Pas un mot. En visite de travail, hier, dans la wilaya de Tamanrasset (extrême Sud), le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, s'est contenté de saluer d'un geste de la main les habitants mobilisés à l'occasion pour l'accueillir, sans faire aucune déclaration. Tamanrasset. De notre envoyé spécial Très attendu par une opinion publique mécontente et devant l'exigence d'une réforme politique exprimée par l'ensemble de la classe politique, le chef de l'Etat n'a finalement adressé aucun message aux Algériens. Coincé dans l'ornière du silence, le Président, dont la dernière intervention publique remonte à octobre 2010, entretient un flou déroutant alors que spéculations et rumeurs sont légion et marquent une vie politique confuse. Ainsi, pendant que le pays est habité de mouvements de contestation depuis janvier dernier, le chef de l'Etat a consacré son déplacement au Sud à l'inauguration du projet de transfert de l'alimentation en eau potable d'In Salah à Tamanrasset. Un mégaprojet d'un coût de près de trois milliards de dollars. Il a également inauguré un pôle urbain baptisé Aderian. Ce fut donc une visite présidentielle éclair et sans voix. Alors qu'il était prévu qu'il passe à Tamanrasset au moins cinq heures, le chef de l'Etat a fait un voyage de 2000 km pour une visite d'à peine deux heures. Les habitants de Tamanrasset n'ont eu ni l'opportunité ni la possibilité de transmettre leurs doléances au premier magistrat du pays. Le chef de l'Etat ne s'est même pas donné le temps de constater de visu le spectacle de misère qui «orne» les rues et les visages à Tamanrasset. Les centaines de personnes, venues, très tôt le matin, pour exprimer «leur amour» et leur désarroi à Bouteflika, n'ont eu le droit que «d'admirer» le cortège présidentiel – comprenant quelques ministres ainsi que le frère du président, Saïd – arpenter l'artère principale de la ville. Ce ne sont surtout pas les problèmes qui manquent dans cette wilaya au territoire très vaste et aux riches potentialités humaines et naturelles. Chômage, crise du logement, manque de perspectives de développement économique sont autant de maux qui rongent le Hoggar. De l'eau dans les robinets ? Pas évident «Nous aurions aimé parler au Président des problèmes dans lesquels se débat notre wilaya. Nous ne demandons pas de solutions rapides, juste qu'ils (les responsables politiques) nous fassent confiance, car nous disposons de potentialités capables de faire de Tamanrasset une ville attractive», a confié un jeune diplômé venu accueillir le président de la République. Certes, le mégaprojet de transfert de l'eau potable d'In Salah à Tamanrasset est d'une portée stratégique, cependant les habitants de l'extrême Sud doivent attendre encore des mois, même des années pour voir l'eau potable couler dans leurs robinets. La raison est que le réseau de distribution, existant dans quelques quartiers seulement, est complètement obsolète, alors que d'autres quartiers ne sont même pas raccordés. «Ce projet a pris une dimension politique tant au niveau national que local. Sinon comment expliquer que le projet soit lancé depuis janvier 2008 et qu'on n'a pas pensé à la réalisation du réseau de distribution ?» s'est indigné un habitant du centre-ville de Tamanrasset. «Ce soir, ils montreront à la télévision que les habitants de Tamanrasset vont enfin bénéficier du précieux liquide, mais en réalité, notre soif ne sera pas étanchée. Nous voulions le dire au Président», a martelé un autre. Les gens du Sud, comme ceux du Nord par ailleurs, n'ont pas soif seulement d'eau, mais également d'une vie digne. En somme, la visite de Abdelaziz Bouteflika dans l'extrême sud du pays n'aura eu aucun impact politique. L'opinion publique devra attendre la prochaine visite du chef de l'Etat pour le voir peut-être dire un mot aux Algériens.