Images surréalistes que celles diffusées par la télévision algérienne, mardi 5 avril, à l'occasion de la visite du président Bouteflika dans la wilaya de Tamanrasset, lequel s'est offert un chaleureux bain de foule qui ferait pâlir d'envie bien des dictateurs déchus ou encore en poste par les temps de crise qui secoue le monde arabe de part en part. Officiellement, le déplacement du chef de l'Etat dans cette wilaya de l'extrême sud du pays est justifié par l'inauguration du mégaprojet du transfert de l'eau de In Salah vers Tamanrasset. Cependant, cette sortie du président Bouteflika sur le terrain en ce moment précis, renouant le contact avec la population alors que les peuples arabes divorcent les uns après les autres d'avec leurs dirigeants, souvent dans un climat de violence, dégage, par ailleurs, une forte connotation politique. Même si le chef de l'Etat a préféré le traditionnel bain de foule et les scènes de liesse populaire – un art dans lequel excelle particulièrement l'administration locale – au discours solennel et aux effets d'annonce qui accompagnent généralement ses déplacements dans les wilayas, il demeure que, de par son timing, la visite en elle-même vise à conforter le discours officiel selon lequel l'Algérie n'est «ni la Tunisie ni l'Egypte». Et à convaincre que le défi des Algériens est plus d'ordre économique et social que politique. Bien évidemment, l'exercice qui n'est pas toujours sans risque pour un dirigeant d'aller à la rencontre de son peuple est politiquement plus aisé lorsqu'il se réduit à serrer des mains et à inaugurer des réalisations, a fortiori lorsqu'elles sont de portée sociale et économique, stratégiques pour les populations locales. Lorsque, aussi, la visite est réglée comme du papier à musique et que l'hôte débarque en terrain conquis. A l'inverse, il est établi que la parole est une arme autant redoutable que redoutée par les hommes politiques dans les moments difficiles, dans les périodes de troubles, de doute qui interpellent le pouvoir politique. Surtout lorsque ce pouvoir est dilué, traversé par des clans et des enjeux multiples qui font que moins on s'exprime publiquement, moins on s'expose politiquement et plus on se préserve. C'est selon toute vraisemblance la démarche adoptée par Bouteflika et les cercles de décision. Faire le dos rond en espérant que le vent de contestation et de changement des régimes politiques qui souffle sur le monde arabe ne gagne pas l'Algérie. Ce changement dans le style de gouvernement de Bouteflika parlant peu ou de moins en moins à son peuple, rompant avec l'overdose de discours et des interventions publiques qui avait marqué les premières années de son arrivée aux affaires, a-t-il quelque chose à voir avec sa maladie, comme le soutiennent certains ? Ne pas communiquer, c'est aussi une façon de communiquer, affirment les spécialistes en la matière. Quand bien même il voudrait ou pourrait s'adresser plus fréquemment aux Algériens comme il semblait prendre un insatiable plaisir par le passé, la conjoncture interne et régionale semble lui avoir imposé une autre attitude faite de prudence et de calculs politiques.