua, voici ce que désapprouve, voire sanctionne la FIFA : « La nomination par les autorités politiques de membres au sein des associations au niveau des assemblées générales, des comités exécutifs, du secrétaire général ou de certaines commissions, et même dans certains cas d'ingérence dans la composition des organes des associations. » C'est donc bel et bien une épée de Damoclès qui est suspendue au-dessus des têtes des responsables du football national. Pis encore, ces derniers sont tenus d'informer l'instance internationale de toutes les irrégularités qu'ils auront constatées. « La Fifa vous serait donc reconnaissante de bien vouloir lui adresser d'ici la fin du mois de septembre un rapport sur les domaines dans lesquels les lois et les réglementations nationales contredisent vos statuts, en limitent l'application, voire leur imposent des éléments fondamentaux. » Le foot au bistouri ! On voit donc bien que la FIFA a un droit de regard sur les textes touchant le football et que la FAF, en tant qu'adhérente à cette organisation, se doit de veiller à l'application de ces textes. L'argument du ministre selon lequel « l'Algérie est souveraine » ou encore « la FIFA n'a rien à voir » est légalement battu en brèche. Dès lors que l'Algérie est membre à part entière de cette instance, elle est tenue d'honorer ses engagements en mettant ses textes nationaux en conformité avec ceux de la FIFA et non pas le contraire. Agir autrement équivaudrait à se mettre à dos cette instance et lui donner un argument massue d'exclure notre pays des compétitions. C'est un peu, toutes proportions gardées, comme si un pays défiait une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU alors qu'il sait à quoi s'en tenir. Le ministre met également en avant le fait que la FIFA ne l'a pas saisi en tant que tel sur cette affaire. Ignore-t- il que cette instance n'a absolument aucun rapport légal avec les pouvoirs publics d'un pays et que son seul et unique interlocuteur est précisément la fédération ? La FIFA ne peut raisonnablement pas mettre en garde contre l'ingérence des autorités politiques dans les activités des fédérations et entretenir dans le même temps des relations avec ces mêmes autorités. La contradiction est grosse. Le comble, c'est la contradiction contenue dans le décret de M. Guidoum lui-même. Pendant qu'il accorde un délai d'une année aux fédérations pour mettre leurs textes en conformité avec l'esprit du décret, il refuse inexplicablement ce délai de grâce à la FAF ! Le propos ici n'est pas de plaider la cause de M. Raouraoua, mais cette fixation autorise toutes les lectures politiques et autres sur une démarche qui pèche par une franche illégalité. On est en face d'une situation inédite d'une fédération qui prévoit une AG pour le 22 avec un candidat déclaré et un ministre qui promet de la bloquer tant que la FAF ne se conforme pas à ses textes qui contredisent ceux de la FIFA ! En clair, le professeur Guidoum exige un bilan préopératoire avant de faire son intervention chirurgicale sur le corps gangrené du football. Sauf que l'opération risque d'intervenir trop tard pour réanimer ce sport qui risque de mourir sur la scène internationale. A moins que la FIFA n'invente une exception algérienne...